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EAN : 9782361399320
252 pages
Le Mot et le reste (17/02/2022)
4.11/5   9 notes
Résumé :
Lorsque le feu s'est mis à dévorer le ciel au Nord et que les hommes blancs ont multiplié leurs visites à la réserve, le clan de L'Homme qui Marche a vu son passé de colonisé ressurgir et les souffrances endurées par son peuple.

Hokee, fruit du viol de Yanaba par un général du Bureau des affaires indiennes, observe, depuis les falaises de Black Mesa, son clan se déliter sous les pressions d'une compagnie minière qui s'emploie activement à imposer son... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Tout commence par une solitude. Hokee est née d'une « semence égarée », celle d'un colonel aux boutons d'or qui a abusé de sa mère Navajo. Enfant damnée, elle grandit seule sur un piton rocheux occupée à scruter son peuple : le clan de l'homme qui marche.
Cela ressemble au début d'un western en pleine conquête de l'Ouest. Non, nous sommes presqu'hier, à l'ère des extractions de charbon et d'uranium. Les amérindiens de la région de Black Mesa vivotent tant bien que mal sur la terre des réserves octroyée de haute défaite quand le cataclysme survient.
Les terres sont riches en minerais et l'homme blanc les veut toutes…
Pas de Little Big Horn, mais une noria de camions et de foreuses, la poussière noire et acide qui assèche les sols, l'eau des rivières salie de poisons, l'alcool offert contre une place au chantier, le mirage des tripots et des billets verts.
Le clan de l'Homme qui marche doit partir. Hokee a réintégré son peuple, devenue Femme qui vole. Ils ne sont qu'une poignée à croire encore aux prophéties des étoiles, aux chants de la Terre.
La suite est celle d'un anéantissement. C'est à Moab que le clan a obtenu le droit de s'installer. Si l'horizon y est beaucoup plus court, l'air est encore pur, et le seul chantier est celui d'une route.
La communauté s'adapte, compte ses premiers morts, le premier enfant né, et commence à oublier sa langue. Femme qui vole est devenu June. Quand elle comprend le secret de l'homme blanc, il est déjà trop tard. Un autre chantier se cache à l'orée de la ville, happant les hommes rouges avant de les rendre exsangues. La maladie fauche, fait naître des enfants monstres, dénude les squelettes de leur chair, épuise les poumons. Point de poussière ici, l'ennemi se cache dans les effluves putrides des déchets d'uranium.
Il faudra 40 ans et l'extinction quasi complète du clan pour que Spring, l'enfant née à Moab accède aux tribunaux et obtienne la fermeture des mines et la reconnaissance des droits à la terre des aborigènes.
C'est donc enfin l'histoire d'une assimilation, le point final d'une culture immémoriale et libre.
L'auteure use de longues phrases ; pas ou peu de dialogues. La mise en page peut paraître ingrate. Son écriture tient de la mélopée, de l'incantation, un chant tellurique né de la disparition, de la perte, mais aussi un chant forgé au feu d'une ancestrale liberté.
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J'avais découvert Catherine Gucher avec son premier roman, Transcolorado. Roman largement récompensé et primé lors du Festival du premier roman de Chambéry en 2018. Dan, orpheline sauvage et volontaire, nous emmenait sur les routes du Colorado aux ciels changeants. Après un second roman autour de la révolution cubaine, l'auteure nous replonge dans l'ouest américain au coeur d'une tribu navajo.

Une grande héroïne
Hokee fait partie du clan de L'Homme qui marche, une tribu navajo de la réserve de Black Mesa. Cependant, elle vit à l'écart dans un abri rocheux comme tout enfant issu du viol de femmes indiennes par les Blancs du Bureau des Affaires Indiennes. Au cou, elle garde une pochette contenant le bouton doré de la veste du général qui a violé sa mère. Elle sait qu'un jour sonnera l'heure de la vengeance.
Dans les montagnes, les Blancs fouillent la terre sacrée pour en extirper le charbon, polluant la terre et la rivière.
Avec des cadeaux, de l'alcool et du tabac, les Blancs parviennent à tourner la tête d'une partie du clan. Mais les anciens, les « nés de semences perdues » et quelques valeureux indiens refusent les propositions malhonnêtes du BIA.
Leurs hogans (habitations) sont détruites pour construire une route permettant de faire circuler les camions de la Black Soul Coal Company, chargés des trésors de la terre des indiens.
Le chef Always, Hokee, Gini et Doli, Gad et Kilchii partent sur la route vers Moab, une autre ville de l'Ouest américain. Mais là non plus ils ne sont pas les bienvenus . Ils habiteront cinq ans dans des grottes. Jusqu'à se rapprocher du seul travail possible, pour les mines d'uranium de la Black Soul Coal Company!

