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Tu t'es bien moqué de moi Émile, ou Paul, ou tant d'autres noms derrière lesquels tu brouilles les pistes tout au long de ces quelques deux cents pages. Tu t'es bien moqué de moi pour m'avoir mis sous les yeux ce galimatias de fulgurances schizophréniques.

J'ai bien cru avoir à faire avec un dingo. J'avais fait confiance à la notoriété d'un Goncourisé, un certain Ajar. J'apprends qu'Ajar n'est qu'un pseudo. Qui cache un certain Paul. Paul Pavlowitch. Qui pourrait bien être encore quelqu'un d'autre. Attention un auteur peut en cacher un autre. Ne franchissez cette limite qu'après avoir regardé de tous côtés. Vous êtes cernés par les pseudos, au point que dans le corps du texte tu enfonces le clou et te fais appeler pseudo-pseudo. Faut-il y mettre la majuscule ?

Il faut être sûr de soi pour faire avaler pareille potion à un éditeur. Qui lui-même la glissera dans le gosier des tourneurs de pages crédules. Ils auront acquis cet ouvrage sur une couverture. Car en le feuilletant sur l'étal du libraire ils auront reconnu quelques formules au cynisme assassin comme ils les aiment. Comme on achète un vin sur l'étiquette. Gare au gogo ignorant des cépages et des crus, il pourrait bien avaler de la piquette.

Je m'étais régalé avec La vie devant soi, amusé d'une certaine loufoquerie avec Gros-câlin. Quand j'ai retrouvé Émile Ajar avec Pseudo, je n'ai pas hésité. J'ai bien cru y reconnaître un furieux sens de la dérision, lequel m'a rappelé un certain Romain Gary. Tu vois de qui je veux parler, un Prix Goncourt lui-aussi. Mais je me suis convaincu que tu n'aurais quand même pas osé.

Oser faire un pied de nez pareil à l'Académie, pour leur refiler un autre chef-d'oeuvre sous le manteau, subrepticement comme ça. Comme quelqu'un qui aurait le talent chevillé à l'âme aussi vrai que moi j'ai le doute. Mais Gary n'aurait jamais fait ça.

Tu t'es bien foutu de moi, mais je te pardonne. Je suis beau joueur. J'ai bien conscience que lorsqu'on est arrivé au sommet, on ne peut que redescendre. Alors forcément ça angoisse. Parce qu'un troisième prix Goncourt sous un autre pseudo, ce n'était plus possible. Tu commençais bien à te rendre compte que certains affranchis dans les milieux littéraires affichaient un sourire pincé par la suspicion. de la jalousie à n'en pas douter.

Je ne t'en veux pas parce qu'avec tout ce que tu nous avais déjà offert sous tant de masques grotesques on retrouvait toujours ce même regard insondable. On le savait scruter son intérieur obscur, en quête des mots assez forts pour nous dire à quel point ce qu'il voyait à l'extérieur lui faisait peur.
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Quand Ajar s'attaque à Gary.

Face au succès imprévu de son double littéraire Émile Ajar, Romain Gary refuse de se reconnaitre comme l'auteur de romans qui lui ont permis de se réinventer loin des préjugés associés à son oeuvre et à sa personnalité. Mais les médias demandent un visage. Gary se retrouve donc pris dans un jeu pervers auquel il mêle son petit-cousin Paul Pavlowitch, prête-visage à un Ajar que Gary aurait voulu insaisissable. Or, la parenté entre les deux hommes finit par être débusquée. le pseudo « Ajar » est-il donc bien celui de l'homme que l'on croit ? Dans ce contexte, le troisième roman d'Ajar cherche à brouiller les pistes en mettant en scène la lutte émancipatrice de Pavlowitch face à son tonton diabolique, qu'il accable de moqueries et de calomnies, accusant le pseudo humaniste fana d'éléphants d'être un vrai cynique carburant aux cigares. C'est l'affrontement entre les deux auteurs... qui n'en font qu'un. En faisant mine de recevoir les coups de son complice, Gary s'en prend en secret à lui-même, à son propre visage officiel.

