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EAN : 9782370492135
352 pages
La Volte (02/02/2023)
3.42/5   71 notes
Résumé :
Ce roman a reçu le prix Julia Verlanger 2023.

"Mon corps, mon choix.
Un roman de science-fiction à rebours des codes du genre".

Paideia : du grec ancien, éducation et instruction de la perfection et de l’excellence visant à former les meilleurs citoyens, à même de créer la cité idéale.

Dix petites filles dans dix stations en orbite autour de la Lune, derniers espoirs de l’humanité morte sur une Terre empoisonnée.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
3,42

sur 71 notes
Un titre en grec-mort qui interpelle le lecteur, une couverture stylisée et presque monochrome qui minimalise pour capter l'attention et un premier roman adulte chez La Volte signée par une certaine Claire Garand.
Il n'en faut pas plus à Paideia pour attirer l'attention du lecteur de science-fiction en recherche de nouvelles plumes audacieuses.
Explorons une station en orbite dans un lointain futur où l'humanité s'est entre-suicidée mais pour laquelle reste encore un espoir ou, plutôt, quatre-virgule-deux…

Il faut se frayer un chemin à travers une pluie de météorites avant de faire la connaissance de notre narratrice-sans-nom. D'elle, on ne sait que peu de choses que nous essayerons de résumer ici simplement : une jeune femme modifiée/améliorée génétiquement, parmi les dix survivantes d'une humanité noyée par la catastrophe climatique et étrillée par les guerres sélénites entre les rescapés, avec une intelligence et une endurance largement supérieure à la normale, qui rêve d'explorer Mars et de conquérir l'espace au nom d'une race humaine renaissante et triomphante, pour le moment piégée dans une des dix stations en orbite autour de la Lune en compagnie de son couple parental et de Lelio, son Animex.
Mais, « elle », n'est pas seule. Puisque neuf autres stations similaires avec neuf autres petites filles et neuf autres couples parentaux orbitent autour du satellite d'une Terre désormais morte. Ces dix graines se préparent à recoloniser la Lune près de 7 ans après les derniers brasiers de guerres humaines sur celle-ci, 7 ans après le dur labeur des couples parentaux pour tirer des ruines une base viable d'où l'humanité pourra refleurir.
De ces dix enfants, notre narratrice est pourtant la moins aimée, volontiers méprisée et insultée par les autres orbiteuses, sauf peut-être Philippine dont elle ne sait si elle doit attendre pitié ou solidarité dans le lynchage perpétuelle qui la frappe au hasard. Car sur leur échelle d'intelligence supérieure, elle n'est qu'une « quatre-virgule-deux », très loin des virgules cinq et plus de leur petit groupe de reines du cosmos.
Claire Garand s'imagine la fin de l'humanité, encore.
Celle-ci n'est qu'évoquée de façon parcellaire et fugace, résultat d'un égoïsme dévastateur qui mène les derniers hommes à s'entretuer plutôt que d'accueillir le migrant en détresse. Rien ne change.
Paideia n'est cependant pas un roman sur l'apocalypse et pas plus, d'ailleurs, de la post-apocalypse. Il nous parle de dix survivantes et d'une entreprise complètement folle pour relançer la race humaine, comme un rêve insensé en forme de conte. le problème ici, c'est que le « Happily ever after » a bien des chances de ne jamais advenir… et pas forcément pour les raisons que vous pourriez penser.

