S'émerveiller de tout, d'un rien, d'une plume ou de la forme étrange d'un nuage. Celui qui voit la beauté en toute chose est un homme riche qui prolonge indéfiniment les joies de l'enfance. Mais que faut-il pour que ce miracle advienne? Que nous faut-il pour ne pas perdre en cours de vie ce fabuleux trésor donné au départ?
Les années passent et l'on se demande ce qu'est devenu ce tout petit enfant qui riait en soufflant sur des fleurs de pissenlits. Est-il parti? Est-il mort? Non. Il est là. Il s'est simplement replié à l'abri du monde.
Et pour le retrouver, il suffit peut-être d'ouvrir un recueil de Jean Grosjean et de laisser sa lumineuse poésie se répandre en nous. Car d'un feuillage, d'une brise, le poète nous fait un monde accueillant et doux. Dans "
La lueur des jours", tout est comme au commencement, simple et pur. Ici, chaque poème enchante, nous menant peu à peu vers un apaisement, presque une consolation. Et si le poète est évidemment chrétien, sa poésie s'adresse à tous, croyants ou non croyants. Après tout, beauté et fragilité de l'instant ne sont-elles pas l'affaire de tous?
FRAGILITÉS
L'heure immobile comme un talus,
assise par terre avec les herbes mortes.
Tâches de soleil par terre entre les ombres.
Le remuement des feuilles en haut des arbres.
Pureté d'un ciel posé sur nous.
L'ongle de lune à peine visible en l'air.
Fragile la paix comme la beauté.
On n'entend plus vivre que l'âme.
Mais fragile l'âme, le peu qu'elle sait,
le peu qu'elle peut.
Poésie de la sagesse et de la maturité, Jean Grosjean aborde aussi la fin de vie qui approche et le grand questionnement auquel chacun doit faire face. Qu'avons-nous fait? Que laisserons-nous? Quelles traces?
"Je me retire en admirant
le sommeil sans fin des coteaux,
le tour quotidien du soleil
et l'air qui rôde sous les feuilles.
Je ne serai pas plus regretté
que je n'ai été attendu
excepté des buis de la tombe
où pleure la bise en hiver."
Nous ne sommes que grains de poussière au gré des vents, sous un ciel infiniment bleu, infiniment grand. Et si la conscience de notre finitude fait le poids et le prix de chaque instant, la poésie, quant à elle, lui donne son bel éclat furtif. Alors lire et relire, aux heures où notre ciel s'assombrit, "
La lueur des jours" de Jean Grosjean, y boire, y puiser de la force.
"Encore un jour, mon âme, encore un jour
la vie n'est qu'un matin de plus."