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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avec « le bavard », René-Louis Des Forêts nous montre combien le 20ème siècle, avec le Surréalisme et le Nouveau roman, a proposé des textes d'une grande originalité.
Certes, ce récit est difficile au premier abord mais je l'ai trouvé très intéressant et je n'ai pas pu le lâcher.
René-Louis Des Forêts a écrit ce livre en 1944, pendant la résistance, dans l'euphorie d'un moment très particulier. Il a été publié en 1946 dans l'indifférence générale, comme s'il tombait mal ou était trop original. Il a été inspiré du surréalisme et d'André Breton en particulier.
Ecrit à la première personne il fait appel à une écriture discursive.

C'est l'histoire d'un homme silencieux pris soudain d'une envie de parler et en parlant, il va précipiter sa chute. A mesure que le temps passe, il va détruire son discours en récusant son propre témoignage. C'est un homme égocentrique mais attachant. Il est en pleine crise de bavardage et a le sentiment de parler pour ne rien dire. Alors il fait une sorte de confession sans que l'on réussisse à savoir si les faits raconter, la rencontre avec une femme dans un bal et les problèmes qui vont suivre, sont vrais ou pas.
C'est donc un exercice de style car les faits n'ont pas vraiment d'importance.
Et puis, il y a une autre singularité, c'est que le lecteur est partie intégrante du récit puisque le narrateur l'interpelle a plusieurs reprises.
Si l'histoire semble donc ne pas présenter un grand intérêt, c'est un livre qu'on ne lâche pas comme ça. Car les logorrhées du narrateur nous entraînent dans un tourbillon de mots assez fascinants.

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Le Bavard, c'est un imposteur - dont "[la] revanche consistera à laisser toujours ignorer si [il] mentai[t] encore quand [il] prétendai[t] mentir" (p. 160, dernière) - qui parle de son besoin de parler. Il s'agit aussi du narrateur d'un monologue à la première personne qui prend toujours le lecteur comme interlocuteur direct, jusque dans la célèbre phrase d'excipit : "Allons, Messieurs, puisque je vous dis que je ne retiens plus personne !", pour ne rien dire du tout, c'est-à-dire pour coudre autour d'une trame dérisoire et peut-être charlatanesque, la description de sa pulsion compulsive vers l'oralité. Sous le déguisement d'un remède à des "crises" de manque de loquacité, cet anti-héros que son asociabilité rend besogneux du lecteur nous fait part en fait du fondement de la psychanalyse (la valeur thérapeutique de la parole) dont de nombreux lecteurs sauront bien reconnaître la généralité:
"Je parlais et c'était une sensation magnifique. Il me semblait qu'en faisant ainsi étalage de ce que j'osais tout juste m'avouer à moi-même, je me déchargeais d'un fardeau très lourd, que j'avais découvert enfin une méthode pour m'affranchir de certaines contraintes généralement reconnues nécessaires au bien public, propre à me redonner une légèreté que j'avais recherchée, mais jusqu'ici sans succès ; je me sentais délivré des tumultes malsains qu'on entretient soigneusement à l'abri des regards dans un monde clos et défendu ; les luttes, les fièvres, le désordre avaient cessé ; j'obtenais enfin un jour de sabbat ; [...] c'était un plaisir aussi bouleversant que la plus réussie des voluptés érotiques." (p. 62-63).

Vous l'aurez deviné : la caractéristique stylistique la plus marquante de ce superbe monologue, ce sont des phrases d'une longueur extraordinaire, que je ne croyais plus usitée depuis Proust. Je ne peux résister à la tentation de citer intégralement la plus longue en absolu, car elle me paraît à elle seule pouvoir tenir place de nouvelle:
"Eh bien, c'est au moment où je me représentais sans la moindre arrière-pensée tout ce qui existait, par-dessus la cécité stupide des autres, d'affinités secrètes entre cette femme et moi, où je m'enchantais de la trouver silencieuse, grave, attentive, quoique apparemment peu apte à pénétrer le sens lointain de certains de mes aveux en raison de son incapacité évidente à comprendre tous les termes d'une langue qu'elle connaissait mal, ce qui d'ailleurs m'épargnait de surveiller mes expressions et de passer sous silence certains détails un peu trop tristement révélateurs et préjudiciables à l'idée avantageuse que j'espérais bien qu'elle se ferait de moi, mais qu'en dépit de leur caractère scandaleusement intime la peur de rompre le fil de mon discours me poussait à exposer, c'est au moment où, persuadé de bonne foi qu'il venait de survenir dans mon existence, sous la forme d'une belle étrangère, un élément réel d'émotion et que notre complicité allait prendre - elle le prenait déjà avec une extraordinaire intensité - l'allure d'une expérience cruciale, tout m'invitait à croire que j'avais enfin réussi à passer d'une solitude froide et triste (le plus souvent elle n'était en réalité ni froide ni triste, elle ne me paraissait telle à cet instant que par contraste avec mon désir) à la bienfaisante chaleur d'une entente réciproque, c'est à ce moment-là, il m'en coûte de le dire, c'est exactement à ce moment-là que cette femme qui n'était somme toute qu'une putain comme les autres partit sous mon nez d'un brusque éclat de rire." (p. 70-72)

