Alors les bases du débat auraient pu être assez simples, si le débat avait eu lieu. Fâcheuse tendance des pouvoirs en place. Prenez un mot. Celui qui concerne le sujet de ce livre : Réforme.
Une réforme… ou re-forme ? Si l'on considère que l'on met au rebut, à la casse, au grenier, aux oubliettes sacrées, l'objet, alors il s'agit bien d'une réforme.
Obsolescence décrétée et non votée… Mais bon, nous commençons à en avoir l'habitude. Participer, oui, à l'effort, et jamais à la réflexion.
Ère de la politique participative ? Elle fut également très vite... réformée.
Mais Thierry Grillet en homme de Lettres ne prend pas l'épée (oui d’ailleurs pourquoi nos chers académiciens et académiciennes ne se sont-ils pas manifestés à ce sujet ?…), mais il prend la plume et cela, avec fermeté.
Nostalgie, amertume, regret, indignation. « Le grec » et « le latin » doivent être sauvés ?
Le latin a su éveiller son intérêt d'apprentissage. Le grec a renforcé son appétit d'étudiant.
Alors oui, ce latiniste et helléniste a le droit de citer. Il a pu et su goûter les textes des penseurs romains, respirer les parfums de l'Olympe philosophale.
Pourquoi retirer de la tête de nos enfants ces huiles essentielles à nos pleines d'humanités ?
Le latin. Le grec. Lequel des deux mériterait d'être sauvé ? Mais les deux mon Capitaine ! Même si en ce moment nous avons tristement l'impression que le latin regarde le grec se noyer, en considérant que leurs destins ne sont pas liés…
Mais laissons l'état de l'Europe. D'ailleurs l'allemand également sera également réformé…
Autre sujet, quoiqu'en y regardant de plus près je pense que c'est un point qu'il ne faut pas non plus laisser de côté, surtout lorsqu'il s'agit de marche forcée.
L'enseignement du grec et du latin au collège est depuis longtemps grignoté, sapé, chaque tendance a voulu en croquer.
À coup de « manque de professeur » (quid du capes lettres classiques ?…), à coup de pénurie d'heures, à coup de pas assez d'élèves, à coup d'égalitarisme à comportement déséquilibré qui ne fait que couper les têtes qui dépassent et qui ne s'interroge jamais du nombre de têtes qui restent plantées en regardant leurs pieds.
Alors posons les questions telles que l'auteur les a posées à travers cet l'exposé de son essai.
L'enseignement du latin et du grec est-il condamné ?
Assurément selon l'auteur. Il est vrai que les deux disciplines disparaissent. Programme, postes, tout y passe. Leur enseignement, en tronc commun (ouf la revoilou Miss égalité) sera saupoudré, édulcoré, lénifié, dans les Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et… EC.
Le tout étant d'en perdre son latin, et là, déjà en cinq lettres c'est gagné.
L'idée n'est pas mauvaise, croiser, entrecroiser les disciplines (sauf que là le latin et le grec n'ont plus valeur de disciplines), émulsionner l'ensemble, mais le système éducatif est-il prêt, est-il formé ? Ce n'est pas nouveau. Je me souviens d'un temps, bon soit, un peu ancien, où je fus jeune élève de l'école publique et républicaine et où notre institutrice, vieille normalienne, nous faisait travailler autour d'un thème où les différentes disciplines trouvaient support à s'exercer. Au collège, à l'époque nous disions CES, il n'était pas rare non plus de travailler en français, en latin, en histoire, en géographie autour d'un même thème, d'ouvrir des ateliers. Donc nous savions le faire.
Nous savions apprendre de cette façon. En n'excluant rien, ni personne, et en ne lésant (presque) aucune matière. Alors pourquoi jeter à présent le latin et le grec à la mer ? Pour alléger la galère ?
L'enseignement du latin et du grec a-t-il un coût si important ? Représente-t-il un privilège ? Est-il un droit ? Un devoir ? Est-il garant d'un retour sur investissement ? Quel est l’intérêt pour l'élève et une société de conserver l'enseignement de ces disciplines ? Est-il l'ennemi du peuple ? Est-il un symbole de classe ? Est-il un symbole d'inégalité ? De futilité ? D'un dandysme culturel poussiéreux et démodé ? Comment demain les enfants de nos quartiers intégreront-ils l'école des Chartes ? Pourront-ils encore espérer accéder à la rue d'Ulm ?