Ce trouble dissociatif et l'angoisse d'être percé à jour créent ici un délire hallucinatoire. Pas étonnant que le roman soit placé sous le patronage d'Henri Michaux (auteur qui aurait lui aussi voulu garder un visage inconnu). Sous les traits de jeune homme de son personnage incarné par Paul Pavlowitch, Gary réinvente sa propre « panique d'un être jeune face à la vie devant lui », telle qu'il l'avait violemment décrite dans son tout premier roman (trop scabreux pour être publié de son vivant) « le vin des morts ». On en retrouve certains passages et motifs, notamment les « flics » grouillants et protéiformes, signes du conformisme que Gary exècre par-dessus tout.

Le Ajar-Pavlowitch fantasmé par Gary fait face à une multitude de figures autoritaires qui voudraient lui faire vivre une vie d'auteur bien rangé, une machine à « chefs d'oeuvre » qui permettent de fermer les yeux de contentement face à la souffrance et la médiocrité. Psychiatres, éditeurs, flics, dictateurs, ces figures mi réelles mi fantasmatiques paradent, attribuent des noms, des rôles. L'anarchiste Ajar se rebelle contre tout cela. Y compris contre les noms et même contre le langage qu'il court-circuite à coups de paradoxes, flottements onomastiques, leitmotivs exotiques (notamment une fixation sur Pinochet) et autres excentricités syntaxiques. Ajar ne veut « aucun rapport avec le contexte ». À force de rapports, on pourrait penser qu'il est en relation avec l'espèce humaine, donc avec Pinochet et pire encore avec Gary. Ici (et peut-être dans l'absolu ? qu'en pensez-vous chers pseudos ?), l'angoisse du pseudo, c'est de correspondre à une réalité qui est elle-même pseudo. Il accuse la vie humaine de s'être confondue avec le néant, de n'être rien de plus qu'une mystification dépourvue de valeurs, un jeu de rôles et de dupes où le jeu du romancier vient finalement rétablir une forme d'authenticité paradoxale, dans l'espoir que l'on cesse un jour de jouer à « pseudo-pseudo ». le mentir-vrai de la fiction Ajar s'érige contre les « vérités » mensongères.

« Je savais que j'étais fictif et j'ai donc pensé que j'étais peut-être doué pour la fiction. »

Le paradoxe s'affirme ainsi encore une fois comme la forme littéraire par excellence selon Romain Gary. On l'observe se débattre et se contredire dans ce jeu fictionnel, ce jeu qui est un autre, et où l'identité se perd vers l'espoir de se retrouver, de naître grâce à lui (Ajar), donc malgré lui (Gary), voire vice versa car on ne sait plus qui de Ajar ou Gary a enfanté l'autre.

« Nous sommes tous des enfants qu'on nous a fait dans le dos. »