A quoi bon ?... à quel but narratif correspond donc cet ultime aveu - formulé dans les dix dernières pages, tout en faisant un clin d'oeil à une auto-référence qui n'était pas encore à la mode, et à un rapport narrateur-auteur qui l'était depuis Pirandello et Unamuno, que le narrateur-personnage est un imposteur ? Une façon de pied-de nez au lecteur, une façon de justifier que le Bavard puisse se taire en révélant son truc, une ultime justification morale : ces options sont toutes exprimées. de toute façon, le méta-bavardage est encore un bavardage : là est peut-être la leçon cruciale (que les critiques devraient bien retenir...)
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Rien que son nom est prometteur quand on tombe sur l'un de ses livres... le Bavard comporte trois parties, où l'auteur use des artifices de l'écriture pour les démonter après. L'histoire tient à très peu de choses. Ce qui compte, c'est que le narrateur a envie de bavarder :

Il va donc parler, que ce qu'il dise soit vrai ou non. Il nous raconte comment il est arrivé un soir dans un lieu où l'on boit et on danse :

Il nous dit sa manière d'être souvent en retrait, sauf ce soir-là, où il voit une belle femme danser avec un garçon plus petit qu'elle, un rouquin pas très engageant. Il décide de l'inviter et là naît un malaise. Cette nuit-là, le narrateur a parlé (sous l'effet de l'alcool?) plus qu'il n'aurait dû et s'est mis dans une situation délicate. Mais tout l'art de l'auteur est de justement nous maintenir, nous lecteurs, dans un état de désir de savoir qui ne sera jamais vraiment satisfait.

La deuxième partie se passe dans un parc enneigé, après cette soirée dont il a souffert : il tente de camoufler sa blessure psychologique par un mal physique.
Dans la dernière partie, il apostrophe encore le lecteur, le défie, se montre désagréable avec lui. de bavard, il devient paranoïaque, il dit savoir ce qu'on pense de lui mais s'en fiche aussi, il est comme un gamin qui nargue et se fait détestable, par bravade.

Le Bavard est un livre qui ne ressemble pas aux autres : l'auteur écrit soi-disant pour ne rien dire mais dit des choses qui nous tiennent en haleine, ne serait-ce que parce que l'écriture est belle. Et puis, les autres disent-il plus que ce que lui a écrit?
Il nous interroge sur le mensonge, sur l'importance d'une vérité ou non en littérature. Il est possible d'écrire un livre avec du rien, en se centrant sur un fait qu'on peut étirer jusqu'à épuiser sa substance.
C'est à lire, c'est à part...



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Texte d'un bavard qui élabore un récit sur son défaut - la bavardise - puis, dans le 3e et dernier chapitre, une explication sur la raison qu'il l'a poussé à faire ce récit - et également la raison qui l'a poussé à faire la justification de dire le récit.
Le récit en question ne paye pas de mine (un homme sollicite une danse à une belle espagnole dans un bar, lui raconte à sa vie - cédant à son penchant pour la bavardise -, se fait humilié par celle-ci, fuit dans la nuit froide le bar, se fait rattraper et battre par l'amant éconduit. Il reste comme une larve jusqu'à l'aube et se fait réveiller par le son angélique d'une chorale d'enfants de choeur), c'est bien tout le commentaire autour, cette manière de désamorcer ses effets littéraires, qui est particulièrement intéressante.
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