Mystère et éternité du Principe
Le principe qui peut être énoncé n’est pas celui qui fut toujours. L’être qui peut être nommé, n’est pas celui qui fut de tout temps. Avant les temps, fut un être ineffable, innommable.
Alors qu’il était encore innommable, il conçut le ciel et la terre. Après qu’il fut ainsi devenu sommable, il donna naissance à tous les êtres.
Ces deux actes n’en sont qu’un, sous deux dénominations différentes. L’acte générateur unique, c’est le mystère de l’origine. Mystère des mystères. Porte par laquelle ont débouché sur la scène de l’univers, toutes les merveilles qui le remplissent.
La connaissance que l’homme a du principe universel dépend de l’état de son esprit. L’esprit habituellement libre de passions, connaît sa mystérieuse essence. L’esprit habituellement passionné, ne connaîtra que ses effets.
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On pétrit de la glaise pour faire des vases . C'est de son vide que dépend l'usage des vases .
Le Tao est à la fois le chemin à parcourir et la fin du parcours, la méthode et l’accomplissement.
Il n’y a pas à distinguer entre le moyen et le but, comme nous avons l’habitude de le faire.
A peine est-on engagé dans le chemin, qu’on l’a parcouru tout entier.
(page 14)
Il est un être d’origine inconnue, qui exista avant le ciel et la terre, imperceptible et indéfini, unique et immuable, omniprésent et inaltérable, la mère de tout ce qui est.
Je ne lui connais pas de nom propre. Je le désigne par le mot Principe.
S’il fallait le nommer, on pourrait l’appeler le Grand, grand aller, grand éloignement, grand retour (le principe de l’immense évolution cyclique du cosmos, du devenir et du finir de tous les êtres). - Lao-Tzeu
(page 22)
A quoi bon vouloir faire croire, avec ce qui ne prouve rien ? Quelle proportion ont, avec les mystères de l’au-delà, les rites et les offrandes ?
Les sens ne suffisent que pour l’observation superficielle, l’esprit seul pénètre et fait conviction.
Cependant le vulgaire ne croit qu’à ses yeux, et n’use pas de son esprit. De là les vains rites et les simulacres factices, pour lequel le Sage n’a que du dédain. - Tchoang-Tzeu, 32.
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Albert Camus et Jean Grenier : Découverte de la philosophie et de l'écriture (1955 / France Culture). Diffusion sur France III Nationale le 2 décembre 1955. Par Pierre Sipriot. Avec Albert Camus et Jean Grenier. Émission “Thèmes et controverses”. Présentation des Nuits de France Culture : « “Les grandes révélations qu'un homme reçoit dans sa vie sont rares mais elles transfigurent comme la chance, à l'être passionné de vivre et de connaître”, écrivait Camus dans la préface au livre “Les Îles” de son ami Jean Grenier, en 1959 : le professeur de philosophie qu'il a eu au lycée d'Alger à 17 ans, son ami pour toujours. Son influence est majeure sur le jeune élève, c'est lui qui lui confie un livre qui va le pousser à l'écriture : “La Douleur” d'André de Richaud. Camus lui fait lire ses premiers écrits ; il lui dédia son premier livre “L'Envers et l'Endroit”, “L'Homme révolté”. Dialogue entre ces deux écrivains et amis dans l'émission “Thèmes et controverses”, revue radiophonique des idées et des lettres, avec le producteur Pierre Sipriot. Albert Camus nous parle de son professeur, qui l'a passionné, de la lecture de son livre “Les Îles” qui est à l'origine de ses préoccupations d'écrivain, nous dit qu'un philosophe doit déranger les lieux communs. Jean Grenier nous parle de l'humanisme, de surnaturel, de divin, des racines célestes de l'homme, de courage, de la liberté ; qu'il préfère le sensible à l'intellectuel. “Nous avons commencé, en 1930, un dialogue qui n'est pas fini” écrivait Jean Grenier : une correspondance qui devait durer trente ans et n'être rompue que par la mort, l'accident du 4 janvier 1960 de Camus. Là, nous sommes en 1955, Camus est encore vivant, “L'Été” vient de paraître en 1954, écrit sous l'influence de Jean Grenier : « “L'Été” descend des “Îles” », comme il l'écrit. Il recevra le prix Nobel de littérature en 1957. Il nous lit le début de son livre “L'Étranger” et nous parle de “miséricorde” et de “douceur” : les derniers mots de cette archive. Éternel sur les ondes, comme dans ses livres, comme dans l'écriture. »
Source : France Culture
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