Ajar, c'est en tout cas une revanche et une promesse du soi face au moi. L'irréductible, l'insaisissable, le monstrueux, le python qui fait des noeuds et qui se mord la queue. L'espoir de ne pas se laisser enfermer dans une identité (« une gueule », comme dira plus tard Gary en citant Gombrowicz). Et à coups d'angoisse, de délire et de pseudos Ajar casse la gueule autosatisfaite de Gary.
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Est-ce Paul Pavlowitch qui se prend pour Emile Ajar ou Emile Ajar qui se prend pour Romain Gary ? Virtuose mascarade.
Pour le lecteur de 1976, Pseudo est peut-être un moyen de lever le voile et de confirmer qu'Emile Ajar est bien le nom de plume de Paul Pavlowitch. Mais pour le lecteur d'après 1981, c'est plutôt Romain Gary qui prend la plume pour se disculper d'être Emile Ajar, et ce faisant, contribue à légitimer l'existence controversée du même Emile Ajar. Schizophrénie totale.
Dans cette spirale infernale, on ne sait plus qui est qui, qui est créateur, qui est créature, les miroirs ne renvoyant que reflets masqués et non conformes. Tout se mêle, les liens familiaux, les liens littéraires, les parentés et les inimitiés, le père qu'on voudrait tuer, le double qu'on voudrait renier, le lecteur qu'on voudrait semer. Avec ce talent qui est le sien (mais de qui, au juste ?), l'auteur donne à chaque phrase ou presque une double lecture possible, à chaque signe, une correspondance, dans une mise en abyme de l'écriture où les personnages eux-mêmes se livrent à l'activité de "pseudo-pseudo" dont on ne sait pas très bien en quoi elle consiste : faire semblant qu'on est un autre ? Ne pas révéler qu'on n'est qu'un seul ?
Emile Ajar, qui signe ce livre, reconnaît qu'il n'est qu'un pseudo. Pourtant, il essaie de vivre et de montrer sa réalité, ou comment il s'est emparé de l'âme de Paul Pavlowitch. C'est donc Romain Gary se faisant appeler Emile Ajar, qui serait le pseudo de Paul Pavlowitch, qu'il aurait choisi pour mieux renier son oncle auteur, Romain Gary. Un vertige me prend pour ne plus me quitter. La folie guette. J'aime beaucoup.
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Pseudo, tout est dit dans le titre, tout est clair et Ajar a enfin mis à jour son dédoublement de personnalité avec ce livre. Et quelle pépite merveilleuse!!
Il faut s'accrocher pour le suivre à la lecture, entre les moments de lucidité et les égarements délirants, on est plutôt bien tenus et sans ennui loin s'en faut.
Plein de sarcasmes qui m'ont fait sourire et même rire plus d'une fois, les métaphores sont plus que réalistes et franchement la folie qui habitait notre narrateur valait la peine d'être lue et qu'on y passe un bon moment. Ce n'est pas donné à tout le monde d'aller faire un séjour au Danemark en internement psychiatrique et de défier tous ces médecins qui essayent de toujours tout décrypter au moindre mouvement.
Entre les crises dépressives, la paranoïa ou encore ses crises de pythonisme, franchement Pavlowitch, notre narrateur est plus que décérébré.
Mais on sent bien à la lecture que l'auteur avait plein de choses à nous dire concernant les dérives de cette société, à chacun d'en comprendre les subtilités qu'il nous a glissées.
En résumé, pas si dingo que ça le gars!!


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Eh ! Toi ! Tu viens faire pseudo-pseudo avec moi…

- Oh, mon Dieu ! Crée moi… gémit Adam.
- Crées-toi toi-même, répondit Dieu.
Et Dieu créa la femme.
Et Adam se créa des tas d'emmerdements…



En 1937, Kacew décide de créer le Roman de sa vie.
Il extrait le vin des morts mais il a soif de reconnaissance, son talent restant dans l'ombre.
Il brûle de devenir Romain Gary de par son éducation européenne : Adieu Gary Cooper.
Monté tout en haut aux racines du ciel, il se fait à l'aube une promesse : la nuit sera calme.
En attendant, il est entré dans la danse de Gengis Cohn et tourne un peu en rond, il fait des noeuds, s'étouffe et s'éteint.
Mais il reste des braises. Alors, enchanteur, à l'occasion d'un gros câlin, il crée Emile Ajar.
Le feu reprend quelquefois dans cette nuit calme, au clair de femme, mais au-delà de cette limite, son ticket n'est plus valable, alors qu'Ajar, lui, a la vie devant soi.
C'est alors qu'il décide de faire pseudo-pseudo avec Paul-Alex Pavlowitch, couverture nécessaire au risque d'étouffer les braises.



Paul-Alex Pavlowitch fait dans ce livre le récit de la genèse d'Emile Ajar.
Schizophrène mâtiné de paranoïaque, Paul-Alex se trouve dans l'obligation d'écrire par réalisme et refus de « bêlant-lyrisme ».
Pour cette raison, il se fait soigner par différents psy qui ont pour mission de le soulager du poids du monde.

« J'ai failli pisser de joie. Je pisse toujours hors de propos. Je rêve de soulagement. »


Pavlowitch a donc toutes les raisons du monde de ne pas vouloir se faire repérer, dictatures, génocides, guerres… et il se cache derrière Emile Ajar.
Il parle souvent de Gary, « tonton Macoute », personnage cynique qui cache une fausse paternité. La fausse paternité concerne plus Ajar que Pavlowitch, mais nous ne sommes pas censé le savoir et en plus c'est un mensonge.

