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Citations sur Un balcon en forêt (84)

Un instant il fermait les yeux, et il écoutait dans le noir leurs deux souffles mêlés passer et repasser sur le long bruissement grave de la forêt: c'était comme le bruit des vague-lettes au fond d'une grotte qui respirent sur la clameur même des brisants ; la même épaule énorme de la marée qui balayait la terre les soulevait, portait ensemble la veille et le sommeil. Avant de partir, il touchait seulement de ses doigts le creux de la main un peu moite que dans son sommeil elle tendait ouverte, la paume tournée vers le haut dans le noir, pour on ne savait quel consentement aveugle qui le laissait pacifié.
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Cependant, dès qu'il était allongé et immobile, de nouveau il souffrait peu, ses forces lui revenaient - un sentiment de tranquillité, de bonheur stupide l'envahissait, comme s'il était monté de la terre. « On dirait que je suis convalescent, songea-t-il. Mais de quoi ? ». Il resta allongé ainsi une bonne heure. Il n'était plus pressé de repartir; il regardait au-dessus de lui les branches des arbres qui voûtaient à demi le chemin contre le ciel plus clair : il lui semblait que la nuit devant lui s'étendait avec la coulée de cette voûte insondablement longue et paisible – il se sentait perdu, mais vraiment perdu, sorti de toutes les ornières : personne ne l'attendait plus, jamais - nulle part. Ce moment lui paraissait délicieux.
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En amour, lui disait-il, tu as la tactique de Napoléon : on s'engage et puis on voit.
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La nuit était venue, calme et très claire ; au-dessus de leur tête, le châtaignier découpait dans le ciel un lourd nuage d’encre aux bords frisés qui jetait sur la terrasse une ombre plus noire, mais à travers sa frange de feuilles et jusque dans ses déchirures, on voyait briller un fouillis d’étoiles ; ils parlaient assez bas, paisiblement, avec des intervalles de silence ; la solitude, le parfum de forêt, l’ombre veloutée du feuillage énorme, la royauté fantomatique de ce village mort donnaient à Grange une impression de luxe singulier. La terre s’ensauvageait, toute rajeunie d’un parfum d’herbe haute et de campement nocturne, retrouvait l’humeur barbare de se loger au large ; il se faisait un silence frais à l’oreille, où quelque chose dans l’homme était vengé et ragaillardi ; on eût dit que le ciel était plein d’étoiles neuves.
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Bien que Varin l'appelât à tout instant au téléphone (le capitaine tenait maintenant ses chefs de poste au bout de sa ligne comme un poisson qu'on vient de ferrer et qu'on promène - quelquefois même il leur donnait du fil).
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Grange s'amusait quelques instants parfois à fermer les yeux, et à vérifier combien la guerre, même dans ses instants les plus endormis, alertait toujours plus intimement l'ouïe que la vue, par cette espèce de brinqueballement de herse géante promenée sur la terre remuée.
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Et brusquement la maisonnette de fées autour de soi ne rassurait plus tout à fait. On dormait là comme les passagers dans l'embellie des nuits chaudes, sur le pont encore tendu de ses plages de toile, qui font route vers les mers grises et tachent d'oublier que le vent un jour fraichira.

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Quand Mona s'éveillait, avec cette manière instantanée qu'elle avait de passer de la lumière à l'ombre (elle s'endormait au milieu d'une phrase, comme les très jeunes enfants), cinglé, fouetté, mordu, étrillé, il se sentait comme sous la douche d'une cascade d'avril, il était dépossédé de lui pour la journée; mais cette minute où il la regardait encore dormir était plus grave: assis à côté d'elle, il avait l'impression de la protéger. Le froid se glissait dans la pièce malgré le feu mourant; à travers les volets mal joints suintait une aube grise; un instant, il se sentait porté au creux d'un monde éteint, dévasté par de mauvaises étoiles, tout entier couvé par une pensée noire: il promenait les yeux autour de lui comme pour y chercher la coûteuse blessure qui faisait le matin si pâle, refroidissait cette chambre triste jusqu'à la mort. «Qu'elle ne meure pas», murmurait-il superstitieusement, et le mot éveillait dans la pièce aux volets fermés un écho distrait: le monde avait perdu son recours; on eût dit que de son sommeil même une oreille s'était détournée.
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La veille de son départ, il fit à son sujet un rêve voluptueux d'une espèce singulière. Il était pendu, à une potence ou à une branche élevée, en tous cas à une grande hauteur - il faisait soleil - et cette posture, au moins inconfortable, ne semblait pas entraîner d'inconvénient immédiat, puisqu'il considérait avec un particulier plaisir le paysage illuminé et les têtes des arbres qui s'arrondissaient très loin au-dessous de lui. Mais le centre de la joie sensuelle qui l'habitait était bien plus proche. Au-dessous de lui - si court que ses pieds nus par moments effleuraient presque les cheveux blonds - Mona était pendue elle-même par le cou à une corde mince qui lui serrait les chevilles. Le vent les balançait tous deux très lentement dans l'air frais et agréable, et par la corde qui étranglait Mona, surtout quand elle était secouée de légères convulsions qui lui soulevaient les épaules, il lui venait, à ses chevilles serrées et aussi au cou où la corde le serrait à mesure, une communication si exquise de son poids vivant et nu qui l'étirait, qui le traversait et qui le comblait, qu'il éprouvait une volupté jamais ressentie et que l'exercice périlleux s'acheva dans l'indécence finale qu'on attribue aux pendus.
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Il renversa la tète contre le capiton de serge pour suivre du regard très haut au dessus de lui, la crète des falaises chevelues qui se profilaient en gloire contre le soleil bas.
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