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EAN : 9782234083721
288 pages
Stock (28/02/2018)
3.81/5   24 notes
Résumé :
Le 27 août 1984, Andrés Antonio Valenzuela Morales, agent du renseignement, dévoile à une journaliste la réalité de la torture, des enlèvements et des assassinats politiques. Ce témoignage bouleverse N. Fernández, alors âgée de 13 ans. Des années plus tard, alors que le gouvernement prône la réconciliation nationale, elle retrouve cet homme et écrit son histoire.
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Quel est le processus de transformation d'un homme ordinaire comme vous et moi en bourreau, tortionnaire,assassin.....de plusieurs personnes, voir des milliers ? Porte-t-on le germe en chacun de nous, qui n'attend que le milieu propice pour s'éclore ? ( “.....il n'est pas si difficile de devenir ce que nous redoutons le plus.").
Nona Fernández, la narratrice, aborde la question partant du personnage d'Andrés Antonio Valenzuela Morales l'homme qui torturait, l'agent de renseignements des Forces armées de la dictature chilienne d'Auguste Pinochet (1973-1990), qui un beau jour du 27 août 1984, débarque aux bureaux de la rédaction du magazine Cauce pour se confesser à une journaliste, « Je veux vous parler des disparitions forcées de personnes ».

« La quatrième dimension », c'est lui et tout ses semblables, tous les actes d'injustice et de barbaries rendus légitimes ou invisibles grâce à la censure, au mensonge et à l'attitude « trois singes » d'une population qui ne voit rien,n'entend rien, ne dit rien. "La quatrième dimension " est aussi et surtout toute celle qui concerne les victimes, cette zone d'ombre qu'on ne peut qu'imaginer mais qu'on ne le veut même pas. Une fois séquestrées, qu'ont-elles vu? Qu'ont-elles entendu? Qu'ont-elles pensé? Que leur a-t-on fait ? Que sont-elles devenues ?....,Bref "La quatrième dimension " est tout ce qui est invisible, ce monde secret, un univers qui existe au-delà des apparences, derrière les limites de ce que nous sommes habitués à voir. Cette réalité si différente, à laquelle, "on peut seulement accéder grâce à la clé de l'imagination", comme disait la voix off du film homonyme de Rod Serling (Twilight zone) à laquelle l'écrivaine fait référence.
En novembre 1984, presque deux mois après la publication du témoignage de l'homme qui torturait, l'instauration de l'état de siège est publiée au Journal officiel, sous lequel la diffusion de Cauce est interdite. le gouvernement recoure à la seule arme efficace dont il dispose : la suspension temporaire des droits civils et "L'homme qui torturait" suite à sa confession, a disparu depuis belle lurette.

Bien que la dictature et ses horreurs appartiennent à l'époque de sa mère, qui a tenté sainement d'oublier, Fernandez, elle, en a hérité comme d'une obsession maladive, d'où ce livre.
Ce n'est pas un livre d'histoire. C'est un livre de mémoires d'un passé douloureux, et d'analyse et de réflexion qui peut s'appliquer à toutes situations de même nature, sans aller trop loin dans le temps, pour la Syrie par exemple.
C'est un livre d'introspection universelle, intemporelle, sur nous même, l'âme humaine terriblement complexe dont la quatrième dimension, ce côté obscure, invisible que toute une vie nous nous acharnons à découvrir, à justifier,......en vain....("Combien de visages peut contenir un être humain ?).
C'est aussi un voyage dans le passé pour tenter de corriger le futur : toutes ces horreurs que nous lisons ou voyons dans les médias, dans les livres, comme par exemple tout récemment , 305 morts dans un attentat dans le Sinaï le 23 novembre 2017, il y a juste un mois....déjà partis en fumée, disparus dans l'espace, nous sommes déjà passés à autre chose.
Je pourrais encore écrire long tellement le sujet est vaste et profond. Mélangeant des anecdotes de sa vie personnelle avec une approche journalistique des faits, le tout enrichi de nombreuses réflexions et questions, de références culturelles, l'écrivaine chilienne réussit le tour de force d'un très beau texte littéraire, fluide et poignant, bien que le sujet soit très complexe et noir. Une approche similaire à celle de Selva Almada pour «  Les jeunes mortes ». Deux jeunes écrivaines sud-américaines à suivre sans aucun doute.
C'est un coup de coeur pour moi ! La dernière de l'année je pense, pour un livre très fort avec une fin magistrale, qui réussit littérairement à exprimer les émotions de toute une nation à l'égard d'un passé noir et honteux, dont elle n'en pourra jamais faire le deuil. Vous le lirez comme un thriller, mais malheureusement ce n'est pas de la fiction.
Je remercie infiniment Les Éditions Stock et NetGalley pour l'envoie de ce superbe livre !

