Ma passion pour la lecture n'a d'égale que celle que je voue au sport. J'ai pratiqué en compétition le ski, puis le tennis et aujourd'hui le tir à l'arc. Depuis mon plus jeune âge, j'ai des souvenirs précis et émus de plusieurs évènements sportifs : j'ai huit ans lorsque Killy gagne trois médailles d'or aux J.O de Grenoble, dans ma ville, et j'exulte. Je suis très triste lors de la mort de Jim Clark deux mois plus tard lors d'une course de F2 sur le circuit d'Hockenheim. Je me souviens aussi parfaitement de Pelé et ses dribbles chaloupés ou de Beckenbauer avec son bras en écharpe lors du Mondial au Mexique en 1970, de
Guy Drut à Montréal en 1976 et de l'épopée des Verts la même année avec les maudits poteaux carrés. J'ai suivi avec passion les tournois de
Roland-Garros et de Wimbledon depuis 1973 avec la victoire de Nastase jusqu'à celle de Djokovic cette année et les oppositions Borg-Connors sur l'herbe londonienne jusqu'à la suprématie de Federer, la coupe Davis avec Noah et Saga Africa. J'ai regardé, le souffle coupé, le fabuleux concours de saut en longueur des championnats du monde d'athlétisme à Tokyo en 1991 où
Carl Lewis et Mike Powell dépassent tous les deux la marque de Bob Beamon vieille de 23 ans. J'ai été estomaqué par les chronos d'
Usain Bolt sur 100 et 200 mètres, heureux de voir Lavillenie s'envoler jusqu'aux étoiles, apprécié comme il se doit le french flair des rugbymen du quinze tricolore, surtout face aux Allblacks et naturellement j'ai applaudi à tout rompre les victoires des Bleus au plus haut niveau en 1998 et 2018 au football et les sacres mondiaux des Barjots, des Costauds et des Experts en handball. Et puis il y a aussi le cyclisme, la boxe, la natation, le biathlon, l'escrime, le judo...
Vous l'aurez compris, j'adore le sport, tous les sports. Pour la beauté des gestes techniques, pour l'intelligence de jeu, pour le fair play. Les émotions procurées par un grand évènement sportif sont bien souvent inégalées et la dramaturgie de la glorieuse incertitude du sport peut atteindre des sommets. SAUF... si l'on est un archer sud-coréen, un plongeur ou un pongiste chinois, un joueur de squash égyptien, un coureur de 3000 steeple kenyan ou un lugeur allemand (attention lugeur pas luger, le sport c'est pas la guerre quoi que parfois...cf le chapitre sur le water polo et la Hongrie). Car dans ces cas-là l'incertitude a disparu et les nations engagées dans la compétition ne seront présentes que pour faire de la figuration. C'est ce que nous montre l'essai (transformé) de
Guillaume Evin. En 20 chapitres reprenant chacun un sport et le pays qui le domine outrageusement, l'auteur nous livre des anecdotes et nous donne les raisons de ces succès qui perdurent dans le temps malgré la mondialisation du sport qui rend les victoires de plus en plus difficiles à obtenir. Chiffres à l'appui avec l'énumération des palmarès, des médailles d'or, d'argent, de bronze récoltées lors des grands évènements internationaux, le journaliste indépendant décrypte les causes d'ordre historique, culturel, parfois ancestral, mais aussi physique ou physiologique sur lesquelles se greffent presque toujours des politiques volontaristes qui expliquent cette hégémonie. Se mettent alors en place des cercles "vertueux" composés souvent d'une base très élevée de pratiquants, d'une politique de détection et d'émulation des talents précoces, de moyens humains, matériels et financiers importants pour ne pas dire illimités en ce qui concerne des pays comme la Chine ou la Russie qui font de leur domination sportive une justification de la supériorité de leur régime politique et social, par un soft power bien au delà des valeurs du sport qui sont le respect de soi, des autres et des règles, le fair play, l'honneur, le courage, l'esprit d'équipe, la loyauté ou le dépassement de soi. Ces fédérations omnipotentes n'aurait-elles pas oublier que la victoire est éphémère au regard de la poignée de main, de l'accolade ou du sourire échangé à la fin du match ? C'est sans doute ce qu'aime à penser un chauvin comme moi pour qui l'escrime et le hand doivent quand même rester des bastions français.