Des difficultés techniques ? Une menace extérieure ? Une insuffisance des moyens ? Un plan défaillant ?
Pas vraiment. Comme son nom l'indique, Paideia nous parle d'éducation avec, en arrière-plan, l'idée de la construction d'une utopie.
Une société nouvelle, plus forte, parfaite.
Le problème, c'est que notre narratrice, dès les premières pages, est le souffre-douleur de son groupe de jeunes filles surdouées. Car elle serait moins surdouée que les autres. Et l'on se rend compte que le principal danger qui guette la nouvelle humanité, c'est la nature humaine elle-même. Quatre-virgule-deux touche dans sa fragilité et dans ce qu'elle encaisse, constamment soumise au jugement des autres, brutalisée sans hésitation et parfois tout simplement ignorée. Il semble que la cour de récréation vient d'être réinventée et que le harcèlement a encore de longues années devant lui. Claire Garand joue beaucoup d'ailleurs sur la différence qui existe entre l'intelligence de ces gamines, l'ambition de leurs projets et la puérilité de leurs attitudes et de leurs actions, notamment envers sa jeune narratrice incomprise. Ce drôle de décalage renforce l'idée que l'homme n'a jamais été prêt pour les étoiles et qu'il ne risque pas de l'être de sitôt, modifié ou pas. Surtout, on se doute rapidement que la présence de ces dix jeunes filles sert un but purement reproductif et c'est ici que le message du roman devient le plus intéressant puisque tout Quatre-virgule-deux qu'elle est, notre jeune rêveuse n'a rien d'une mère de l'espace mais tout d'une aventurière chevronnée, de celles qui regardent les étoiles et visent l'univers tout entier dans leur regard.
Dès lors, elle refuse d'être réduite à une fonction de couveuse biologique pour nouvelle race en danger. Claire Garand rejette le rôle social et biologique imposé aux femmes, et veut donner d'autres ambitions à son héroïne, comme un pied-de-nez à ces intelligences déjà formatées et résignées à un sort finalement peu enviable de poules pondeuses.
Ce qui couve dans Paideia, c'est la révolte contre un rôle assigné, c'est l'envie de se libérer des chaînes de l'espèce.
Faut-il se sacrifier pour tous ou se choisir soi ?

Touchante, notre narratrice aura aussi des liens très forts avec son couple parental, montrant l'importance de l'affection, d'où qu'elle vienne, rappelant la force de l'amour pour s'embarquer dans des projets ambitieux mais aussi, et surtout, l'obligatoire émancipation des bras aimants de la contrainte bienveillante. Paideia montre la domination avec un gant de velours.
Reste cependant le style et l'écriture de Claire Garand qui dessert autant qu'il singularise le récit. Avec un vocabulaire particulièrement luxuriant, la française aime les expressions inattendues, les combinaisons de mots tantôt absurdes tantôt grotesques et le résultat final n'est certainement pas aussi convaincant qu'il le devrait.
Le talon d'Achille de Paideia, c'est finalement ce style si particulier qui parvient la moitié du temps à ses fins — rendant le texte unique et la voix de son héroïne particulièrement étrange — et l'autre moitié du temps étouffe le récit et l'alourdit inutilement. Soit les expressions employées surprennent et font mouche, soit elles semblent complètement tirées par les cheveux et à la limite du ridicule. le travail sur la langue est là, mais, justement, peut-être un peu trop pour ne pas sortir de lecteur de ce huit-clos spatial où les émotions prennent déjà une place considérable. Lorgnant parfois vers le body-horror, Paideia aurait certainement gagné à rester plus simple dans son florilège lexical pour ne pas gonfler artificiellement ses lignes et en faire ressortir ainsi les morceaux les plus inattendus.