Bonnes fêtes de fin d'année et Bonne année à tous !


« L'empathie et la compassion sont des signes de lucidité. La possibilité de se mettre à la place de l'autre, de changer de peau et de visage, est un exercice d'intelligence pure. »
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Morales... Andres Antonio Valenzuela Morales.
C'est peu dire qu'en dehors de son nom il en a pas affiché tant que ça, de la morale. A la solde du renseignement des forces armées chiliennes, l'homme qui torturait a permis d'exterminer un nombre tel de communistes et d'opposants au régime de Pinochet qu'il ne se souvient plus de leurs noms, à peine de leur surnoms. C'est pourtant de sa propre initiative qu'il se rendra le 27 aout 1984 au magazine Cauce pour tout raconter. Nona Fernandez se souvient comme d'hier de cet homme moustachu en une, malgré ses 12 ans à l'époque. Elle tisse à partir de ce souvenir obsédant la toile d'une histoire à plusieurs étages de narration, où sa propre existence y est présente comme un témoin d'époque. Résolument moderne, dans l'air du temps de l'auto-fiction, la docu-fiction ou autre exo-fiction, enclin à mettre en avant l'arrière du décor et même plus en nous faisant entrer en imagination dans la twilight zone, il adopte un ton et un style libertaires accrocheurs en diable, à la portée réflexive non moins absente : on s'interroge sur les dérives morales de l'être humain, ses multiples visages, sa versatilité et sa monstruosité. Un récit prenant et efficace, pour une bien belle réussite finale.

«Beaucoup de noms que j'ai lus dans le témoignage de l'homme qui torturait s'incarnent peu à peu sur cet écran : un visage, une expression, un peu de vie. Bien que virtuelle. Extension des photos accrochées à ce mur transparent, aérien, comme un morceau de ciel. Ou plutôt un morceau d'espace extérieur dans lequel échouent, perdus, comme des arstronautes à la dérive, tous ces visages qui ont été avalés par une quatrième dimension.

Ouvrons cette porte avec la clé de l'imagination. Derrière, nous allons découvrir une autre dimension. Vous entrez dans un monde secret de rêves et d'idées. Vous entrez dans la quatrième dimension.»
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Premier coup de coeur de l'année. Dans une interview au journal espagnol El País*, Nona Fernández disait « Je n'écris pas pour que le lecteur passe un bon moment ». De fait, les émotions sont soumises à rude épreuve avec cette lecture, qui est l'une des très (trop ?) rares à m'avoir mis les larmes aux yeux, et dieu sait pourtant que je lis peu d'histoires drôles. Née en 1971, Nona Fernández n'est pas une victime directe de la dictature chilienne (1973-1990), mais sa vie en est tout entière hantée, jusqu'à l'obsession, alors que pourtant la démocratie est de retour tant bien que mal (« le monde se moque de la démocratie chilienne ») depuis des années.

Pour elle, tout a commencé le 27 août 1984, lorsque le soldat Andrés Antonio Valenzuela Morales se rend dans les locaux du journal Cauce à Santiago, pour s'y confesser, asphyxié qu'il est par l'odeur de mort qui l'entoure en permanence. « J'ai torturé » sera le titre de l'article publié par le journal, dans lequel il raconte les arrestations, enlèvements (« disparitions forcées »), tortures, exécutions, assassinats et dissimulations de cadavres auxquels il a pris part en tant qu'agent de renseignement de la Force Aérienne de Pinochet. S'ensuivent la grosse colère de la junte, l'instauration de l'état de siège et la fermeture des journaux tels que Cauce, et l'exfiltration vers la France de Morales pour qu'il puisse continuer à témoigner contre le régime. A cette époque, Nona a treize ans et restera marquée par la couverture du magazine et ces mots, « J'ai torturé ». C'est là, à ce moment, à cet âge encore innocent qu'elle réalise qu'il existe dans son pays une quatrième dimension, un monde parallèle que le commun des mortels ne peut pas - ne veut pas - voir ou imaginer. Une faille spatio-temporelle dans la réalité quotidienne qui montre, pour peu qu'on se risque à y jeter un oeil, comment des gens ordinaires deviennent des monstres même si parfois il leur reste une part d'humanité (comme pour Morales), ou comment des gens ordinaires sont pourchassés par ceux qui sont devenus des monstres et se volatilisent sans espoir de retour. La quatrième dimension, c'est celle des enlèvements politiques en plein jour, des centres de torture en plein quartier résidentiel, des copines de classe filles de bourreaux ou de victimes.