Posons nous la question : cette réforme n'accentue-t-elle pas la notion de privilège, et ne ruine-t-elle pas la notion d'avantage ? Privilège pour certains, avantage perdu pour tous.
Si la république, garante de l'esprit laïc et égalitaire de son système éducatif, décide de saper d'elle-même les barreaux de l'échelle sociale (on ne parle plus d’ascenseur, celui-là aussi est réformé. Désolée, la ficelle est pétée) combien de citoyens demain auront le droit d'accéder dans une calme mesure à la réserve commune du blé ?
L'école est une chance. Un droit pour chaque citoyenne et citoyen. Un devoir pour l’État. Un avantage pour un pays. Et devient un privilège lorsque le niveau social des familles devient peu à peu une des conditions principales de la réussite de l'enfant.
L'état n'a plus les moyens de financer l'enseignement des élites ? Mais remettons les choses en place. L'état doit au contraire protéger ses élites, celles issues du Public et arrêter de faire de la place aux élites issues du système privé.
Prendre des décisions et cesser de réformer. Interdire le sponsoring du privé dans le privé. Interdire l'action des lobbying dans la sphère du public. Arrêter de se rendre complice d'une surconsommation des fournitures scolaires. S'interroger sur la surenchère des cours particuliers, des stages d'été. Le coup moyen institutionnalisé pour une rentrée scolaire de 6e est dans le public de 180 euros. Mais pourquoi faire ?… Le coup d'une valise de couteaux pour un débutant cuisinier est de 400 à 600 euros. Et ne parlons pas non plus des fournitures demandées aux apprentis coiffeurs, des stages non rémunérés qui suppriment des postes de travail rémunérés, des droits d'inscription démesurés dans le supérieur, etc. etc.
Les bibliothèques s'amenuisent dans les établissements. Mais la commandes des livres dans les familles ne cessent d'augmenter.
Tablettes, ordinateurs deviennent indispensables aux élèves. Tout cela a un coût. Pas pour l'école. Pour les familles. Un coût bien plus élevé que le coût nécessaire à l'enseignement de ces deux disciplines.
Les familles sont l'école. Affaiblir les familles, c'est affaiblir l’école.
On s'endette auprès des banques. Prêt étudiant. Attention danger. Voyez le débat aux USA en ce moment même justement au sujet du coût des études. De la folie, pure et simple.
Il suffit de voir les chiffres. Combien d'enfants issus du monde ouvrier intégraient Centrale en 1950, en 1960 ? Et combien aujourd'hui ? Alors bien sûr on ouvre des classes à Sciences Po pour les enfants des quartiers sensibles. Mais cela reste l'exception. Et c'est l'excellence qui doit être visée.
Et l'excellence dans une république doit être un projet d'ensemble et non une exception qui dissimule les règles d'un marché.
La réforme est passée. Les décisions restent à prendre. Pourquoi sauver Homère ? Pourquoi sauver Virgile ? Parce qu'ils sont les bases de nos humanités. Le plus grave pour finir ce n'est pas qu'ils disparaissent de la tête de nos écoliers, le plus grave c'est qu'ils ne seront peut-être remplacés par…rien.
L'antiquité grecque, l'occident classique ne sont apparemment plus d'actualité pour nos gouvernements. Soit, l'histoire est vieille comme le monde.
Alors proposons autre chose : la Mésopotamie ancienne, l'orient ancien, les empires orientaux, plongeons dans nos racines. L'arbre républicain a grandi et nos racines également.
Faut-il vraiment que peu à peu l’école de la république confirme ce que nous redoutons le plus ?
Une école maîtresse qui formait la liberté d'esprit de ses citoyens ou une école complice qui formate la tête des consommateurs à qui on ne garantit même plus de lendemain ?
Oui il faut sauver le grec et le latin, c'est en redécouvrant l’idéal humaniste, politique, philosophique et artistique de l’Antiquité, en rompant avec la pensée médiévale et l’assujettissement à Dieu, la Renaissance a établi les fondements de la pensée moderne.
Alors ne refermons pas le livre. Il faut débattre, c'est la grande leçon des Anciens.
Non reformatio ! Sed ….Renovatio !!!
« Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne ». Victor Hugo.
Alors si nous devons absolument nous enrichir que ce soit uniquement de cet enseignement.
Et cessons de nous demander à quoi servent le latin et le grec. Il faut servir, parfois, pour subsister, mais il faut toujours rêver d'être bien davantage pour exister.