Emporté par la plume trop exubérante pour son propre bien de Claire Garand, Paideia nous emmène dans l'intimité d'une petite fille piégée par les vices immémoriaux de sa propre espèce. Récit de révolte qui semble dire qu'il vaut mieux mettre fin que rejouer sans fin, Paideia est une histoire certes passionnante et intense mais aussi une plongée éprouvante par les mots et les maux de son autrice. À tester avant d'embarquer.
Lien : https://justaword.fr/paideia..
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Je lis peu de SF.
Je lis encore moins de dystopie.
Et pourtant j'ai emprunté ce livre qui mélange SF et dystopie. Une critique de Joséphine2 (merci pour la découverte !) avait attiré mon attention sur ce livre. Une jolie couverture (un bébé relié à son placenta ? un astronaute et son tuyau d'oxygène ?) qui a attiré mon regard parmi les "nouveautés" présentées au sein de ma bibliothèque. Et hop ! Allez c'est l'occasion !
.
Difficile de raconter sans déflorer. Mettons une jeune héroïne, parmi les rares survivants de la Terre désormais moribonde. Elle vit dans une navette géostationnée autour de la Lune sur laquelle il est prévu que les quelques survivantes (que des filles) vont aller s'installer.
Elle ne connaît pas encore son destin qui lui a été attribué avant même sa conception. Mais elle a des rêves cette jeune fille. Des rêves de découvrir le cosmos, Mars.... Des rêves de conquête spatiale. Oui mais voilà, elle n'existe que pour une seule raison. Quand elle découvre cette destinée, elle s'offusque, se rebelle, refuse....
.
Au final un récit universel mâtiné de SF, d'hypothèses scientifiques poussées. Peut-être un peu trop, j'ai parfois été larguée. J'aurais peut-être aimé un peu plus de réflexions philosophiques et moins de physique.....
Mais un récit prenant, pas très optimiste au fond, même si..... Pfou même dans un futur hypothétique, être une femme n'est pas la panacée.....
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Un peu déçue par cette lecture pour plusieurs raisons.

La première : je pensais vraiment que des questionnements plus approfondis sur le choix d'enfanter ou non seraient abordés. Pour moi c'était extrêmement superficiel, ce qui est dommage pour un roman qui est mis en avant pour cela. La narratrice est dans le refus catégorique, il n'y a aucune interrogation sur le rôle qu'on lui a destiné, elle veut explorer et découvrir d'autres planètes, point. Son refus vient de l'impossibilité de concilier ses aspirations et la fonction de "poule pondeuse". Finalement, la question du choix de disposer de son propre corps est assez secondaire.

La deuxième : Je me demande toujours quel imbécile fini a cru que c'était une bonne idée d'élever des jeunes filles en impesanteur (sur la possibilité d'avoir un corps fonctionnel dans un environnement sans gravité, pas d'interrogation non plus...) isolées physiquement de leurs pairs, génétiquement modifiées pour être des matrices parfaites en même temps que des surdouées.
De l'utilité d'avoir des ventres productifs en même temps que des cerveaux aussi performants que ceux des plus grands scientifiques que la Terre ait porté, de cela nous ne discuterons jamais.
Je n'ai toujours pas compris le projet Paideia : pour moi, le projet d'une éducation parfaite n'aurait pas dû concerner ces filles créées pour mettre au monde 5 enfants à la fois pendant 15 ans... Quand auraient-elles le temps de transmettre leur si parfaite éducation à leurs rejetons ?
Bref, le postulat de base de ce roman ne tient pas la route, même en considérant que les derniers terriens n'avaient pas le choix, n'avaient pas le temps, n'avaient que peu de moyens matériels.
Le monde est au bord du gouffre mais si on a des notions basiques de psychologie, de sociologie, de pédagogie pas besoin d'être Einstein pour avorter ce projet débile avant même la conception... L'échec était assuré : mettre ses derniers espoirs dans cette mission qui mélange des aspirations philosophiques très élevées à une nécessité pragmatique mais élémentaire est forcément né dans un cerveau peu oxygéné.
La biologie, la génétique, l'informatique, la physique, la chimie, l'ingénierie spatiale et interstellaire, et tutti quanti c'est super ! Sauf si la connaissance de l'être humain se limite à peau de balle. D'ailleurs, en parlant de peau de balle, pas d'homme dans la conception des enfants à venir, que des paillettes fécondées. Dans l'urgence d'un monde en train de disparaître, on trouve 13 femmes relativement saines pour porter les futures mères de l'humanité, mais l'histoire ne dira pas comment les embryons ont pu trouver des papas désireux d'éjaculer dans des flacons pour la bonne cause...