Des années plus tard, l'auteure, en même temps qu'elle travaille au montage d'un documentaire sur cette période noire, entame l'écriture de ce récit et assemble, comme dans un puzzle, les cas d'enlèvements et d'exécutions, les tortures, les souvenirs d'enfance, les aveux, manifestations, répressions, commémorations, enquêtes et recherches de la vérité.

Evidemment, en transversale, il y a la question du « qu'aurais-je fait ? » Dénoncer l'horreur, me révolter, lutter, me cacher, me taire, fermer les yeux ? Question difficile voire impossible, sur un air connu (« Né en 17 à Leidenstadt ») mais qui pourtant n'en finit pas d'être actualisée tous les jours. Rien que ça, c'est désespérant. Mais je crois que ce qui m'a le plus bouleversée, c'est la façon dont elle raconte le poids transmis aux générations qui n'ont pas subi ou connu la dictature. Dans l'interview à El País, elle dit avoir centré le récit sur les enfants des victimes pour parler de sa génération orpheline. On ressent si fort son impuissance et sa révolte face à ce passé qu'elle n'a pas voulu. En se référant à une chanson de Billy Joel (“We didn't start the fire/ No, we didn't light it/ But we tried to fight it”), elle décrit dans le livre la cérémonie de commémoration d'une énième exécution d'opposants : « Je cherche la petite fille au milieu de tous ces gens connus car je veux lui dire qu'elle a raison, c'est une fête, mais une fête de merde. Nous ne méritons pas d'anniversaire comme celui-là. Nous ne l'avons jamais mérité. Ni elle, ni moi. Ni Maldonado, ni X et sa petite L, ni F et sa mère, ni N et la petite S, ni M, ni D, ni Alexandra, ni Mario, ni Yuri, ni Evelyn, aucun enfant, aucun petit-enfant. (…) J'attrape le bras de Maldonado comme quand nous étions gamines et jouions à être vieilles. Je m'accroche à elle, et elle à moi, et nous commençons à inspirer profondément (…) et quand nous sentons que nous allons exploser, nous faisons chacune un voeu en silence et soufflons le plus fort possible pour essayer d'éteindre, une bonne fois pour toutes, avec la force de quelqu'un qui crache sur un cercueil, les flammes de toutes les bougies de ce gâteau de merde ».

Un livre dur, sensible, triste et émouvant, lourd du passé d'un pays qui ne s'en remet pas. Un très fort moment de lecture.
Une fois de plus, merci à Bookycooky de m'avoir inspiré cette lecture.

En partenariat avec les Editions Stock via le réseau Netgalley.

*https://elpais.com/cultura/2017/11/29/actualidad/1511987081_599660.html
Lien : https://voyagesaufildespages..
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La quatrième dimension est un livre témoignage, un livre confession, un livre qui réveille un passé proche, un livre qui nous rappelle si besoin les tortures subies ou vécues par les chiliens sous la dictature Pinochet.
Andrés Antonio Valenzuela Morales témoigne en 84 de ce qu'il a fait, ce à quoi il a participé "j'ai torturé".
Nona Fernandez, l'auteur est née en 1971, elle n'a pas eu conscience de tout ce qui se passait mais elle porte en elle ce désir d'en savoir plus, de comprendre et à son tour de témoigner. C'est la couverture d'un magazine qui montre Andrés Antonio Valenzuela Morales et titre "j'ai torturé" qui va l'interpeller et lui faire comprendre qu'il existe une 4ème dimension dans son pays, un monde parallèle que personne ne veut voir, que tout le monde occulte.
Ce livre n'est pas un moment de détente mais un moment qui nous pousse à nous souvenir, à nous révolter devant tous ces crimes et la façon dont on a fermé les yeux, un moment qui fait réfléchir sur les dictatures mais aussi sur soi.
Un grand merci aux éditions Stock et à Babelio.
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Le 27 août 1984, Andrés Antonio Valenzuela Morales, agent des services de sécurité chiliens, livre un témoignage-vérité à une journaliste du magazine d'opposition Cauce. Quand l'article paraît, la photo de l'homme est barré du titre ''J'ai torturé''. A l'époque, Nona Fernandez a 13 ans. Cette couverture la marque pour toujours, elle qui jusque là vivait la situation de son pays avec l'insouciance de la jeunesse. Avec le témoignage de ce tortionnaire ordinaire du régime de Pinochet, elle découvre la torture, les enlèvements, les disparitions, les assassinats. Pour elle, c'est comme si le Chili contenait une ''quatrième dimension'', une faille spatio-temporelle où tomberaient certains citoyens pour ne plus jamais en revenir. Arrestations arbitraires, enlèvements, centres de torture, charniers cohabitent dans la ville avec elle et tous ceux qui voient sans regarder, entendent sans écouter, savent sans le vouloir. Des années plus tard, alors que le pays s'ouvre à la démocratie et prône la réconciliation nationale, Nona Fernandez contacte cet homme avec des questions plein la tête. Après son témoignage, il n'a eu d'autre choix que de fuir le Chili. Exfiltré par ceux-là même qu'il pourchassait, il a refait sa vie en France.

