Lorsque Morgane arrive au bar du Castel Beau Site où l'attend son mari, elle a l'air confuse et agitée. Pourtant, elle prétend que tout va bien. le couple passe donc une bonne soirée tranquille. A leur retour, c'est le drame. Plus de bébé dans le berceau. Qu'est devenue Gaela ? Un enfant de dix jours n'a pu partir seule ! Un long cauchemar éveillé attend la mère.
Ce qui m'a d'abord attirée et intriguée dans ce livre de
Christophe Ferré, comme beaucoup de lecteurs, je pense, c'est sa couverture. C'est surtout cette maison à tourelle qui me fascine, isolée sur de gros rochers au bord de la mer. Nulle vie autour d'elle, mis à part le fracas des embruns.
Nous sommes en Bretagne, sur la Côte de Granit rose. C'est un endroit que je ne connais pas, mais que j'ai bien envie de découvrir, car, la plupart du temps, ce genre d'histoires se déroule dans des contrées américaines qui me sont étrangères.
Je ressens quand même une légère appréhension à l'idée qu'on fasse du mal à un enfant sans défense.
A la première page, une carte permet au lecteur de se repérer. Il y découvre les lieux qui serviront de décor à l'action.
Dès les tout premiers mots, je suis conquise : « Villa d'Ys » évoque pour moi les légendes celtiques dont je suis friande.
L'auteur et très habile. Il construit son roman sur une succession de chapitres très courts (trois pages pour les plus longs), empêchant le lecteur de lâcher son livre. On est tout bonnement incapable de s'arrêter, puisque chaque fois qu'on veut le faire, on s'octroie encore sans complexe un petit chapitre vu qu' il ne compte qu'une seule page...
Voici le personnage principal. Elle s'appelle Morgane. Son prénom évoque les légendes arthuriennes (d'ailleurs, son fils se nomme Arthur). Ressemblera-t-elle à cette fée au caractère ambigu, tantôt séductrice, tantôt diabolique ? C'est elle qui entraîne ses amants dans le piège du Val sans retour. Et notre héroïne, fera-t-elle de même ? Elle a l'apparence d'une jeune femme fragile au corps d'adolescente, à la peau diaphane, rien d'inquiétant en elle, qui semble le plus souvent désorientée, au bord des larmes. Artiste peintre, c'est une aquarelliste, donc quelqu'un de délicat à n'en pas douter.
Mais, comme le juge Ornano, le lecteur se méfie, se pose des questions. La voici qui rejoint son mari. le Castel se situe à pine à quelques minutes de la villa. Pourtant, elle est très en retard. A bout de souffle, elle semble sortir d'une course. Mais, lorsqu'Elouan lui pose la question, elle nie. C'est la faute du vent qui s'est levé soudain, comme c'est souvent le cas dans la région. Elle s'embrouille, se dédit. Peu après, elle prétend avoir couru pour ne pas être en retard. Et ce n'est que sa première contradiction. Mère attentive, elle n'hésite cependant pas à laisser seul un petit bout de dix jours pour passer toute une soirée au restaurant. Certes, il y a Arthur, mais à treize ans, ce n'est encore qu'un enfant. Elle a de mystérieux rendez-vous clandestins avec un jeune homme qui la rejoint par mer, comme pour ne pas être vu. Elle refuse de répondre aux questions du juge. Elle a eu un amant, pourtant, à présent, elle prétend que cet homme l'effraye, qu'elle le déteste. Elle reçoit des lettres anonymes dont elle ne parle à personne. Elle croit en connaître l'auteur, mais, au lieu d'avertir la police, elle se rend seule chez lui. Son unique amie est une femme qu'elle juge jalouse et malveillante, avec laquelle elle se dispute gravement, mais qu'elle revoit malgré tout, comme si de rien n'était. Elle se confie étourdiment à une journaliste pour s'étonner ensuite que celle-ci divulgue ses révélations dans ses articles. Pour agir aussi inconsidérément, serait-elle folle ? Est-elle coupable de la disparition de Gaela ? On dirait qu'elle fait tout pour en persuader le juge.
L'histoire est donc prenante, mystérieuse. Mais ce n'est pas ce qui me plaît le plus. Ce que j'aime surtout, c'est que
Christophe Ferré excelle à créer une ambiance. Il aime la Bretagne, aucun doute. Et il transmet cette passion à son public. Les lieux sont magistralement décrits. Souvent apparaissent des mots, des phrases, des dictons celtiques. On entend au loin la musique et les chansons, en particulier celles de Tri Yann.
Il évoque des légendes, comme celle de la cité d'Ys, dévorée par les flots. Il décrit des tableaux, tel celui de
Maurice Denis (j'aime beaucoup la peinture). Lorsqu'il parle des bateaux, il cite le nom des voiles qui apportent une touche de poésie pour qui ne les connaît pas.
Le récit cède la place ici à un article de presse, là aux lettres envoyées, non par un corbeau, puisqu'on est au bord de la mer, mais par un inquiétant cormoran.
Autour de la jeune femme gravitent des personnages assez louches, de sorte qu'on se demande à qui elle peut réellement se fier. Tous semblent jouer double jeu et manipuler cette petite poupée avec machiavélisme.
Si la fin est inattendue, l'auteur a pris soin de bien lever tous les mystères, ce qui n'est pas toujours le cas dans ce genre de roman.
C'est donc un livre qui m'a plu et que j'ai dévoré.
J'émettrais toutefois une remarque. Pourquoi l'auteur parle-t-il des « toiles » de Morgane, alors que le support d'une aquarelle, c'est le papier ?
Merci aux éditions de l'Archipel qui m'ont offert ce bon moment et tout particulièrement à Mylène Pagnat qui a été tellement aimable avec moi.