Que de questions sans réponse ! On m'objectera que le roman n'avait pas pour projet de dresser le tableau d'une humanité moribonde dans un monde apocalyptique. Vrai !


La troisième : le style. Original et travaillé au début, il devient vite superfétatoire (mot pompeux mais parfait pour qualifier mon impression), et comme vidé de substance. Les comparaisons et les métaphores techniques et science-fictionnesques s'enchaînent à un rythme trop rapide pour que le lecteur ne décèle pas l'artifice.
Ce style m'a permis une immersion rapide dans l'univers du roman mais, au bout de cent pages, j'ai trouvé qu'il devenait ostensible.
Pour moi, l'idée était bonne mais une purge aurait été nécessaire. (Les éditions de la Volte ont ce défaut récurrent : le style, le style, le style. C'est beau, c'est bien trouvé, c'est intelligent ! Oh, t'as vu comme c'est intelligent, hein, hein t'as vu ? Comment ça indigeste ? Branlette ?)

La quatrième : des filles supra-intelligentes mais puériles, vindicatives et malsaines. Harcèlement, violence, manipulations, et tout ça sous le regard indifférent des couples parentaux ? C'est ça, l'utopie promise ? Les travers de l'humanité sont reproduits, malgré des modifications génétiques poussées, et il n'y a aucun projet d'éducation derrière ça ? Les filles sont en compétition permanente et nous trouverons dans ce microcosme des leaders charismatiques, des serpillères toutes désignées, des sadiques mégalos... Mais le livre n'avait pas pour titre "Paideia" : une éducation fondatrice du vivre-ensemble démocratique ? On aurait tort de croire que l'on peut recréer une civilisation en se dispensant d'une réflexion morale. Quand intervient-elle dans l'éducation des jeunes filles ?
Devinez, si devinez !!! Jamais ! C'est quand même incroyable pour un roman qui trouve son titre dans une conception platonicienne de la cité.

Bon, je n'y comprends plus rien moi ... mais sur leur échelle, je dois me situer à 2.5, normal que je vois des incohérences (telle notre protagoniste lisant des lignes de codes informatiques, l'élégance et les subtilités nous échappent) où il n'y a qu'harmonie.

Vous avez compris, je n'ai pas vraiment aimé ce roman.
Je ne le déconseille pas.
Je ne le conseille pas. Trop de défauts pour moi.

A sa décharge, j'avais une vraie soif de SF philosophique et politique, la déception est à la mesure de mon désir.




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Trop de détails tuent les détails. Trop d'infos alambiquées tuent les infos.
C'est le défaut de ce roman. Dommage, il sort des sentiers battus habituels.

Mais rendons grâce d'abord au style et à la grammaire de Claire Garand :
Il n'y a qu'elle pour écrire des phrases ou des expressions du genre :

" Ses yeux orageux s'enfonçaient en moi.
Des frissons me sont remontés jusqu'au sommet du crâne me secouant avec l'irrégularité d'un mitigeur de solution de croissance.
Le noyau de glace grise d'une comète s'est enfoncé dans mon coeur fondant en moi avec lenteur.
Nous nous regardions avec la déception et le dégoût qu'on éprouve pour un circuit endommagé par un choc de météorites.
J'ai vomi dans un cri.
Ma logique roulait cul par dessus tête.
Ma sottise tenait debout toute seule.
Savoir gangrène autant qu'ignorer.
Je brillais aussi fort qu'un trou noir qui recracherait tous les photons avalés.
Mon allégresse s'est coagulée.
Le silence avait repris ses droits chargé de remous prêts à éclore.
J'ai inspiré nos effluves corporels mal configurés avec délice.
Ma réussite pendait en glaires maternelles séchées.
J'ai ahané en suant de la glace.
Elles cariaient le paysage."

Quel vocabulaire jubilatoire en diable !
Problème: le récit traine en longueur et en descriptions inutiles voire incompréhensibles.

