La guerre en Ukraine déclenchée alors que l'exposition «
Roger Fenton et la guerre de Crimée » s'achevait au musée Condé à Chantilly replace la mer Noire au coeur de l'actualité et montre que les tensions entre la Russie et l'Europe ne datent pas d'aujourd'hui.
Les
Editions Faton publient le catalogue en 46 pages de cette exposition tenue du 13 novembre 2021 au 27 février 2022 et ont confié au Conservateur général du patrimoine chargée du musée, Madame
Nicole Garnier-Pelle, le soin de rédiger une introduction de 26 pages présentant
Roger Fanton, la guerre de Crimée (1853-1856), la photographie et les origines du reportage de guerre, la mission du photographe (mars-juin 1855), la diffusion de ses photos et l'acquisition de plusieurs d'entre elles par le duc d'Aumale qui les ajouta aux collections du chateau de Chantilly.
Cette préface est fort instructive, comme l'illustrent les quatre citations publiées sur Babelio, et précise le contexte dans lequel ce reportage fut commandé. Elle évoque la carrière du duc d'Aumale, fils de Louis Philippe, acteur de la conquête de l'Algérie, qui connaissait très bien les soldats engagés en Crimée.
Le catalogue de l'exposition présente les photos exposées et pour chacune précise la biographie des militaires photographiés et les circonstances de la prise de vue. Au fil des pages les chefs militaires anglais, français, ottomans défilent sous nos yeux. Puis apparaissent nos troupes, les zouaves, les bachi-bouzouks, les vues du camp et les panoramas.
Ce reportage était une action de propagande et les photos se gardent bien d'offrir « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Mais le bilan humain de ce conflit, 95 000 français, fut très lourd et aggravé par les épidémies résultant des conditions climatiques et sanitaires. Lord Raglan mourut du choléra le 28 juin 1855, le Colonel Vico, son aide de camp, le 10 juillet 1855, le colonel de la Boussinière fut tué lors de l'assaut sur Malakoff le 18 juin 1855.
Cet ouvrage est incontournable pour les lecteurs attentifs à l'histoire et je remercie sincèrement Babelio et les éditions Faton qui me l'ont envoyé lors d'une opération Masse Critique. A noter que les pages du catalogue ont une double numérotation assez perturbante : la page 28 (en bas de page) est la page 1 (en haut de page), ou plus exactement la page CAT.1, pour reprendre la terminologie utilisée … il m'a fallu du temps pour comprendre !
Cette lecture m'a incité à relire un ouvrage d'
Armand Dayot, prédécesseur de Madame
Nicole Garnier-Pelle, publié vers 1890, « LE SECOND EMPIRE (2 Décembre 1851 - 4 Septembre 1870) : d'après des peintures, gravures, photographies, sculptures, dessins, médailles, autographes, objet du temps » qui consacre près de quarante pages (44-82) à la guerre de Crimée et reproduit des images d'Epinal, des lithographies parues dans le Charivari, le Monde Illustré, l'Univers Illustré, la Vie Parisienne et des tableaux.
Les batailles de l'Alma, avec son immortel Zouave et le mortel Maréchal de Saint-Arnaud (complice du 2 décembre) Baklava, Inkermann, Tchernaia, Eupatoria, Sébastopol, Malakoff, sont immortalisées par les artistes de l'époque dans un style allégorique et épique qui tranche avec le reportage de Fenton.
Contraste saisissant qui illustre que la guerre de Crimée fut la première guerre « moderne » avec les bateaux à vapeur, les trains et la photographie et s'inscrit ainsi en rupture avec l'époque napoléonienne.