Ce livre est l'histoire de Frédéric Moreau, qu'on découvre à 18 ans sur le pont d'un navire, armé de son diplôme d'études. Il se rend chez lui, à Nogent, pour faire une pause de Paris, revoir sa famille et passer du temps au calme. Mais sur le pont de ce bateau se trouvent les Arnoux, propriétaires du journal parisien "L'art Industriel". Au premier regard que Frédéric lancera à Mme Arnoux, il en tombera éperdument amoureux. Décidé de la revoir, et avec un peu d'argent en poche, il se rend à nouveau dans la capitale, espérant faire sa connaissance, être introduit dans son monde ; ainsi que s'élever socialement, faire sa richesse et devenir quelqu'un.
Mais la vie parisienne est rude, et malgré la rencontre du riche M. Dambreuse, de l'aide de ses amis Deslauriers, Hussonets, etc., Frédéric aura tôt fait de battre en retraite chez lui à Nogent, ruiné, le coeur triste. C'est là qu'il revoit la jeune voisine, héritière d'une coquette somme mais attachée à ses terres provinciales: Louise Roque. Malgré tout, la surprise d'un héritage lui rend espoir et c'est illico qu'il retourne à Paris retenter sa chance avec Mme Arnoux. Mais dans la ville lumière, la révolte gronde, et tous les amis de Frédéric commencent à prendre le camp de la République, de scander des hymnes à la liberté, de déclamer des vers antimonarchiques. Dans ce climat tendu, Frédéric va encore une fois essayer de conquérir le coeur de celle qu'il aime, d'être admis dans les beaux salons, de faire fortune.
L'histoire se déroule sur plusieurs décennies, commençant sous le règne de Louis-Philippe, narrant la IIde République et se terminant lors du 2ème Empire. Mais ces événements marquant pour la France sont quelques peu occultés par les ambitions de Frédéric, qui n'a d'yeux que pour Mme Arnoux et lui-même. Il n'est pas rare chez
Flaubert de rencontrer des personnages antipathiques, arrivistes voire simplement médiocres. Comment ne pas penser au couple Bovary ? plus bel exemple du style de création de l'auteur. Ici, le héros de l'Éducation Sentimentale n'est pas un héros des temps modernes, ni un personnage clé de la Révolution de 1848, mais un simple passant empli d'ambitions personnelles, peut-être trop. Il est dur de suivre Frédéric tout au long du récit, de le voir succomber aux charmes faciles de Rosanette alors que dehors se passe de graves événements, et de le voir ne s'intéresser à la politique que dans le dessein de gagner une position. Finalement, il est médiocre lui-aussi, ne réussi dans aucune de ses conquêtes, fini seul et presque pauvre.
Ainsi il rejette tour à tour tous ceux qui pourraient le servir, rate les opportunités et s'enfonce dans le toujours mieux qu'il prétend mériter. Il y a cet amour, que ni le temps ni la distance ne peut effacer, et qui donne malgré ses défaut une certaine noblesse au personnage. Mme Arnoux, noble quelque part aussi, se refuse même dans le dénuement à cet amour-là, par devoir envers son mari, par amour de ses enfants et par respect des convenance. Rosanette, ou Louise, avec qui Frédéric, on le devine, aurait pu être heureux, sont rejetées comme de vieilles lavette car il croit toujours en quelque chose de supérieur. Son ambition est démesurée, et reflète celle de nombre de gens de ce siècle troublé, que la monarchie déclinante, la fin de l'air bonapartiste et l'avènement de l'aire industrielle provoque. Ainsi on trouve chez Arnoux du concret, des idées, des projets. Même si ceux-ci échouent in fine, il y a chez lui quelque chose de plus remarquable que chez Frédéric, qui se prélasse dans ses draps et ses envies.
Flaubert reste et restera
Flaubert, son style d'écriture où tout tend à rendre compte des émotions des protagonistes, où la descriptions des personnages, des univers et des milieu peignent un tableau fidèle, nuancé et diablement beau. L'écriture est certainement le point le plus remarquable de ce livre, alors que l'histoire est inhabituellement pauvre et frustrante. Les passages de séduction, d'amour et de dîners mondains nous font espérer quelques dénouement qui n'arrivent jamais alors que lorsque
Flaubert raconte les événements politiques, il est à la fois trop précis et trop élusif pour que ceux-ci nous narrent cette période de transition qui prendra toute l'Europe. On se retrouve à patauger dans une eau tiède, alors que nous aimerions nager dans l'océan, à le contempler mais à ne jamais y entrer. Il s'agit certainement de ce que
Flaubert recherchait, mais la lecture n'en reste pas moins, comme je l'ai dit, belle mais frustrante.