L'occasion dans ce livre de démentir toute forme de canular au sujet de l'écriture de « Gros câlin » et de « La vie devant soi ».
C'est bien lui, Pavlowitch, qui a écrit ces livres, n'en déplaise à tonton Macoute ou au psychiatre qui cherchent à le piéger pour qu'il continue à écrire.

« le directeur littéraire a été très gentil avec moi. Il m'a simplement dit une fois que « ça n'a pas empêché Hölderlin de faire une immense oeuvre poétique ». Je ne sais pas ce qu'il entendait par « ça ». Tout ce que je sais c'est qu'Hölderlin est resté fou près de trente ans et c'est beaucoup trop cher, comme prix littéraire. Aucune oeuvre poétique ne vaut ça. »



Roman très subtil lorsque l'on sait que Gary et Ajar ne font qu'un.
L'écriture nous emmène vraiment dans la folie supposée de l'auteur, d'un bout à l'autre.
Réflexion, au passage, sur la responsabilité, la culpabilité de l'homme en tant que représentant de l'espèce humaine, thème qui aura suivi Gary toute sa vie littéraire, donc toute sa vie.

On retrouve ici tout le sens de la formule de Gary, mais bien sûr, il est sûrement plus facile de le voir une fois que l'on sait qu'il s'agit bien de Gary.

« - Allons, allons. Les fous, oui. Il y a surtout des millions de gens qui gardent le silence parce qu'ils ont toute leur raison et ils savent que ce n'est pas la peine d'appeler au secours. Que c'est même dangereux, il y aurait des représailles. »

Et la folie de ce livre ressort bien plus quand on sait que Kacew s'était enfermé dans Gary, lui-même enfermant Ajar, mais secrètement.

« Il faut se lever tôt pour m'avoir. Malheureusement, le jour se lève tôt. »

Malheureusement, oui…

« Ceci est mon dernier livre. » conclut Pavlowitch-Ajar-Gary-Kacew.
Cet homme est-il digne de confiance ?





Un petit air, pour l'océan et parce qu'il repose l'esprit…

« Sittin in the morning sun,
I'll be sittin' when the evening come,
Watching the ships roll in,
And I'll watch 'em roll away again, yeah,
I'm sittin' on the dock of the bay,
Watching the tide roll away, ouh,
I'm just sittin' on the dock of the bay,
Wasting time.
[…]”

