Malheureusement, tout cela va se finir la tête enfoncée dans la tourbe, recouvert d'une boue mêlée d'os d'animaux pas bien identifiés… On était pourtant prévenu… mais force est de constater que l'éditeur n'a vraiment pas bien fait son travail… Malgré l'odeur nauséabonde, on sent le talent… mais l'Olivier n'a pas su réitérer son bon coup du Chardon à l'héroïne avec ce Poireau bien pourri…
…
Après le succès de «
Trainspotting » de l'écossais
Irvine Welsh, il est normal et tentant d'en sortir des avatars, de surfer sur une vague… à lire le résumé, c'est clairement affiché…
Premier problème, avoir cette fois-ci traduit ce titre, et ceci de manière bien pauvre : l'original « Sheepshagger », littéralement « baiseur de mouton », doux sobriquet de nos délicieux voisins d'Outre-Manche pour désigner leurs faux-amis Gallois, n'aurait jamais dû se transformer en «
Ianto l'enragé », non jamais. En plus d'en modifier profondément le sens, ce titre détruit en jugeant la fragile ambiguïté que l'auteur veut instiller autour de son personnage principal.
Exit l'interrogation sur l'existence rousseauiste d'un « état de nature », dont la misère et l'apprentissage de la violence viendraient corrompre, éléments centraux de ce roman. Non, on nous le présente comme un « enfant sauvage », et on affuble la couverture d'un diable…
…
Toujours au rayon traduction, « l'argot des pubs gallois » promis n'est pas du tout rendu en français. On comprend bien la difficulté d'une telle entreprise, mais ici, rien n'a été tenté (bon… il faut dire que ça aurait pu être une déroute plus grave encore…). Les quelques mots et phrases en langue galloise dans le texte n'ont pas été traduits (sûrement comme dans l'original)… Au point où en est…
…
Le livre en lui-même alterne entre courts flash-backs de l'enfance de Ianto, dans un style très fouillé — ode romantique aux forces mystérieuses de la nature — conversations entre ses anciens amis tentant de trouver des raisons aux meurtres commis, et scènes importantes de sa vie adulte, introspectives mais dites à la troisième personne. La séquence de la rave-party est une grande réussite (yes, we speak from experience…), alors que d'autres s'abîment dans d'interminables dialogues (comme mentionné plus haut pas très bien rendus), à la limite de l'ennui (ce qui pourrait être volontaire… désoeuvrement de la jeunesse, etc.).
…
Comme annoncée, la violence est omniprésente, et s'étale dans la répugnance, en des descriptions carrément sordides, où la plume de Griffiths est indéniablement talentueuse pour frapper d'effroi. Ce genre de texte, ou de sujet, se déplaçant à jamais sur la corde raide, l'esthétisation de l'horreur étant toujours opposable (coucou
Gaspard Noé), bien que parfois nécessaire, le talent à même de transcender l'indescriptible.
…
Mais l'équilibre n'est pas tenu, les interrogations non assez fouillées, la structure abimée, le tout salement enterré par ce très mauvais travail d'un éditeur qui s'en sort normalement plutôt bien (même si certains fans de
David Foster Wallace auraient quelques mots à leur dire…), comme ces whiskies dont le goût de tourbe bascule dans l'exagéré, réservé du coup aux lécheurs de cendrier.