Astrid Shriqui Garain
opération Masse crtique Babelio/ First document- 10.2015
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« Que sont donc les humanités ? Sinon ces balades dans ce pays étranger, très lointain parce qu'il n'existe plus sur la carte. C'est une sortie hors de soi, qui permet de revenir à soi. C'est dans ce détour que nous nous apercevons. C'est dans ce détour que nous nous comprenons. Dans l'intervalle, nous nous sommes transformés. Notre regard voit ainsi dans le présent, par moments, le palimpseste du passé. Comme lorsque nous considérons dans le sort de ces migrants africains qui se noient en Méditerranée, la face grimaçante d'une terrible Énéide contemporaine. Vaincus et jetés sur les routes comme les Troyens, ils ont connu l'horreur en Libye, en Syrie, au Nigeria ou au Mali. Mais eux n'ont pas la ressource qu'offraient aux héros virgiliens, les devins et les songes. Pour eux, pas de rêve. La mer est la continuation de l'horreur par d'autres moyens. Qu'est-ce que ces humanités – qui portent bien leur nom – peuvent nous dire de ce moment ? Je pense à une scène précise. Lorsque Énée et ses compagnons abordent Carthage, chez la reine Didon, ils tombent sur des bas-reliefs sculptés dans le marbre d'un palais. Ils y découvrent stupéfaits le récit de leurs malheurs en un véritable « film » de pierre. Ainsi loin de Troie, dans ce pays étranger, quelqu'un, ici, s'est soucié de leur sort. Virgile écrit alors : Lacrimae sunt rerum, « Il y a des pleurs pour toute chose ». C'est sans doute le rappel – qui devrait sonner à nos oreilles – que le premier signe de l'humanité, c'est cette capacité à l'empathie, à pleurer le sort de ces hommes. Pleurer, pas seulement comme un acte compassionnel et fugace, mais comme l'acte qui nous fait reconnaître la valeur de ces autres vies que les nôtres… Voilà comment le monde ancien continue de vivre en nous et de nous inspirer. » (pages 74-75)
« Pour le sociologue Christian Morel, les décisions absurdes, celles qui conduisent à la catastrophe, se reconnaissent à deux facteurs : d'abord un mauvais diagnostic qui embraye sur une mauvaise décision, et, plus grave, le maintien, contre toute logique et contre tout attente, de la décision. C'est depuis plusieurs années le cas. Comment expliquer autrement le peu d'effets « égalisateurs » ou
« émancipateurs » des réformes engagées ? Aussi je m'interroge. Ce collège qui m'a fait, avec son bloc de disciplines, avec ses défauts aussi, on veut continuer aujourd'hui à le défaire. Aujourd'hui, comme hier. Car, malgré les affrontements politiques, les élites et les experts qui se succèdent paraissent collaborer à la destruction de ce monde commun qu'est la culture, et en particulier, la culture classique. Pourquoi donc ? » (page 13)
« Abondante en énergie, [l'Antiquité] n'est pas répertoire de modèles – comme l'avait imaginée la Renaissance – mais réservoir de vie. » (page 94)
« L'éducation que les sociétés donnent à leurs enfants est en plein bouleversement, et ce bouleversement n'a pas été suffisamment réfléchi. Avides de performance économique, les nations, et leurs systèmes éducatifs, font piètre cas des compétences indispensables à la survie des régimes politiques libéraux. Si cette tendance se confirme les pays du monde entier produiront bientôt des générations de machines utiles plutôt que de citoyens accomplis capables de penser par eux mêmes, de critiquer la tradition, de comprendre l'importance des souffrances et des succès des autres. Il en va de l'avenir de toutes les démocraties du monde », écrit-elle. » (page 74)
« Quand on ne fait pas partie de l'élite, il ne suffit pas de savoir ce que savent les autres. Il faut savoir ce que ne savent pas les autres. N'étant pas héritier, il m'a fallu constituer un héritage, en quelque sorte « devant moi » et me singulariser. Voilà comment s'est développé le désir d'apprendre – comme une réplique du désir d'exister. » (page 12)
Thierry Grillet vous présente son ouvrage "Petit traité du geste : pour la beauté du sport" aux éditions Les presses de la Cité.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2987966/thierry-grillet-petit-traite-du-geste-pour-la-beaute-du-sport
Note de musique : © mollat
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