Comme je suis très très en retard dans mes retours de lecture, une fois n'est pas coutume, je vais écrire un seul billet sur l'ensemble de la trilogie constituée de "
Mille femmes blanches", suivi de "
La vengeance des mères", et terminé par "
Les amazones". Une lecture que je dois une fois de plus à ma meilleure amie, toujours de bon conseil, elle se reconnaîtra si par hasard elle passe ici.
1874 : le chef des Cheyennes, Little Wolf, obtient une entrevue avec le président américain Ulysses Grant dans le but de lui proposer un deal dont les termes sont les suivants : dans le but d'assurer l'avenir de sa tribu, il demande que
mille femmes blanches lui soient livrées (comme des pizzas !) en échange de mille pur-sangs. On ne sait pas vraiment comment s'est conclu l'entretien, si ce n'est que la bonne société s'est fortement offusquée de cette demande. Toujours est-il que
Jim Fergus est parti de ce fait avéré pour nous régaler d'une trilogie riche en émotion et en rebondissements.
le premier volume, sous-titré le journal intime d'une femme libre nous embarque à travers les carnets de May Dodd, "retrouvés" par son arrière-petit-fils J. Will Dodd, rédacteur en chef d'un journal à Chicago.
May n'a qu'une vingtaine d'années lorsqu'elle tombe amoureuse d'un contremaître de son père, avec lequel elle part vivre et qui lui fera rapidement deux enfants, hors mariage. Bien sûr sa famille la renie complètement, et son père ira jusqu'à la faire enfermer dans un asile psychiatrique où ses conditions de vie seront épouvantables. Pour échapper à son sort, elle se porte volontaire pour le programme "1000 femmes blanches", et sera sélectionnée en compagnie de nombreuses autres réprouvées issues comme elle d'institutions psychiatriques mais aussi de prisons ou de la rue. Rares sont en effet les femmes "respectables" qui ont répondu à l'appel...
Lors du long voyage qui va les mener jusqu'au campement de Little Wolf, le chef Cheyenne, dans le Nebraska, May commence à écrire dans un carnet le récit de ses aventures et de celles de ses compagnes dont certaines deviendront des amies. Ces récits se présentent sous forme de lettres à sa soeur, et parfois à son amour disparu, Harry, ou encore à ses enfants dont elle doute de les revoir un jour. le périple de ces femmes éprouvées par la vie les amènera à faire connaissance et à développer une grande solidarité entre elles. Je vous en présente quelques-unes : Phemie, fille d'une esclave noire et de son maître et elle-même vendue enfant à un planteur violent, elle finit par s'enfuir jusqu'au Canada, où elle trouvera un emploi. Dix ans plus tard, elle découvre l'offre d'échange et se porte volontaire. C'est l'une des figures les plus marquantes du roman, dotée d'un physique d'athlète et remarquable en tous points, elle s'imposera comme l'égale des hommes dans la tribu indienne.
Les jumelles Kelly, Meggie et Suzy, des irlandaises flamboyantes et pleines d'humour, spécialisées dans l'arnaque de vieux barbons ce qui les a conduites au pénitencier. Elles seront les héroïnes du second tome "
La vengeance des mères", mais prennent déjà une place prépondérante dans la vie de la tribu.
Gretchen, fille d'immigrants suisses fermiers, peu gâtée par la nature, qui cherchait un mari et s'est retrouvée à la rue sans un sou, son prétendant ayant fui en la découvrant. Elle se dit que les cheyennes seront moins exigeants et verront en elle une bonne future mère avec ses hanches de poulinière.
Miss White, Narcissa de son prénom, protestante guindée n'a pour sa part aucune intention de se faire engrosser par un "sauvage". Elle préfèrerait lui apporter l'enseignement du Christ et les bonnes moeurs épiscopaliennes.
Helen Flight est quant à elle une artiste anglaise qui dessine à la perfection les oiseaux. Stérile (mais l'ayant caché), elle a postulé pour saisir l'occasion de découvrir de nouvelles espèces pour illustrer son prochain ouvrage. Elle réservera quelques surprises à ses compagnes...
Il y en a bien d'autres encore, qui partageront l'odyssée de May avec ses déboires, mais aussi ses moments de bonheur, car finalement, la vie au sein de la tribu cheyenne va se révéler bien plus enrichissante que prévu. Les femmes blanches vont peu à peu y trouver leur place et adopter le mode de vie local, tout en y imposant quelques "aménagements" pour améliorer le confort de tous. Il y aura des moments difficiles, comme quand May, mariée à Little Wolf en personne, découvrira qu'il a déjà deux épouses avec lesquelles il faudra le partager, ou quand certaines d'entre elles vont devoir faire face à un redoutable prédateur (humain), mais dans l'ensemble elles découvriront que les soi-disant sauvages se révèlent parfois bien plus civilisés que leurs concitoyens blancs. Bien sûr, tout n'est pas aussi tranché, il y a des blancs respectueux et qui pensent que les tribus indiennes devraient pouvoir garder leurs terres sans en être chassés pour faire place aux chercheurs d'or et autres pionniers. Tout comme il y a aussi des Indiens méprisables et sanguinaires, y compris envers leurs propres congénères de tribus rivales. On assiste d'ailleurs à une scène particulièrement horrible vers la fin du premier tome...