Extrait de “Sitting on the dock of the bay”, Ottis Redding :
https://www.youtube.com/watch?v=PyxLaHmOaYM
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Un an après avoir refusé le prix Goncourt Emile-Romain Ajar-Gary revient sur sa névrose.
C'est jubilatoire cette névrose d'un auteur qui essaie d'apprendre le swahili pour prendre de la distance avec lui même …
Le narrateur est donc fou et pour rester dans sa folie, il écrit au sujet de son python, au sujet d'Alyette (qui a un élevage de licornes) et aussi au sujet de la vie devant soi. Parce que le narrateur sait fuir ses irresponsabilités, on ne lui fera pas prendre un Pahlevi pour un Shah d'Iran.
A ce niveau de psychose, c'est du grand art et j'en suis toute tourneboulée : Paul Pavlowitch règle ses comptes avec son tonton (Roman Kacew) qu'il surnomme Tonton Macoute.
Un véritable vertige et prodige ce livre où comment expliquer que l'on peut être fou et cohérent ou sain d'esprit et incohérent (à moins que ce ne soit l'inverse)
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Le narrateur de "Pseudo" est Emile Ajar, l'auteur de « Gros-câlin » et de « La vie devant soi ». le succès de "La vie devant soi" expose Ajar à la célébrité. Mais il a de gros problèmes avec son oncle, un autre écrivain célèbre qu'il affuble du sobriquet de tonton Macoute pour masquer son identité réelle. Comme le titre le suggère d'amblée, Ajar a des problèmes d'identité ; dans cette histoire, l'identité de tous les personnages du roman est brouillée tant le narrateur prend soin de changer leurs noms en cours de récit ; l'épouse d'Ajar est prénommée ici Elyette, là Annie, ailleurs Aline et j'en ai oublié d'autres. Il s'agit d'une stratégie délibérée de brouillage car le narrateur -en paranoïaque ambigu - veut nous faire croire que tout ce qu'il raconte à un rapport réel avec des personnes réelles dont il veut (ou fait semblant de vouloir) masquer l'identité réelle.
Il est facile au lecteur d'aujourd'hui, de deviner Romain Gary derrière le personnage de tonton Macoute car une solide documentation historique établi désormais Romain Gary comme l'auteur de Pseudo. La pièce maîtresse du dossier étant la publication posthume de « Vie et mort d'Emile Ajar ».
Mais pour les premiers lecteurs de « Pseudo », les choses étaient beaucoup plus troubles. le Goncourt avait récompensé Ajar pour « La vie devant soi » conférant à celui-ci une existence sociale pétrie dans la pulpe du papier journal et amplifiée aux rayons cathodiques. En 1976, lorsque ce roman paru, ses premiers lecteurs avaient été prévenus par voie de presse que le nom d'Emile Ajar pouvait cacher une personnalité très en vue du monde des lettres ; quelques éminents critiques soupçonnaient, qui Queneau, qui Aragon derrière ce masque.
Pour le lecteur d'aujourd'hui ce trouble embrouille encore les pages de ce roman fantasque. Mais l'esprit du lecteur n'est désormais plus parasité par les incertitudes de l'actualité des années 1970 et les véritables enjeux de ce roman sont désormais bien perceptibles ; ce qui pouvait passer pour un canular bon enfant ou une simple farce littéraire est en réalité l'expression d'une terrible angoisse d'être soi (« J'avais deux personnages qui luttaient en moi : celui que je n'étais pas et celui que je ne voulais pas être » p. 144).
Toutefois, si Pseudo est incontestablement l'expression littéraire d'une sorte de désarrois existentiel ce texte est aussi une mise en cause de la littérature et de sa fonction sociale. Ce qui tourmente véritablement Romain Gary, c'est le constat désespérant que la littérature ne sauvera jamais l'humanité des Pinochet, des Staline et de toutes les horreurs que l'homme est capable de faire à l'homme. Pire ! la posture « créatrice », le statut d'écrivain y est fortement soupçonné de n'être qu'une pose narcissique à la limite de la perversion comme Néron jouant de la lyre devant Rome en feu (Camus). Seul espoir de salut ; l'humour. Et il y a quelque chose de pathétique à voir Romain Gary se débattant, gesticulant, « Clown lyrique » finalement mal à l'aise dans cette posture du bouffon - grotesque à la fois complice et contempteur du pouvoir.
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Voici un roman sur la double vie de Romain Gary confondue littérairement à celle de Emile Ajar.
Ayant reçu son deuxième prix Goncourt mais sous le nom d'écrivain Ajar, Romain Gary fait une autocritique psychologique sur la personnalité de son double.
L'auteur nous narre tout l'aspect psychologique de cette double nationalité sur un récit fictionnel à l'époque ou il va être lauréat pour le Goncourt pour la vie devant soi.
L'action se situe dans un asile psychiatrique au Danemark pour parer à des crises d'angoisses Son séjour est payé par con oncle, tonton Macroute On reconnait derrière ce personnage Romain Gary lui-même.
Tout le long du livre, nous, lecteur, allons découvrir cette double personnalité et les conséquences que cela implique sur l'aspect psychologique de l'écrivain.
Ce livre est parfois drôle, tendre et parfois dramatique. Mais surtout égocentrique.
Un livre attachant et déroutant sachant que romain Gary se suicidera 4 ans plus tard après la sortie de ce livre
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Petit pas ultérieur dans ma compréhension de cette "énigme" du pseudo Ajar; je me rapproche encore davantage de l'idée de "la dépossession de soi", de même que je me convainc que le choix de cet autre pseudonyme relève non de l'épiphénoménologique mais d'un plan littéraire précis et accompli. Car enfin, alors qu'un narrateur commence habituellement son échafaudage par les jalons des personnages, dans Pseudo, Gary ne fait que jalonner... l'auteur (je rectifie: "l'Auteur"...). Il s'agit d'une démarche qui se situe, à mon sens, dans la lignée directe d'un Pirandello ou d'un Unamuno. Et l'Auteur, dans ces conditions, et là encore "Pirandello docet", ne peut donc qu'être/s'exprimer en tant que/se définir comme psychotique, dépossédé d'identité, et en même temps souffrant de son hypertrophie, persécuté par sa conscience d' "étant"... (aussi bien schizophrène que plutôt paranoïaque). Pour exemplifier ce côté littéraire, je voudrais garder en mémoire la citation suivante:
"Méfiez-vous. Les mots ennemis vous écoutent. Tout fait semblant, rien n'est authentique et ne le sera jamais tant que nous ne sommes pas, ne serons pas nos propres auteurs, notre propre oeuvre. Croyez-moi: j'étais déjà ça quand brillait Homère." (p. 74) Et cela pour l'expérience littéraire.
Pour la sincérité (j'insiste!) de la recherche de fond: la création du personnage-auteur me semble admirable de réalisme, notamment par rapport au langage - encore! - et à la reconstruction de la pensée éclatée du psychotique. (J'adore les représentations littéraires de l'insanité.) Je ne la confonds toujours pas (la sincérité) avec la pléthore de clins d'oeil à la biographie de Gary (Tonton Macoute); je m'étonne seulement que les critiques, par ailleurs tant à l'affût..., ne se soient encore doutés de rien après la parution de ce roman, pourtant si explicite!
Enfin, pour en revenir au Gary en chair et os, j'ai fait une petite découverte extra-textuelle: la métaphore du "caméléon qui devient fou sur un tissu écossais" ne vient pas d'Anissimov, mais elle avait été énoncée par Gary lui-même. Je pense qu'il l'explique encore mieux dans le passage suivant (que, cette fois oui, je n'hésite pas à considérer comme "probablement-ce-qu'il-y-a-de-plus-près-de-l'" autobiographique):
"Mais j'ai été repris par moi-même, je me suis récupéré, et il y eut droits d'auteur. J'avais deux personnages qui luttaient en moi: celui que je n'étais pas et celui que je ne voulais pas être." (p. 147)