Catherine Gucher nous plonge dans la culture, l'esprit navajo. Son récit dėploie les rites et légendes d'une tribu indienne et résume parfaitement la spoliation des terres indiennes et l'anéantissement d'un peuple. Toujours attentive à l'environnement, elle sait décrire une nature si chère au coeur des indiens.

La voix de cette jeune indienne, souillée par un sang étranger, porte la grandeur de ce roman. Elle clame ce langage imagé des indiens, utilisant la langue de la terre, de la nature pour décrire les activités des Blancs.

D'abord Hokee, une enfant isolée, mise au ban de la tribu sous la bienveillance de ses chefs, elle deviendra Fille du vent lorsqu'elle atteint l'âge de réintégrer son camp puis June quand elle travaillera au dispensaire de Moab. Mais au fond d'elle-même, elle sera toujours la même. Celle qui défend et honore son peuple et celle qui porte en elle la possibilité d'une vengeance.
Et cette force, cette origine, nous la ressentons dans chaque phrase.
Catherine Gucher donne à cette réalité brutale de l'histoire des États-Unis une dimension épique et sensible grâce à la grandeur et l'humanité de son personnage principal. Une humanité qui va jusqu'à me décevoir dans sa confrontation ultime avec son pire ennemi. J'aurais aimé plus de force, de rage dans ce face à face. Toutefois, June n'a pas la sauvagerie de Kilchii, son frère d'arme ou la folie de Doli. Mais ce point ne saurait remettre en cause mon coup de coeur pour ce roman.

Car l'auteur n'oublie aucun détail. Au-delà des morts, par les armes ou l'alcool, c'est toute une culture qui disparaît. Les enfants nés dans les réserves, américanisés ne connaissent plus les rites funéraires de leur peuple.

Heureusement, elle laisse aussi une voie vers l'espoir en commençant et terminant son roman avec le rappel de la nomination de Deb Haaland, une femme amérindienne, à la tête d'un ministère chargé des territoires et des ressources naturelles aux Etats-Unis. Puis de Wahleah Johns, une femme navajo, au poste de directrice du bureau de la politique et des programmes énergétiques indiens du Département de l'énergie des Etats-Unis.
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« L'orage a deux maisons. L'une occupe une brève place sur l'horizon ; l'autre, tout un homme suffit à peine à la contenir. » René Char, Recherche de la base et du sommet. »
Essentiel, une mise en abîme magistrale. Une effusion littéraire époustouflante.
D'ombre et de lumière, nécessaire, Poussières noires est un cri dans la nuit noire. Vibrant, un tour de force. Un regard qu'on ne lâche pas un seul instant.
Ce genre de livre qui ne laisse pas indemne tant il déploie une cruelle vérité.
Catherine Gucher enseigne la sociologie côté ville. Érudite et perfectionniste, son récit est de fait appuyé, précis et juste. N'oublions pas son admirable « Et qu'importe la révolution ? »
« Comment le malheur est -il arrivé ? Je ne saurais le dire. Ce que je sais, je l'ai capté dans la plainte modulée des plaines, jour après jour. »
Hokee est une jeune Navajo. Sang mêlé, sa mère Yanaba, violée par le Général Bouton d'Or. L'irrévocable arborescence ténébreuse et génocidaire. Peuple broyé, les résistances à corps et à cris. Les rituels piétinés par des jeeps en folie. L'appât d'alcool, de billets verts pour les uns, tortures et soumissions pour ceux « dont la nuit est longue et n'en finit pas. »
« Poussières noires » l'enfer noir, naufragés peuple-ombre, « mais n'oubliez pas que cette terre est notre mère sacrée et qu'il faut la protéger. »
On ressent une empathie stupéfiante pour Hokee, fuite survivance, le regard affûté, en partance avec quelques-uns de sa tribu, la vengeance aux abois.
« Combien de temps avons-nous marché ? Combien de jours se sont écoulés depuis que nous avons quitté Big Moutain ? »
Hokee est un symbole. La voie de la renaissance à la vie. Porte-parole d'une ethnie dont le halo fragilisé est de luttes et chaos.
« Poussières noires » éclairant, porte-voix entre L Histoire et la fiction. L'intelligence absolue d'une sociologue dévorée d'estime pour la narration.
Ce livre bleu-nuit est mémoriel. Un message pour ne pas oublier. Se rappeler de cette femme porte-drapeau au fronton des douleurs. Des intestines soumissions et d'une terre pillée, l'enfer noir. Un jour certain, des femmes témoigneront militantes, amérindiennes, comme le dit si bien Catherine Gucher : un espoir au-dessus de la clôture. le peuple navajo dans ce cercle de Poussières noires. Inestimable et perpétuel. Publié par les majeures éditions le Mot et le Reste.
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Poussières noires et un roman historique sur l'expropriation et l'exil du clan de L'Homme qui Marche, un groupe d'Amérindiens issu des tribus Navajos dans le Sud-Ouest des États-Unis dans la deuxième moitié du XXe siècle. Un épisode douloureux qui marque profondément Hokee, une jeune femme issue du viol d'une amérindienne par un général blanc du Bureau of Indian Affairs (BIA).