Sinon le sujet est assez intéressant :
10 petites filles génétiquement modifiées avec leur couples parentaux dans 10 stations spatiales autour de la lune - car la Terre est morte - toutes porteuses d'embryons pour une future humanité.
Celle qui parle et qui tient le récit n'est qu'une 4,2. C'est son seul nom.
Les 9 autres sont des 4,5 ou 4,6 donc supérieures.
4,2 est la souffre douleur des 9 autres qui n'arrêtent pas de l'abaisser,
de la tabasser, de l'amoindrir.
Mais elle n'en a que faire, elle veut partir, Mars est sa destination fétiche.
Paideia veut dire en grec éducation pour viser la perfection. Mais ces surdouées font preuve de beaucoup d'enfantillages et de méchanceté gratuite.
Le récit peine à avancer. Trop de lignes de code !

La narratrice 4,2 est touchante et ambitieuse car elle se révolte contre son rôle, mais elle est aussi agaçante, je trouve.
Ce roman nous questionne sur le repeuplement de l'humanité et
se termine pour moi un peu en queue de poisson et me laisse sur ma faim.

En conclusion tout de même un bon roman de SF à lire pour son originalité.

Lien : https://laniakea-sf.fr/
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Un roman reçu dans le cadre de la masse critique de Babelio ! J'aime beaucoup les éditions La Volte, qui proposent des romans de l'imaginaire exigeants, souvent par des auteurs qui ont peu de couverture médiatique. Paideia est un premier roman adulte de Claire Garand, qui met en scène ici une science-fiction singulière, entre post-apo et space opera.

Claire Garand propose un avenir dans lequel l'humanité a quasiment disparu. L'unique espoir réside dans des fillettes génétiquement modifiées. Bien plus brillantes et résistantes que des humains normaux, elles ont également la possibilité de donner naissance à 5 enfants en même temps. Ces dix gamines ont donc un destin tout tracé sans autre perspective que de pondre la descendance de l'humanité à intervalles réguliers. L'une d'elle le refuse strictement, souhaitant devenir exploratrice de mars. Mais a-t-elle vraiment le choix ? Peut-on être libre quand on est le dernier espoir de l'humanité ? Est-ce de l'égoïsme ou la liberté de choix est-elle un droit inaliénable quel que soit le contexte ? La question est d'autant plus critique que chaque maillon compte quand la fin du monde est proche.

L'autrice déploie également la thématique de la place de l'individu dans le collectif. La déviance de la protagoniste était prévisible. Paideia raconte aussi une histoire de différence et de harcèlement. La jeune fille est constamment violentée par ses camarades car elle est jugée moins intelligente et utile. Peut-on réellement demander à quelqu'un que l'on exclut de la communauté d'y contribuer malgré tout ? C'est d'autant plus difficile que les fillettes ont développé un fort égo nourri de leur statut, de leur intelligence qu'elles savent supérieure et du fait qu'elles soient constamment au centre de toutes les attentions. Nous avions donc le terreau parfait pour faire de notre jeune héroïne une dissidente. de plus, l'éducation dispensée au sein des stations semble fondée sur les capacités intellectuelles, non sur la vie en société, ce qui implique de créer des insuffisances sociales et la volonté de constamment être en compétition.

L'avenir présenté par Claire Garand est très sombre. L'humanité a quasiment disparu et les stations spatiales en sont les derniers vestiges. Les humains ont une capacité à s'auto-saboter ahurissante. Les premières tentatives de sauver les populations se sont achevées par des guerres lunaires. Pourtant, les humaines de ce futur ont beaucoup d'outils pour s'en sortir. Génétique, terraformation, robotique, mondes virtuels… Ils auraient pu être les équivalents de divinités, immortelles, solides et perpétuelles. Mais il y a toujours quelque chose de pourri qui semble parasiter les tentatives de sauver l'humanité. La protagoniste a-t-elle finalement tort de vouloir s'arracher à son destin, sauver une fin de race belliqueuse, agonisante et destructrice, même quand ses capacités touchent la puissance absolue ?