Le second volume s'articule cette fois autour des journaux des soeurs Kelly et d'une nouvelle venue, Molly Mc Gill qui fait partie du second contingent de l'opération
Mille femmes blanches, dont le dépositaire est John William Dodd III, fils du précédent rédacteur en chef. Il les a reçus de Molly Standing Bear, amérindienne descendante de la tribu de Little Wolf.
Le groupe dont fait partie Molly Mc Gill est attaqué pendant son voyage en train par des guerriers Lakotas, dont le chef se nomme Hawk, un sang-mêlé. Pendant son enfance, il a été enlevé à ses parents et contraint de fréquenter une école de jésuites où il a appris l'anglais. Au camp des Lakotas, les sept " nouvelles" vont faire la connaissance des soeurs Kelly, qui leur serviront de guides dans cette nouvelle vie. Escortées par Hawk et quelques autres lakotas, elles partirons ensemble à la recherche de Little Wolf et de la tribu des Cheyennes. Je n'en raconterai pas plus, sous peine de divulgâcher des éléments du premier tome. Juste un mot pour mentionner un autre personnage remarquable qu'on suivra tout au long de l'histoire : Jimmy le muletier, alias Dirty Gertie, une femme courageuse contrainte de se déguiser en homme pour obtenir un travail auprès de la garnison responsable du programme d'échange. Elle se révélera une aide inestimable pour les jeunes femmes.
Enfin un mot sur le troisième tome, "
Les amazones", plus guerrier, axé sur la traque des dernières tribus indiennes qui n'ont pas encore accepté de se rendre dans les comptoirs "généreusement" concédés par les blancs en échange des immenses territoires peuplés de bisons où régnaient naguère Cheyennes, Lakotas et autres tribus alliées ou rivales. Nous y retrouvons certaines des héroïnes des deux volumes précédents, elles se sont affirmées et certaines sont mêmes devenues des chefs de guerre. Loyales à leur peuple d'adoption, elles prendront une part active au combat des Indiens pour préserver leur indépendance. Entre les derniers carnets de Molly Mc Gill et d'une autre héroïne, on découvre également les interventions de Molly Standing Bear qui nous apprend que l'histoire ne s'est pas arrêtée en 1875, et nous démontre s'il le fallait encore les ravages de l'homme blanc sur la civilisation indienne, et la spoliation dont les tribus ont été victimes.
Je me suis étendue un peu longuement sur l'histoire, mais je voulais quand même en donner quelques éléments essentiels, sans en divulguer les innombrables facettes. Cette saga est incroyablement riche, et même si l'histoire est fictive, les faits relatés pourraient parfaitement s'être produits.
Les portraits de femmes sont fouillés et chacune d'elle possède des particularités intéressantes et souvent elles sont très attachantes. Les hommes ne sont pas en reste, je ne suis pas près d'oublier Little Wolf, Hawk, ou encore Chance, croisé dans le tome 3. La nature tient une part essentielle dans l'histoire, elle fait partie intégrante de la vie des tribus indiennes qui sont en totale harmonie avec elle, et n'y prennent que ce qui leur est indispensable.
J'ai beaucoup appris aussi sur les prémisses de la réquisition par les colons blancs des terres indiennes, et la façon dont ils ont réussi à "persuader" nombre d'indiens de se rendre volontairement au sein des comptoirs où ils vont peu à peu renoncer à tous leurs droits. Certains se retrouveront vite sous l'emprise de l'alcool, arme fatale des envahisseurs.
Bref, j'ai été complètement happée par ce mélange de western, de road-trip, et de nature-writing, au point de lire la trilogie d'une traite (enfin entre-temps j'ai quand même dormi et travaillé !). J'ai quasiment tout aimé, excepté peut-être le côté un peu caricatural de certains personnages, mais cela m'a plutôt fait sourire. Je n'ai pas mis cinq étoiles parce que le troisième tome m'a un peu moins séduite, le côté combat et poursuite y étant trop présent à mon goût, mais les deux premiers méritent la note maximale.
Il paraît qu'une suite est parue, bien évidemment je la lirai dès que je parviendrai à mettre la main dessus ! En attendant, j'en connais parmi mes ami(e)s babeliotes qui seraient certainement aussi enthousiastes que moi...