Les violences de l'État américain envers les populations autochtones ont déjà fait l'objet de nombreux essais et romans. L'originalité de Poussières noires est d'offrir un récit du point de vue d'une jeune métis, Hokee, qui se fera plus tard appeler June. Condamnée, comme tous les enfants issus d'une union avec un Blanc, à vivre en marge de la société navajo, elle est cantonnée à un rôle de spectatrice pendant toute la première partie du récit. Alors qu'elle vit seule dans un abri rocheux au creux d'une falaise, elle rêve de s'intégrer dans la communauté. Elle parviendra finalement à trouver sa place parmi ses pairs lorsque les menaces d'expulsion du BIA forceront son clan à quitte les montagnes de Black Mesa pour Moab, à l'Est de l'Utah.

Du début à la fin, tout est raconté à la première personne, du point de vue d'Hokee. Son personnage génère une réelle empathie : désireuse de s'intégrer, y compris dans le « nouveau monde » dominé par les Blancs, elle ressent un profond respect pour les traditions de son peuple et espère redresser les injustices dont sont victimes les Navajos à travers le dialogue plutôt que la confrontation.

Toutefois, le style de l'autrice, très contemplatif dans le premier tiers du roman, rend la lecture parfois assez laborieuse. Les descriptions de la nature environnante, caractéristiques des romans consacrés aux peuples amérindiens, ne sont pas suffisamment intégrées à l'action pour offrir du sens, et l'intrigue peine à décoller. Malgré une certaine accélération dans les derniers chapitres, on reste un peu sur sa faim après la scène de confrontation finale entre Hokee et son géniteur (ce n'est pas vraiment un spoiler car on la sent venir dès le début).

Sur le fond, Poussières noires offre une description assez précise des maux infligés au peuple navajo par les structures de l'État : pollution des cours d'eau suite à l'exploitation des mines, destruction de l'habitat traditionnel, alcoolisme, apparition de nouvelles maladies, conditions de travail déplorables dans la mine d'uranium de Moab, malformations infantiles… le tableau, quoiqu'extrêmement sombre, se conclut par une petite note d'espoir : la nomination par Joe Biden, en décembre 2020, de l'amérindienne Deb Haaland à la tête du département de la Sécurité intérieure, avec notamment pour responsabilité les ressources naturelles et les réserves indiennes. Une première historique.
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Nous assistons, impuissants, à l'expulsion d'une tribu Navajos par les autorités américaines. Comme en temps de guerre tous les coups sont permis pour anéantir un peuple et sa culture : empoisonnements, viols, appât du gain, destruction des habitations. Parmi les membres du clan certains résistent, d'autres trahissent mais finalement tous subissent. Nous assistons à la tragédie sous l'oeil de celle qui veille, Hokee la narratrice née du viol de sa mère par un gradé du BIA (Bureau des Affaires Indiennes). Hokee qui sa vie durant cherche à venger son peuple par le pouvoir des mots. Au-delà du souvenir des ancêtres qui l'anime, Hokee puise sa force dans l'amitié de Dolli, le rire de Teresa, la compassion de Davis et l'émancipation de Spring. Oui, malgré l'atrocité, ce roman est un cri d'espoir grâce à la beauté de certains personnages. Même si nous connaissons le triste sort des tribus indiennes, avec son style contemplatif, poétique et intrigant, Catherine Gucher, capte notre attention du début à la fin de l'histoire. Une fiction très documentée dont on ressort transformé. Dans le fond, n'est-ce pas le but de la littérature?
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critiques presse (1)
LeJournaldeQuebec
13 juin 2022
À travers ses personnages, dont plusieurs sont de la communauté des Navajos, elle plonge au cœur d’un ethnocide. Poussières noires est un roman-choc, qui montre tout de même une lueur d’espoir dans la noirceur suffocante.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
-Te souviens-tu Général Bouton d'Or de Grand-Père Dyl, qui a vu, bien avant nous, dans le noir de vos âmes ? Que sont devenus Niyol et Abiha enrôlés pour livrer leurs frères aux appétits avides de la Black Soul Coal Compagny ? Combien de morts avez-vous sur la conscience ? Combien t'ont-ils payé pour nous voler notre terre, empoissonner l'eau de notre réserve ? Comment croire à la loi du BIA quand nos familles ont vu l'acharnement que vos hommes mettaient à nous priver de notre bétail, à détruire nos hogans ?
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Pour la première fois de l'histoire une femme de notre peuple accède au somment de l’État, au Ministère chargé des territoires et des ressources naturelles.
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