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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Est-ce Paul Pavlowitch qui se prend pour Emile Ajar ou Emile Ajar qui se prend pour Romain Gary ? Virtuose mascarade.
Pour le lecteur de 1976, Pseudo est peut-être un moyen de lever le voile et de confirmer qu'Emile Ajar est bien le nom de plume de Paul Pavlowitch. Mais pour le lecteur d'après 1981, c'est plutôt Romain Gary qui prend la plume pour se disculper d'être Emile Ajar, et ce faisant, contribue à légitimer l'existence controversée du même Emile Ajar. Schizophrénie totale.
Dans cette spirale infernale, on ne sait plus qui est qui, qui est créateur, qui est créature, les miroirs ne renvoyant que reflets masqués et non conformes. Tout se mêle, les liens familiaux, les liens littéraires, les parentés et les inimitiés, le père qu'on voudrait tuer, le double qu'on voudrait renier, le lecteur qu'on voudrait semer. Avec ce talent qui est le sien (mais de qui, au juste ?), l'auteur donne à chaque phrase ou presque une double lecture possible, à chaque signe, une correspondance, dans une mise en abyme de l'écriture où les personnages eux-mêmes se livrent à l'activité de "pseudo-pseudo" dont on ne sait pas très bien en quoi elle consiste : faire semblant qu'on est un autre ? Ne pas révéler qu'on n'est qu'un seul ?
Emile Ajar, qui signe ce livre, reconnaît qu'il n'est qu'un pseudo. Pourtant, il essaie de vivre et de montrer sa réalité, ou comment il s'est emparé de l'âme de Paul Pavlowitch. C'est donc Romain Gary se faisant appeler Emile Ajar, qui serait le pseudo de Paul Pavlowitch, qu'il aurait choisi pour mieux renier son oncle auteur, Romain Gary. Un vertige me prend pour ne plus me quitter. La folie guette. J'aime beaucoup.
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Eh ! Toi ! Tu viens faire pseudo-pseudo avec moi…

- Oh, mon Dieu ! Crée moi… gémit Adam.
- Crées-toi toi-même, répondit Dieu.
Et Dieu créa la femme.
Et Adam se créa des tas d'emmerdements…



En 1937, Kacew décide de créer le Roman de sa vie.
Il extrait le vin des morts mais il a soif de reconnaissance, son talent restant dans l'ombre.
Il brûle de devenir Romain Gary de par son éducation européenne : Adieu Gary Cooper.
Monté tout en haut aux racines du ciel, il se fait à l'aube une promesse : la nuit sera calme.
En attendant, il est entré dans la danse de Gengis Cohn et tourne un peu en rond, il fait des noeuds, s'étouffe et s'éteint.
Mais il reste des braises. Alors, enchanteur, à l'occasion d'un gros câlin, il crée Emile Ajar.
Le feu reprend quelquefois dans cette nuit calme, au clair de femme, mais au-delà de cette limite, son ticket n'est plus valable, alors qu'Ajar, lui, a la vie devant soi.
C'est alors qu'il décide de faire pseudo-pseudo avec Paul-Alex Pavlowitch, couverture nécessaire au risque d'étouffer les braises.



Paul-Alex Pavlowitch fait dans ce livre le récit de la genèse d'Emile Ajar.
Schizophrène mâtiné de paranoïaque, Paul-Alex se trouve dans l'obligation d'écrire par réalisme et refus de « bêlant-lyrisme ».
Pour cette raison, il se fait soigner par différents psy qui ont pour mission de le soulager du poids du monde.

« J'ai failli pisser de joie. Je pisse toujours hors de propos. Je rêve de soulagement. »


Pavlowitch a donc toutes les raisons du monde de ne pas vouloir se faire repérer, dictatures, génocides, guerres… et il se cache derrière Emile Ajar.
Il parle souvent de Gary, « tonton Macoute », personnage cynique qui cache une fausse paternité. La fausse paternité concerne plus Ajar que Pavlowitch, mais nous ne sommes pas censé le savoir et en plus c'est un mensonge.

L'occasion dans ce livre de démentir toute forme de canular au sujet de l'écriture de « Gros câlin » et de « La vie devant soi ».
C'est bien lui, Pavlowitch, qui a écrit ces livres, n'en déplaise à tonton Macoute ou au psychiatre qui cherchent à le piéger pour qu'il continue à écrire.