Fait d'autant plus troublant, l'éducation promulguée aux futures mères de l'humanité est obsédée par le passé. Les ordinateurs communiquent avec les jeunes filles dans des langues quasiment disparues avant même notre époque comme le Maya. Beaucoup de cours d'histoire sont dispensés et des jeux comme les échecs sont toujours pratiqués. Ces reliques passéistes semblent annoncer des événements condamnés à se répéter, comme si l'humanité n'apprenait jamais totalement de ses erreurs et tentaient de se raccrocher à de vieux totems qu'elle a elle-même condamnés. Cela renforce le décalage de la protagoniste, qui s'affirme comme un personnalité avide de nouveautés et de découvertes.

Le roman est écrit du point de vue de la protagoniste. Levée avec son couple parental dans un isolement quasi total, sa psyché est très détaillée. L'écriture est souvent très imagée, personnelle et interne, avec de nombreuses métaphores qui permettent d'installer la pensée singulière et profuse d'une jeune fille solitaire mais vive qui vit avant tout dans son imagination. C'est parfois très beau, parfois très abscons. On est partagées entre son intelligence et une forme d'immaturité due au jeune âge du personnage. Il y a donc des passages complexes, à la construction désarticulée qui rappelle presque une forme d'écriture automatique. Ce n'est par conséquent pas un texte facile d'accès, sans que ce soit réellement un défaut.

En revanche, la mise en place se fait un peu lentement. le récit prend son temps pour placer le contexte et on met quelques pages avant d'entrer dans le coeur de l'intrigue. Ce n'est donc pas un roman pour les lecteurs qui apprécient les lecteurs trépidantes menées tambour battant. En réalité, c'est assez difficile de voir où l'autrice souhaite nous mener, notamment car nous sommes uniquement du point de vue de la jeune fille. Ce qui pose toujours la question de la fiabilité de la narration.