Seule raison pour mon étoile manquante: dans certaines pages j'ai ressenti qu'Ajar s'usait déjà, qu'il s'épuisait, lui et sa recherche linguistique désormais au seuil de l'académisme: c'était juste que "ceci [fût] son dernier livre"...
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Romain Kacew né le 8 mai 1914 à Moscou, connu en tant qu'écrivain sous le nom de Romain Gary (prix Goncourt 1956 pour les racines du ciel) a obtenu en 1975 à nouveau le prix Goncourt (pour La vie devant soi) mais sous le pseudonyme d'Emile Ajar. Un mystificateur, Romain Gary rattrappé par son succés?
Sa vie est une suite de vies indépendantes, déraciné,chassé,persécuté,aviateur,engagé,diplomate,écrivain. Son écriture lui permet d'endiguer ses angoisses et tout au long de son oeuvre, il part à la recherche de sa véritable identité.
Qui suis je? Que me veut on? semble dire le héros de son livre Pseudo, un malade psychiatrique, un écrivain à "pseudo", interné qui lutte contre une angoisse de dépersonnalisation.
Un livre dur qui dérange et interroge.
Ne dit il pas lui même: "Ma tête, je n'ai pas cherché à la récupérer, elle n'est pas la mienne de toute façon.Elle me cache bien mais elle n'est pas à moi.Je me suis fabriqué une gueule d'adulte."
Roman quelque peu autobiographique? Paranoïa sous jacente?
Le mardi 2 décembre 1980, l'écrivain se suicidait... en se tirant une balle dans la bouche!
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