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EAN : 9782070224777
Gallimard (16/09/1960)
4.33/5   9 notes
Résumé :
Tandis qu'en cet hiver 1944 la guerre s'enfonce dans l'horreur, quelques jeunes gens cherchent un sens à la vie. Ils croient le trouver dans cette liberté même qui leur est refusée et se réfugient dans une révolte permanente.
Un homme pourrait les sauver, le Préfet des Études, personnage ambigu, matamore et despote, mais doué d'un pouvoir de séduction peu commun. Il leur parle d'héroïsme et de vertu...
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je n'avais jamais entendu parler de Jean Forton jusqu'à ce que mon regard se pose sur ce livre, dont la couverture épurée et le titre m'ont attirés.
Tirer son épingle du jeu : voilà ce que l'auteur a voulu démontrer dans ce roman. Ou dénoncer. Car dans cette histoire, qui a véritablement tiré son épingle du jeu ?

Nous sommes en France en 1944 et plus précisément à Saint-Joseph de Tivoli, une école tenue par des pères jésuites et surtout le Préfet des Etudes.
Une école où il ne fait pas bon se démarquer. Aucune entorse au règlement militaire n'est possible, sinon ! danger. Corrections corporelles, humiliations. Ces gamins ne sont tous que des dépravés !

Dans cette France occupée, les privations, la faim et le froid font partie de la vie quotidienne pour ces jeunes de 15 ans. Cela fait si longtemps que cela dure. Les belles années de leur enfance, ils n'en ont que de rares souvenirs. Pas le temps de rêver ! Il faut se débrouiller au jour le jour. Et cette école n'arrange rien. Il n'y a aucune place pour l'apitoiement. Tout le monde est dans le même bateau. Il n'y a plus qu'à supporter tout en essayant de ne pas se laisser broyer le cerveau.

Un petit groupe de 4 gamins va attirer l'attention du Père (le préfet de discipline). Des révoltés, des irrécupérables pour ce système concentrationnaire. ll va les attirer en les emmenant en balade lors des vacances de Pâques. Au retour, les jeunes vont vouloir s'arracher de son emprise. Après tout, que cache-t-il derrière ses soudains bons sentiments ? Après toutes les souffrances qu'ils ont endurées par sa faute, jour après jour.

Mais le Père a plus d'un tour dans son sac et il saura manoeuvrer pour les rallier à sa cause. Mais quelle cause ? Il les enrôlera dans des opérations de style militaire pour poser des bombes sur les rails et empêcher ainsi le ravitaillement des allemands. Et il a plein de projets de cette envergure.
Il jouera sur la corde sensible et leur naïveté. Après la peur, ces adolescents se sentiront renaître. de vrais héros !
Pour tous être finalement abattus froidement, alors que le Père s'enfuira, se cachera jusqu'à la fin de la guerre et récoltera ensuite médaille, laurier et promotion.
Les combattants de la dernière heure...
Et ces gamins qui avaient toute la vie devant eux. Morts. Pour rien. Pour personne. J'ai été écoeurée.

D'autant plus que Jean Forton se raconte un peu dans ce roman. Il les a vécues ces années à l'école des Jésuites. Il sait de quoi il parle.

En 1960, il a été promu au Goncourt pour ce livre. Mais, dénoncer des agissements perfides et sadiques des jésuites n'a pas plu à tout le monde; il a été évincé... au profit d'un écrivain ancien nazi ! Cela a été divulgué dans la presse après la nomination. Scandale.

Jean Forton, dont la qualité des romans grandissait, s'est retiré doucement. Six ans plus tard, son éditeur de toujours lui a refusé son dernier roman et il n'a plus écrit, que des articles jusqu'à sa mort.
Ce n'est qu'au début des années 2000 qu'une exposition a été organisée sur cet auteur, dans sa ville d'origine, Bordeaux, qu'il n'avait jamais quittée. Depuis, ses livres réapparaissent. Petit à petit.

