Une grande déception, avec
le Soleil des Scorta, après l'admiration que j'eus pour
La porte des Enfers, écrit il est vrai quelques années plus tard.
Fascinée par ce roman prométhéen, par cette richesse du style, j'ai voulu lire ce Soleil des Scorta qui pour moi (et cela n'est que mon propre ressenti) est un soleil plutôt noir et froid, avec des rayons tristes, même si j'ai pu relever une page qui est une vraie splendeur, faisant référence aux échos des voix disparues rebondissant des veines du banc en bois. sur lequel s'est assise la fille de Rocco (p. 62 dans l'Edition
Actes Sud 2004). Mais une page sur 250, cela ne fait pas un livre suffisant pour avoir envie de le relire ou de se le rappeler.
Cependant encore, j'ai ressenti l'agréable sensation qu'il y avait dans ce roman du
Cormac McCarthy, non pas du
Giono, oh non !
Giono écrit mieux ! quelque chose qui me rappelait ses personnages agressifs accablés par le Destin. dans ce Luciano qui déambulait, faisait l'amour puis mourait, cette manière de montrer le tragique de l'homme, de l'enfant, de la vie qui est solitude, travail, souffrance et injustice. Il y avait aussi de l'
Alberto Moravia, dans ses célèbres nouvelles italiennes, avec cet art de décrire brièvement les êtres, cet usage exclusif des hypotyposes… Bon… Mais tout cela s'est rapidement arrêté en chemin. Bien avant la page 100, j'avais envie de lire en diagonale.
Le style, tout au long des pages, est plutôt « scolaire », plus précisément oral (d'ailleurs
Laurent Gaudé a écrit beaucoup de pièces de théâtre et avoue ne pas vouloir faire des effets de style, ce en quoi il a raison) et semble ainsi s'adresser à des écoliers du 19eme siècle. Exception faite et, je le rappelle, pour
la Porte des Enfers.
Cependant, en première intention,
Laurent Gaudé a voulu faire un roman sur ses propres émotions, sur celles éprouvées avec son épouse, sur des moments qu'ils avait vécus en Italie et avec des populations italiennes, en particulier celles des petits villages.
Ce que je retiens, dans ce roman, c'est surtout la volonté chez l'auteur de ne pas laisser s'anéantir le souvenir des morts (et ne pas laisser les êtres chers à la Mort est magnifiquement traité dans
La Porte des Enfers), au contraire la transmission des valeurs et des souvenirs est d'une importance primordiale. La mort, qui est toujours redoutée chez Gaudé, et perçue comme l'anéantissement de tout, se voit comme acceptée et même naturellement heureuse, si et seulement si la transmission est assurée. de même que les olives sont immortelles parce que reproductrices, portant en elle le noyau de mémoire et de création. de même l'homme peut assurer son immortalité et son éternité, par le biais de ses enfants et des souvenirs partagés.
Ces quatre générations qui se sont ainsi succédé, dans ce roman, en sont le symbole. Et le roman se clôt dans l'apaisement, l'homme - en la personne de Ilia - se trouvant maître de son destin et tranquille parce qu'il a enfin trouvé sa place, se rendant compte qu'il a été un homme, rien d'autre, et ces toutes dernières pensées, ces dernières phrases, simples et vraies, m'ont fait oublier paradoxalement
l'ennui ressenti auparavant.