Paideia soulève des questions profondes sur la maternité, la liberté de choix, la différence, le harcèlement, l'éducation et la place de la technologie dans notre société. Claire Garand offre un roman de science-fiction singulier, mêlant le post-apocalyptique au space opera, et abordant des thèmes sociaux et philosophiques complexes. L'autrice choisit de se contrer sur un seul individu, plongeant le lecteur de son point de vue. Cette écriture très personnelle peut rendre la lecture opaque, mais elle permet de bien saisir les choix auxquels le personnage fait face. Paideia est un premier roman prometteur, provoquant une réflexion profonde sur la condition humaine, la société et les choix individuels dans un futur agonisant.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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critiques presse (1)
Actualitte
27 février 2023
Avec ce roman, Claire Garand prouve que la science-fiction ne cesse d’exister comme un véritable terrain de jeux pour explorer et remettre en question tous les sujets qui touchent, de loin comme de près, à l’humain. Hier, aujourd’hui, et demain. Sans jamais tomber dans un ton moralisateur, Paideia nous force à nous interroger, à hésiter, nous rebeller.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
L’alerte de cette fois suivait son cours. La peur de l’abandon tournait dans ma tête comme un programme en tâche de fond. Au bord de l’inquiétude.
Dans ma combinaison, je respirais au rythme de l’aérateur de ma cabine en regardant papa préparer le désarrimage de la navette. Ces gestes familiers, il les accomplissait en descendant en alternance avec maman un jour sur deux pour ne plus me laisser seule. Depuis le temps que nous suivions la procédure, j’aurais pu moi aussi manipuler le tableau de bord. Le hublot donnait sur le cosmos et une ou deux étoiles. On ne voyait rien. Un ennui bizarre me gagna, celui de mes nuits sans rêve de gloire, mêlé d’inquiétude pour maman mais un ennui quand même. Je n’avais pas vraiment peur pour elle, comme si la réalité oscillait. Le sommeil me manquait.
Papa ne manifestait aucune nervosité non plus et attendait la suite sans rien dire. Le trajet de notre navette jusqu’à la station un, la plus proche sur l’orbite, était codé dans le logiciel, le pilotage automatique en route, les accroches désarrimées. En un geste, nous pouvions nous évader et chercher refuge auprès de la un de Hind-courte-sur-pattes ou la quatre de Kanom. Procédure à n’exécuter qu’en cas d’échec du reste, hors de question de brûler de l’ergol en vain. Sans parler de la complexité d’un abordage à cette vitesse dans le vide, un vrai tour de force.
Papa ne disait toujours rien, se connectait à l’ordinateur de bord et se penchait sur le plan de l’astromobile en panne qu’il était des- cendu réparer deux jours plus tôt. Puisqu’il travaillait pendant l’alerte, je ne craignais rien, hélas.
Toute cette agitation gaspillait mon temps.
Pire : si les dix stations traversaient le champ de météorites, les neuf autres fillettes se terraient comme moi dans leur navette, entre les paquets et les combinaisons. Nous respections toutes les mêmes procédures, ensemble, unies, limailles de fer attirées par un aimant identique. Je nous imaginais pelotonnées dans le noir contre un parent, attendant sans crainte la suite. Cette pensée m’a réconfortée et mes paupières ont commencé à se fermer malgré moi. Le rêve d’exploration patientait, tout près. Quelque chose manquait pourtant à ma tranquillité, sans que je devine quoi. Et soudain, j’ai su.
— Tu as vu Lélio ? demandai-je à papa qui a haussé les épaules en souriant, sans répondre, les yeux fixés sur l’ordinateur de bord. La nuit, quand je dormais, mon petit écureuil bleu, qui n’avait jamais sommeil, partait batifoler dans la station, surtout au milieu des câbles. Son jeu favori : s’agripper avec sa queue préhensile et se balancer de l’un à l’autre. La journée, il ne me quittait jamais. Sa fourrure dans mon cou, je la voulais. Les dents de papa bril- lèrent vert dans la pénombre à la lumière de l’écran. La pluie me donnerait tout juste une raison d’alourdir mes cernes et de rater le contrôle.
Papa me secoua.
Combien de temps avais-je dormi ? La sirène s’était tue. Par la porte ouverte de la navette, le visage foncé de maman se penchait, auréolé de ses cheveux blonds. Elle a frotté sa joue gauche contre mon casque, puis la droite, notre petit signe affectueux.
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Un jour, avant la Descente.