« le directeur littéraire a été très gentil avec moi. Il m'a simplement dit une fois que « ça n'a pas empêché Hölderlin de faire une immense oeuvre poétique ». Je ne sais pas ce qu'il entendait par « ça ». Tout ce que je sais c'est qu'Hölderlin est resté fou près de trente ans et c'est beaucoup trop cher, comme prix littéraire. Aucune oeuvre poétique ne vaut ça. »



Roman très subtil lorsque l'on sait que Gary et Ajar ne font qu'un.
L'écriture nous emmène vraiment dans la folie supposée de l'auteur, d'un bout à l'autre.
Réflexion, au passage, sur la responsabilité, la culpabilité de l'homme en tant que représentant de l'espèce humaine, thème qui aura suivi Gary toute sa vie littéraire, donc toute sa vie.

On retrouve ici tout le sens de la formule de Gary, mais bien sûr, il est sûrement plus facile de le voir une fois que l'on sait qu'il s'agit bien de Gary.

« - Allons, allons. Les fous, oui. Il y a surtout des millions de gens qui gardent le silence parce qu'ils ont toute leur raison et ils savent que ce n'est pas la peine d'appeler au secours. Que c'est même dangereux, il y aurait des représailles. »

Et la folie de ce livre ressort bien plus quand on sait que Kacew s'était enfermé dans Gary, lui-même enfermant Ajar, mais secrètement.

« Il faut se lever tôt pour m'avoir. Malheureusement, le jour se lève tôt. »

Malheureusement, oui…

« Ceci est mon dernier livre. » conclut Pavlowitch-Ajar-Gary-Kacew.
Cet homme est-il digne de confiance ?





Un petit air, pour l'océan et parce qu'il repose l'esprit…

« Sittin in the morning sun,
I'll be sittin' when the evening come,
Watching the ships roll in,
And I'll watch 'em roll away again, yeah,
I'm sittin' on the dock of the bay,
Watching the tide roll away, ouh,
I'm just sittin' on the dock of the bay,
Wasting time.
[…]”

