La plupart des critiques que j'ai lues sur ce livre, à commencer par la quatrième de couverture ou les avis des libraires apposés sur les piles de livres, mettent l'accent sur la réflexion sur la vieillesse présente dans ce livre : c'est en effet une part assez importante du récit, mais c'est assez réducteur, selon moi. Il est vrai que j'ai moi aussi été très touchée et émue par la mort du grand-père du narrateur, puis (et surtout) par la souffrance de sa grand-mère placée en maison de retraite : lentement, bribe par bribe, elle perd sa liberté, son autonomie, et dépend de plus en plus de ses enfants qui, comme souvent dans ces cas-là, viennent de moins en moins la voir. Foenkinos présente cette situation avec une grande délicatesse et une certaine tendresse, mais toujours avec ces petites pointes d'humour surréaliste qui caractérise son écriture dans les livres que j'ai lu de lui (
La délicatesse et
Nos séparations). Si j'avais souvent le sourire lorsque je lisais ces derniers, la tonalité plus mélancolique et dramatique des Souvenirs m'a au contraire plongée dans une forme de tristesse que l'auteur savait entrecouper d'éclats de rire, par quelques réparties ou notes de bas de page inattendues, sans que cela ne tombe jamais dans le ridicule ou le forcé.
Le thème de la vieillesse est également abordé à partir d'un second point de vue : la retraite récente des parents du narrateur. Ceux-ci la vivent de manière assez différente, mais tous deux mal. Ils sont perdus face à ce brusque changement de rythme, face à tout ce temps libre qui s'offre à eux, libérés des contraintes et des habitudes de la vie dite active. Les failles apparaissent alors et s'agrandissent, béantes, jusqu'à devenir insoutenables. J'ai été un peu moins touchée par cette partie du récit – les personnages m'apparaissant comme légèrement antipathiques –, mais c'est paradoxalement la question contenue dans celle-ci (comment vivre la retraite et la perte des repères qu'elle engendre ?) qui continue à résonner en moi après ma lecture.
Néanmoins, comme je l'ai dit plus haut, aborder cette lecture à partir du seul thème de la vieillesse me semble réducteur : cette histoire, c'est aussi celle du narrateur qu'on voit grandir (et vieillir, d'une certaine manière, il est vrai), avec ses doutes, ses peurs et ses rêves. On le suit pas à pas, dans ses tentatives infructueuses d'écriture, ses rencontres, sa découverte de l'amour, son installation progressive dans une routine ni malheureuse ni vraiment heureuse, etc. C'est l'un des thèmes qui reviennent souvent, d'après moi, dans les romans de Foenkinos : ils forment comme une série d'éducations sentimentales, déployées en différentes scènes. Parmi celles-ci, mes préférées sont indéniablement celles des rencontres : elles semblent toujours surréalistes, romanesques, incroyables, et pourtant tellement possibles ! Il suffirait d'un peu de chance, d'un hasard heureux, accompagné d'un zeste d'audace et d'assurance, me dis-je à chaque fois en y rêvant, émerveillée… Les rencontres des Souvenirs n'ont pas dérogé à cette habitude et ont surpassé toutes mes attentes : celle du narrateur et de Louise est à présent ma préférée, par sa tonalité d'évidence et de simplicité, même si celle dans le métro a le charme incroyable du hasard, celui qu'on n'obtiendrait jamais en cherchant à le provoquer.
Enfin,
les souvenirs : ils sont présents tout au long du roman, un chapitre sur deux, comme sait si bien le faire Foenkinos, avec son art de l'impromptu et de l'inattendu. Chaque personnage, ayant un rôle actif ou simplement évoqué, reçoit en quelque sorte la parole dans ce court espace d'écriture. Ce sont comme des fragments de vies, des souffles légers et éphémères dans la bourrasque de l'intrigue du roman. Celui-ci constitue lui-même un souvenir, celui qui permet au narrateur d'écrire ce livre dont on vient de fermer la dernière page, avec l'envie de revenir à la première et de reprendre la ritournelle des souvenirs…
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