C'est un livre très fort et pour moi, Jean Forton est un écrivain qui mérite d'être redécouvert.
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Hiver 1944, une famille est autour de la table du dîner et les bombes tombent sur le bassin à flots. Nous sommes à Bordeaux et Michel de Pierrefeu est un adolescent se présentant ainsi : « Je possède un grand sens de la liberté. Je tâche de toujours agir avec indépendance, en être pour qui la famille, le foyer, sont des réalités agréables et comestibles, qui vous doivent protection et confort, mais qui ne sauraient en aucun cas vous réclamer de comptes. Depuis des mois, depuis que je vais à Saint-Ignace, il me semble vivre un long cauchemar. Mais je ne suis pas à un âge où l'on peut infléchir son destin. Quelles que soient mes répugnances, il me faut respecter les décisions paternelles. »
Ainsi commence le récit d'une jeunesse à Saint-Ignace, école des pères, sous la houlette du Préfet des études, le Père de Labarthe.
Nous sommes en temps de guerre et cet adolescent vit entre les jupes des femmes et celles des pères, en effet les hommes sont au front ou prisonniers.
Mais le monde de Michel bascule le jour où il reçoit une « colle » du père Labarthe.
En contrepoint il va décider de s'occuper activement des amours de son ami Durieu.
Cela va donner des scènes très visuelles à la fois cocasses, drôles et tendres.
Cet interlude se termine par la réception de la fameuse « colle bleue » et pour lui c'est la première fois. Il en avait entendu parler avec frayeur. En fait il s'agit de se soumettre à cinq heure de dictée au rythme d'une lecture à voix haute.
« Il aurait fallu nous voir, le porte-plume en l'air, tendus comme des coureurs de cent mètres au départ. Je commence. Pan. Nous avions belle mine. Je ne sais ce que dégage cet homme, quel pouvoir il recèle : ma curiosité morte, ma frayeur balayée, un autre sentiment à son tour me dominait, la soumission. Plume en l'air, coeur étreint, j'étais prêt à foncer comme une machine, la tête vide, attentif seulement à ne point faillir. Et le Père commença.
C'est alors que je compris à quoi était due cette auréole de terreur qui entoure les colles bleues. Elle provient de l'absurdité de la chose, de son impossibilité physique. »
S'ensuit une description d'une ignominieuse humiliation tant physique que psychologique que rien ne peut excuser venant de personnes ayant autorité sur mineurs.
A partir de ce moment-là l'esprit de Michel de Pierrefeu s'échauffe et devient d'une acuité nouvelle car son regard se « décille » sur le monde qui l'entoure.
Et arrive le changement d'attitude du Père Labarthe : le temps de l'emprise.
Michel est fasciné et ses sentiments oscillent comme le balancier d'une grande horloge.
L'analyse de l'auteur sur cet état de fièvre et de sagacité est des plus fines. Un véritable rite de passage à l'âge adulte.
Un dernier chapitre époustouflant et une fin imprévisible.
Quelle magnifique réflexion sur ce chemin initiatique qu'est la vie.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 24 juillet 2017.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
J'aurais voulu lui dire que notre refus n'entamait en rien l'attachement que nous avions pour lui, mais ce sont là des choses que l'on garde pour soi.
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La nuit prend pour moi une saveur de péché. J'attends le soir comme une volupté défendue. Car il y a dans mon application à cacher le fait que j'écris quelque chose de honteux. Non pas honteux en soi, mais honteux dans l'idée qu'on pourrait s'en faire si l'on découvrait mon secret. D'ailleurs toute honte naît de la pensée qu'on vous juge. Sans juge l'idée du mal n'existe plus.
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Radicouille, après s'être assis, frotte ses lunettes qui sont toujours embuées, comme si sa face huileuse dégageait de la vapeur. Il est onctueux et gras, mais d'une façon qui empêche toute équivoque : une peau de vache.
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il me semble que la vie est une chose essentiellement présente; que passé ou futur ne comptent pas. Que si je ne suis pas heureux à l'instant même, je perds ma vie.
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