Un grand Fajardie sur la France de l'après-guerre, quand les héros sont fatigués. La population nauséeuse tente d'oublier les années d'occupation, entre marché noir, système D, G.I.'s en goguette et bistrots transformés en boites zazous. A bord de sa Simca 8, Joe Dickman sillonne Paris. En cet hiver 1946, cet engagé de la première heure rallié au général Leclerc, revenu indemne de Koufra et de Bir Hakeim, a fondé avec un compagnon d'armes l'Agence de détectives Cyclope. Une affaire va bouleverser sa vie, la mort de Jules Farnoux, baron de l'industrie qui a su louvoyer entre collabos et résistants et faire prospérer ses affaires.
Après le magnifique portrait d'un chef de la résistance dans
Un homme en harmonie, Fajardie nous offre une saisissante radiographie d'une nation en pleine désillusion à travers la destinée d'un homme usé par sept années de combats: "A part cette femme et cette guerre que j'avais voulu accomplir jusqu'à l'effondrement des fascismes, voilà longtemps que je ne désirais plus rien. Concernant la vie courante, je protestais rarement et ne manifestais rien, définitivement vaincu par la connerie triomphante qui s'étalait partout."
Anciens collabos, combattants, résistants de la dernière heure, épurateurs zélés, flics pourris et habiles opportunistes se croisent au sein d'une intrigue complexe. Les plus faibles tentent de survivre à la rigueur de l'hiver 46, les plus forts souhaitent occulter définitivement un passé devenu gênant, et la plupart des Français veulent rattraper les années volées par la guerre .
Un constat assez désabusé sur l'engagement et la perte des idéaux nuancé comme toujours chez Fajardie, par l'humour, l'élégance, la finesse, avec une certaine vision chevaleresque de l'amitié virile et des amours partagées. Un beau roman sur les lendemains de la guerre et les choix d'une vie, un regard teinté de tristesse sur un pays qui ne sera plus jamais le même.