The Kinks pro quo
Enfin, un livre français sur le meilleur des nombreux prétendants au podium pop.
Alain Feydri y livre les clefs du mystère qui entoure encore ceux à qui le Panthéon était promis, mais qui sont restés sur ses marches.
On retrouve les éléments déjà connus généralement avancés en guise d'explications à l'insuccès relatif du groupe :
- un management bordélique. On se perd à essayer de savoir qui est responsable de quoi, mais on acquiert la confirmation que Pye, leur maison de disques initiale, ne les a pas aidés.
- une interdiction de territoire US dans les années 60, qui les a peut être empêchés de percer en les enfermant dans une imagerie britanico-nostalgique.
- les 2 frères Davies qui se détestent, unis seulement pour se moquer de leur batteur qu'ils jugent (pas sans raisons) insuffisant (on peut d'ailleurs admirer l'incroyable patience de Mike Avory, à quelques jets de cymbale près).
- une incapacité chronique à se montrer professionnels qui les conduit à rater systématiquement leurs prestations scéniques : retards, annulations, ébriété, bagarres...(les causes pouvant être liées)
- un leader fragile, dépressif, suractif, brillant mélodiste, observateur hors pair, mais parfois assez hautain, tandis que son frère se complait dans le rôle de l'excentrique obsédé par les femmes et frustré par un manque de reconnaissance.
-....
Bref, les Kinks sont finalement les précurseurs d'Oasis à qui ils sont supérieurs en talent, mais inférieurs en sourcils.
Et pourtant, en dépit des obstacles mis (souvent à leur initiative donc) sur leur route, ce groupe va accumuler une somme incroyable de chansons à la mélodie imparable, d'où l'accumulation de compilations qui prennent le pas sur leurs albums originaux souvent sortis dans l'indifférence générale.
Ce livre, très bien écrit et très agréable à lire, ne verse pas dans l'hagiographie.
L'image des Kinks est écornée plus souvent qu'à son tour, ce qui n'est pas forcément désagréable, y compris quand comme moi, on garde toujours une place à part aux natifs de Muswell Hill.
Après tout, c'est bien ce caractère foutraque qui donne tout son attrait au Gang des frères Davies, lancés dans une espèce de course suicide qui se rapproche finalement, de l'esprit punk.
Feydri est bien documenté (enfin, réalise une belle synthèse car des ouvrages existent en anglais) et livre des anecdotes réjouissantes.
Ray Davies qui prétend n'avoir jamais écouté Sergent Pepper's ou Tommy et qui se retrouve à jouer la 1ère partie (sabordée, bien sûr pour bien fêter la nouvelle autorisation de territoire US) des Who dont le leader
Pete Townshend n'a jamais caché l'influence des Kinks sur son inspiration.
Ray encore, qui un peu grisé par le succès de "Sunny Afternoon" se montre peu amène avec les Beatles ou adresse des sarcasmes en direction de Led Zep car l'attitude
De Page pendant les répétitions d'une des prises de "You really Got Me" lui a déplu.
Mitch Mitchell qui aurait pu remplacer Avory,
Rod Stewart qui aurait pu être leur chanteur....
La rencontre avec Randy Newman (présenté comme l'équivalent US ?!) de
Ray Davies.
Bien entendu, Feydri a sa subjectivité et je ne partage pas, par exemple, son jugement très sévère sur "Low Budget", mais c'est bien son droit. de même, je trouve un peu paradoxal de leur reprocher l'aspect commercial de leurs disques ciblés "US" en affirmant qu'ils se trompent de chemin. Si davantage de gens avaient apprécié "Village Green..." ou "Arthur"...ils auraient peut être continué dans cette voie, non ?
Un ouvrage assez complet qui ne déborde pas de détails techniques sur les conditions d'enregistrement ou le matériel utilisé, mais qui livre l'essentiel à savoir sur ce groupe maudit. Quelques photos n'auraient pas été superflues, mais je n'ai pas envie de faire la fille Bush.
Tout en retirant quelques boulons à la statue,
Alain Feydri rend un bel hommage à ce groupe qui pourra toujours compter sur sa phalange indéfectible de fans.