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Citations sur Un balcon en forêt (84)

De temps en temps, un layon fuyait à travers les arbres, étroit comme une passée de bêtes. La solitude était complète, et cependant l'idée d'une rencontre possible ne disparaissait pas complètement ; quelquefois on croyait distinguer dans l'éloignement un homme debout au bord de la chaussée sous sa longue pélerine : de près, c'était un petit sapin tout noir et carré d'épaules contre le rideau de feuilles claires.
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"La forêt était courtaude - c'était des bouleaux, des hêtres nains, des frênes, de petits chênes surtout, ramus et tordus comme des poiriers - mais elle paraissait extraordinairement vivace et racinée, sans une déchirure, sans une clairière ; de chaque côté de l'aine et de la Meuse, on sentait que de toute éternité cette terre avait été crépue d'arbres, avait fatigué la hache et le sabre d'abatis par le regain de sa toison vorace. De temps en temps, un layon fuyait à travers les arbres, étroit comme une passée de bête. La solitude était complète, et cependant l'idée d'une rencontre possible ne disparaissait pas complètement ; quelquefois on croyait distinguer dans l'éloignement un homme debout au bord de la chaussée sous sa longue pèlerine : de près, c'était un petit sapin tout noir et carré d'épaules contre le rideau de feuilles claires. La laie devait suivre à peu près la crête du plateau, car on n'entendait de ruisseau nulle part, mais deux ou trois fois Grange aperçut une auge de pierre enterrée au bord du chemin dans un enfoncement des arbres, d'où s'égouttait un mince filet d'eau pure : il ajoutait au silence de forêt de conte." (p. 19)

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Son esprit était ainsi fait qu'une idée logique l'ébranlait peu, mais que le pressentiment d'autrui y coulait presque sans résistance (p. 69).
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La nuit sonore et sèche dormait les yeux grands ouverts ; la terre sourdement alertée était de nouveau pleine de présages, comme au temps où on suspendit des boucliers aux branches des chênes.


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La nuit sonore et sèche dormait les yeux grands ouverts; la terre sourdement alertée était de nouveau pleine de présages, comme au temps où on suspendit des boucliers aux branches des chênes.
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Grange feuilleta le dossier des pièces officielles, les consignes de combat, les relevés de munitions, d'un doigt distrait : une pluie serrée de paragraphes doctes, issus d'un délire ingénieux et procédurier, qui semblaient comptabiliser d'avance un tremblement de terre, puis il les rangea dans une chemise et les enferma à clef au fond de son tiroir, d'un geste qui était une conjuration. Cela faisait partie des choses qui, trop minutieusement prévues, n'arrivaient pas. C'étaient les archives notariées de la guerre ; elles dormaient là en attendant la prescription ; à lire ces pages qui en traquaient l'imprévisible de virgule en virgule, on se sentait inexprimablement rassuré : on eût dit que la guerre avait déjà eu lieu (p. 23).
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Ce qu’on avait laissé derrière soi, ce qu’on était censé défendre, n’importait plus très réellement ; le lien était coupé ; dans cette obscurité pleine de pressentiments les raisons d’être avaient perdu leurs dents. Pour la première fois peut-être, se disait Grange, me voici mobilisé dans une armée rêveuse. Je rêve ici — nous rêvons tous — mais de quoi ?

Tout, autour de lui, était trouble et vacillement, prise incertaine ; on eût dit que le monde tissé par les hommes se défaisait maille à maille : il ne restait qu’une attente pure, aveugle, où la nuit d’étoiles, les bois perdus, l’énorme vague nocturne qui se gonflait et montait derrière l’horizon vous dépouillaient brutalement, comme le déferlement des vagues derrière la dune donne soudain l’envie d’être nu.
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Depuis que son train avait passé les faubourgs et les fumées de Charleville,il semblait à l'aspirant Grange que la laideur du monde se dissipait: Il s'aperçut qu'il n'y avait plus en vue une seule maison.
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Il y avait un charme puissant à se tenir là, si longtemps après que minuit avait sonné aux églises de la terre, sur cette gâtine sans lieu épaissement saucée de flaques de brume et toute mouillée de la sueur confuse des rêves, à l’heure où les vapeurs sortaient des bois comme des esprits.
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— Vous êtes réserviste ?
Grange fit signe que oui.
— Je ne vois qu'une chose, mon cher camarade...
Il posa la main légèrement sur l'épaule de Grange, et le fixa d'un regard qui ne plaisantait plus.
— Un bon conseil pour votre bonne bouteille. Je m'arrangerais pour changer d'air. Cette machinette qu'on vous a louée en forêt, savez-vous comment j'appelle ça ? Sans vouloir vous vexer, j'appelle ça un piège à cons. Vous serez fait là-dedans comme un rat.
Il y eut un moment de silence.
— ... Ce que j'en dis, vous savez... (Il fit un sourire un coin presque courtois) ... En somme, vous êtes là bien au frais. Vous pouvez toujours prier le Seigneur qu'ils ne viennent pas.

[Julien GRACQ, " Un balcon en forêt ", Librairie José Corti (Paris), 1958, pages 81-82]
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