En remontant le fil de ses souvenirs, Nona Fernandez interroge l'humain sans haine ni jugement. Comment devient-on un tortionnaire à la solde d'une dictature ? Comment peut-on arrêter, torturer, exécuter des hommes et rentrer chez soi auprès de sa femme et de ses enfants comme après une banale journée de travail ? Peut-on vivre avec l'odeur du sang et de la mort constamment en soi ? Et surtout, peut-on être sûr que, dans les mêmes circonstances, on aurait agi différemment ?
A travers son travail, on découvre la société chilienne qui subissait la dictature de Pinochet et celle qui aborde la démocratie, parfois avec maladresse. Victimes et bourreaux sont-ils réconciliables ? Doit-on oublier les exactions d'un régime qui a fait disparaître des milliers de personnes sans se justifier, sans s'excuser ? Difficile de voir Pinochet mourir de sa belle mort, entouré des siens, quand tant d'autres son morts seuls, les yeux bandés, pendant que leur famille gardait l'espoir de les revoir.
Assassinats politiques, manipulations, mensonges d'Etat, éradication de toute opposition...aujourd'hui encore des hommes et des femmes manifestent pour obtenir la vérité, des hommes et des femmes enquêtent pour retrouver les corps des disparus, des hommes et des femmes continuent d'exiger des comptes.
En convoquant ses souvenirs d'enfance, Nona Fernandez raconte une vie passée à voir sans comprendre, à deviner sans être sûre, à pressentir sans imaginer l'ampleur des faits.
Un essai édifiant, bien documenté mais aussi très émouvant.
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critiques presse (1)
LeMonde
13 avril 2018
La Quatrième Dimension, de Nona Fernandez, reconstitue avec précision la violence de la dictature militaire de Pinochet, et rend justice aux victimes.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
[Citant Youri Gagarine lors de son vol spatial]:
La Terre est bleue, a-t-il dit à la radio, contemplant à travers son hublot la mer dans laquelle reposerait le camarade Yuri des années plus tard. La Terre est bleue et belle, a-t-il dit, et d'ici, que l'Histoire le retienne, ne l'oubliez jamais, s'il vous plaît: on n'entend la voix d'aucun dieu.
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Les chemins que les hommes empruntent pendant leur vie permettent de présager leur destin, dit Scrooge. Mais si l’un d’eux dévie de ce chemin, son destin changera-t-il?
( Ref.Un chant de Noël de Charles Dickens)
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Etre stupide est un choix personnel et il ne faut pas nécessairement porter un uniforme pour exercer ce talent maléfique.
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Je crois que la méchanceté est directement proportionnelle à la bêtise. Je crois que ce territoire où vous viviez avec angoisse avant de disparaître était gouverné par des imbéciles. Les criminels ne sont pas intelligents, ce n'est pas vrai. Il faut une sacrée dose de stupidité pour diriger les pièces d'une machinerie si grotesque, absurde et cruelle. De la pure bestialité dissimulée à la perfection. Des gens petits, avec des têtes petites, qui ne comprennent pas l'abîme de l'autre. Ils ne possèdent pas le langage, ni les outils pour ça. L'empathie et la compassion sont des signes de lucidité. La possibilité de se mettre à la place de l'autre, de changer de peau et de visage, est un exercice d'intelligence pure.
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Je crois que la méchanceté est directement proportionnelle à la bêtise.
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