LES BABIOLES
Mon petit garçon avec ses yeux pensifs
ses gestes et ses mots tranquilles de grande personne
m’a désobéi pour la septième fois,
et je l’ai frappé, je l’ai renvoyé
durement sans l’embrasser,
car sa mère qui était patiente est morte.
Puis j’ai eu peur que le chagrin l’empêche de dormir
et j’ai été le voir dans son lit,
mais il était dans un profond sommeil
paupières battues et cils encore mouillés
de son dernier sanglot.
Alors, ému, je l’ai embrassé
et mes larmes remplaçaient les siennes,
car sur une table tirée à son chevet
il avait mis à portée de sa main
une boîte de jetons et une pierre veinée de rouge,
un bout de verre usé par la plage
et six ou sept coquillages,
une bouteille avec des campanules,
et deux sous français, le tout rangé avec soin
pour consoler son pauvre cœur.
Et ce soir-là, dans ma prière,
j’ai pleuré, j’ai dit à Dieu :
Ah, quand à la fin nous serons couchés sans un souffle
et que, morts, nous ne te blesserons plus
tu te rappelleras de quelles babioles
nous avons fait nos joies
et comme nous avons peu compris
ta grande loi de bonté.
Alors tu ne seras pas moins père
que moi dont tu as pétri l’argile,
tu laisseras ta colère, tu diras :
Voyons, ce sont des enfants.
(Coventry PATMORE)
D, j'ai décrit ton visage dans un poème
comme une si grande absence, je l'ai comparé
à une surface d'eau (...)
Je l'ai comparé à beaucoup plus, D,
plus que je ne m'en souviens, mais
ce poème je ne peux pas le retrouver.
(Rutger Kopland)
Innombrables ces chemins (vers Dieu) selon les races, les époques, les climats, les températures. Les textes rassemblés ici sont des empreintes laissés par des passants de ces chemins. Les poèmes sont souvent les empreintes de ce qui se passe dans l'homme.
(préface de Jean Grosjean)
Jean GROSJEAN – Dans l’univers de la Parole (Chaîne Nationale, 1956)
L’émission « Le poème et son image », par Pierre Emmanuel, diffusée le 12 avril 1956 sur la Chaîne Nationale.