Extrait de “Sitting on the dock of the bay”, Ottis Redding :
https://www.youtube.com/watch?v=PyxLaHmOaYM
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Un an après avoir refusé le prix Goncourt Emile-Romain Ajar-Gary revient sur sa névrose.
C'est jubilatoire cette névrose d'un auteur qui essaie d'apprendre le swahili pour prendre de la distance avec lui même …
Le narrateur est donc fou et pour rester dans sa folie, il écrit au sujet de son python, au sujet d'Alyette (qui a un élevage de licornes) et aussi au sujet de la vie devant soi. Parce que le narrateur sait fuir ses irresponsabilités, on ne lui fera pas prendre un Pahlevi pour un Shah d'Iran.
A ce niveau de psychose, c'est du grand art et j'en suis toute tourneboulée : Paul Pavlowitch règle ses comptes avec son tonton (Roman Kacew) qu'il surnomme Tonton Macoute.
Un véritable vertige et prodige ce livre où comment expliquer que l'on peut être fou et cohérent ou sain d'esprit et incohérent (à moins que ce ne soit l'inverse)
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Pseudo / Romain Gary (Emile Ajar)
Ce roman très particulier met en scène la folie supposée de l'auteur, Emile Ajar, l'auteur de « La Vie devant soi », prix Goncourt 1975, et son goût inextinguible du pseudonyme, passant de Kacew à Gary pour finir en Ajar alias Paul Pavlowitch. Rappelons que Romain Gary avait déjà obtenu le Goncourt en 1956 avec « Les Racines du ciel ». Mystificateur angoissé, Gary s'interroge sur sa véritable identité.
Émile Ajar incarné par Paul Pavlowitch, un vague cousin de Gary, s'attaque à Romain Gary surnommé Tonton Macoute le mystificateur.
La paranoïa et la schizophrénie de l'auteur servent de fil conducteur à ce récit très subtile et fantasque qui évoque autant le désarroi existentiel que le rôle de la littérature.
Cultivant à l'envi le paradoxe, Ajar sans illusion n'hésite pas à affirmer qu'il souhaite établir des rapports d'incompréhension et d'incommunicabilité fraternels avec ses interlocuteurs.
Plus loin il explique la genèse de son pseudo : « La moquette de ma piaule était recouverte de feuilles blanches avec mon pseudo qui rampait partout et je fus pris d'une peur atroce : la signature devenait de plus en plus ferme, de plus en plus à elle-même pareille, identique, telle quelle, de plus en plus fixe. Il était là. Quelqu'un, une identité, un piège à vie, une présence d'absence, une infirmité, une difformité, une mutilation, qui prenait possession, qui devenait moi. Émile Ajar. »
L'humour est omniprésent et l'auteur n'hésite pas à dire que la ville de Cahors aime bien avoir un dingue ou deux dans les rues (lui en l'occurrence), pour montrer qu'elle s'intéresse à l'animation culturelle ! Et plus loin : « Il ne faut pas croire, ils ont des salauds au Danemark aussi. C'est leur côté démocratique. »
« On peut être une belle ordure et écrire de beaux livres ! » écrit-il à la suite de la critique magnifique de son dernier livre. La critique concerne bien le livre et non l'auteur !
L'angoisse de l'auteur se traduit parfois de façon étrange quand il déclare que les chaises lui font particulièrement peur parce que leurs formes suggèrent une absence humaine.
Jouer avec les mots jusqu'à l'absurde et dans le paradoxe est aussi une arme de l'écrivain : « Mon avocat est un des hommes les plus intègres que j'aie jamais rencontrés, un désintégré comme moi n'aurait pas dû y toucher avec des pincettes…J'avais pris un autre avocat et puis un autre, mais ils se désistaient tous. Il y avait ceux qui étaient sûrs que je n'existais pas et qui craignaient pour leurs honoraires. Il y avait ceux qui savaient que j'existais et qui me disaient que je n'avais pas besoin d'un avocat mais d'un psychiatre… Si je ne me fais pas connaître, on continuera à dire que c'est un autre qui a écrit mes livres !.. J'ai beau mentir, simuler la simulation, c'est moi le coupable… »
« Mon grand-père écrivain de drames et joueur, je ne l'ai pas connu, c'est pourquoi je l'aime beaucoup. Je pense qu'il jouait pour perdre, parce qu'il ne pouvait vivre sans drames. »
Enfin et pour conclure, pour Ajar, la plupart des gens dit « normaux » sont seulement de bons simulateurs !!
Un livre bien étrange illustrant bien la personnalité de Romain Gary.
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PSEUDO de ROMAIN GARY ( sous Émile Ajar)
Pour apprécier et mieux comprendre ce roman ( confession) il faut se reporter en 1976, Ajar a obtenu le Goncourt 1975 avec la Vie Devant Soi et le petit monde « germano pratin « est convaincu qu'Ajar est un pseudo, mais personne n'a la moindre idée de la véritable identité de l'auteur bien qu'on mentionne souvent Aragon(?). A cette époque Gary est oublié, un has been, alors il va jouer avec Ajar, reconnaître que c'est un pseudo et mettre encore plus en avant un vague cousin lointain( présenté comme neveu) qui avait recueilli le Goncourt en 1975. Il va reconnaître que tout cela est un canular à travers son héros, malade, névrosé, fou? D'ailleurs une grande partie du livre se passe dans une clinique psychiatrique du Danemark, soins financés par son Tonton « Macoute », dont il sort occasionnellement pour se poser son éternelle question de ses origines, de son père. Gary délire allègrement, persuadé qu'il a couché avec sa mère, il va reprendre le thème de Gros Câlin avec le python de 2,2 m, le Momo de la Vie devant Soi et, je suppose, se libérer du Gary que la presse littéraire qui fait le succès n'aimait plus. J'avais émis l'idée qu'Ajar était le clown de Gary et j'en suis convaincu après avoir lu les 4 Ajar. Gary reste un clown triste malgré tout, ne trouvant pas de réponses satisfaisantes à ces interrogations métaphysiques, désespéré par les hommes et ne voyant aucune solution à tout cela.
Magnifique exercice produit juste 4 ans avant sa disparition.
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Dans ce livre, Romain Gary, sous son pseudo, nous dit, de mille façons, qu' il se suicidera...
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