Pour son nouveau roman
Dominique Faget choisit de nous emmener comme d'habitude, je dirais presque, sur deux époques. Sauf que par rapport à ses précédents ouvrages, il s'agit de deux époques très rapprochées, en l'occurrence 1942 et 1956.
Un arbre généalogique en préambule et deux chapitres, il n'en faut pas plus à l'auteur pour nous présenter ses principaux personnages et commencer à tisser sa trame. le rythme de départ est un peu lent, mais néanmoins agréable à suivre et on se laisse emporter facilement dans cette histoire faite de contrastes.
La quiétude d'une famille bourgeoise de Saint Laurent des Vignes en Gironde, celle d'Hortense, vivant à la campagne, pendant qu' à Paris, Hannelore et sa famille subissent de plein fouet la persécution allemande de Juillet 1942. Une vie de notable à la campagne qui s' accommode tant bien que mal des restrictions et de la présence allemande d'un coté, et de l'autre la lutte pour la survie et la fuite.
Habilement construit depuis le départ avec ses alternances entre les deux périodes, il faut parvenir au premier tiers de cette histoire pour commencer à comprendre ce que
Dominique Faget cherche à nous raconter. Mais « chut » ,je ne vous en dirais pas plus sur cette histoire dans l'histoire avec un un grand « H ».
Atmosphère chabrolienne dans ce paysage aquitain, sous une chaleur étouffante, des meurtres barbares et bruts de décoffrage vont se multiplier dans la petite bourgade tranquille au cours de l'été 1956. C'est une plongée réussie dans les familles de souche bordelaises avec les noms de Labat, Laborde et Lescure, accompagnée d' une description fidèle des années 60. Ceux qui ont connu l'époque et les marques « Frigidaire , Banania » ou encore le petit ustensile en amiante qui servait à griller le pain apprécieront. Finement observé et finement retranscrit.
La plume de Dominique nous remet également en mémoire les heures sombres du nazisme avec la rafle du Vel d' hiv de Juillet 1942 et nous place face à nos responsabilités. Qu'aurions nous fait si nous avions entre 20 et 40 ans pendant la deuxième guerre mondiale ? « Aurions nous été meilleurs ou pires que ces gens si j'avais été allemand « (JJ Goldman Né en 17 à Leidenstadt) . de quel coté nous serions nous rangés ? L'exil en train vers Birkenau est une pustule de douleurs et de souffrances que l'auteur nous fait partager avec brio mais sans concession: »Ils semblaient veiller sur les damnés auxquels le nazisme ne donnerait pas le droit de vie ». La vie, notre bien le plus précieux ne tient qu'à un fil face à de tels monstres !
Et puis la France, avec ses vrais salauds tapis dans l'ombre, guettant chaque fois une nouvelle opportunité de s'enrichir en profitant de la misère des autres.
L'auteur appuie là ou ça fait mal et son scénario qui nous place face à nos instincts profonds est beaucoup moins simple qu'il apparaît au premier abord.
Sombres heures de notre passé et de nos consciences meurtries à jamais par la barbarie nazie, la romancière nous tient en haleine sur 240 pages en nous faisant frémir et réfléchir sur ce qu'on traversé nos anciens, tout en gardant à l'esprit que les pires crevures ne sont pas forcément et seulement ceux qui portent l'uniforme de la grande Allemagne.
Humanité, rédemption, vengeance, fraternité, liens de la famille, bien des thèmes sont évoqués dans ce nouvel opus de
Dominique Faget qui nous surprend une fois de plus en nous emmenant sur un terrain ou on ne l'attendait pas. Bravo !