Une rognure de glace salie avait quitté la queue de la comète avec quelques-unes de ses sœurs. Lancées dans le vide, elles avaient traversé l’univers à pleine vitesse sans frottement. Certaines s’étaient écrasées contre des météorites, d’autres avaient fondu à la surface d’astres morts, de géantes gazeuses ou dans l’atmosphère brûlante et épaisse de mondes où elles s’étaient sublimées en un brouillard grisâtre. D’autres encore, moins chanceuses, s’étaient fait happer par la gravité d’une planète autour de laquelle elles finiraient leurs éons, suspendues seules en attendant la grande contraction. Toujours vaillantes, les restantes persistaient dans le froid et le vide fécond qui seyait à leur nature, à des milliards d’unités astronomiques du lieu de leur décrochement, quand elles s’abattirent soudain de toute leur force sur les dix dernières stations en orbite au-dessus de la Lune variolée.
Nous connaissions toutes la procédure et n’avons pas été surprises au moment où la grêle a frappé dans la nuit artificielle. Je vivais encore un de mes rêves où des colons martiens m’érigeaient une statue à l’entrée du village semi-enterré – la reconnaissance et la ferveur dans leurs regards me réchauffaient le cœur – quand la sirène s’est déclenchée. J’ai ouvert les yeux, allongée dans mon duvet accroché au mur, en balancement paisible sous l’aérateur. Le pouce encore dans la bouche. Ma salive flottait aussi, bulle de petites bulles. Je l’ai essuyée. Le filet qui emballait mes cheveux frisés pour les empêcher de se déployer et d’être aspirés me démangeait derrière les oreilles et au-dessus du front, j’allais garder la trace rouge pendant une heure. Si l’on écartait les touffes épaisses, on distinguait un cercle de peau cicatricielle, là où une mèche avait été arrachée pendant l’un des gages stupides de Vassilissa. Je descendis la tirette de mon sac d’un coup sec mais elle se coinça.
— Par la Terre morte !
J’ai dû la remonter deux fois puis me forcer à la baisser avec une lenteur contraire à mon humeur avant qu’elle se laisse faire.
Sur l’écran noir de l’ordinateur en face de moi, les mots « pluie de micro-météorites » clignotaient en bleu.
… rien de sérieux, pas de quoi gagner le concours…
Mes pensées flottaient comme le reste, mais j’ai commencé à compter. Un, deux…
J’ai secoué ma sale tête, des larmes séchées au coin des paupières, tant la sonnerie me faisait mal aux oreilles. Les révisions pour le contrôle de géologie lunaire avaient mangé une partie de ma nuit, et j’en avais honte. J’avais beau feindre le dilettantisme, mon travail acharné se voyait. L’alerte, ô joie, justifierait mes cernes, et me ferait échapper aux sarcasmes de Vassilissa qui ne claquait des doigts que pour insulter. Mon poing s’est serré en signe d’espoir. Si la chance me souriait deux fois, madame Naïma repousserait même l’examen.
Galvanisée par cette perspective, j’ai redouté soudain une mort stupide, comme celle d’Abigaëlle.
C’était il y a trois ans.
Sa station n’avait pu se dégager à temps d’un champ de météorites et surtout, un caillou plus gros que les autres, un rocher en réalité, avait surgi et écrasé le module de propulsion. Avec mon couple parental, nous siégions aux meilleurs hublots et les vidéos extérieures avaient tout enregistré. Ce souvenir pénible fit pourtant renaître l’optimisme en moi.
… cinq, six…
Une bonne grosse pierre sur le bras robotique suffirait pour le concours, et je profiterais de ma gloire – il fallait voir grand mais pas trop, les impressionner encore plus tard. Le roc venu du cosmos le casserait d’un coup, je l’imaginais comme si mes yeux y assistaient, le métal se brisait net révélant son creux interne et, au-delà du moignon, l’autre bout s’éloignait en tournoyant à quarante-deux degrés des déchets de notre orbite avec la vitesse des fuselages disloqués pendant la guerre lunaire qu’on voit dans les documentaires historiques.
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Au-delà des étoiles se trouvaient d'autres étoiles, de moins en moins mortes, et entre elles passaient des nuées de comètes et de poussières. Tout bien réfléchi, j'aurais aimé y plonger malgré l'effroi que le cosmos suscitait en moi. C'était même ce que je désirais le plus au monde : explorer le néant, le tamiser à la sonde et en extraire des planètes pépites.
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L'indifférence : meilleure parade contre ce qui nous touche avec trop de violence.
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Suite à ma critique, les trois meilleures citations :
" Savoir gangrène autant qu'ignorer "
" Mon allégresse s'est coagulée "
" Elles cariaient le paysage "
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Vidéo de Claire Garand
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Bien que nos gènes contiennent la totalité de notre être, il ne s'agit que de ce que nous pourrions être. L'épigénétique vient moduler, exprimer ou éteindre ces plans au coeur de nos cellules. Les facteurs environnementaux nocifs, particules fines, produits chimiques, alimentation malsaine sont des facteurs épigénétiques et leurs méfaits pourraient se transmettre à la génération suivante.
Les intervenants : Claire Garand, Patricia Parnet, Audrey Pleynet, Auriane Velten Moderateur : Xavier Mauméjean
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