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EAN : 9782130519775
368 pages
Presses Universitaires de France (15/01/2003)
5/5   1 notes
Résumé :
Ludwig Wittgenstein ne publia jamais qu'un seul livre : le célèbre Tractatus logico-philosophicus. Mais les nombreux cahiers et carnets auxquels il travailla tout au long de sa vie, y consignant, à perte de vue, d'innombrables " remarques grammaticales " -, tout cet inlassable travail avait en vue la rédaction d'un autre livre : une Grammaire philosophique que Wittgenstein ne parvint jamais à mener à bien.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
12

C’est à cette tâche philosophique de longue haleine que contribue
justement « la logique », dans la mesure même où celle-ci ne consiste, selon
Wittgenstein, qu’en un enchaînement de « tautologies » — c’est-à-dire
d’expressions qui ne sauraient être que « vraies » — et cela « a priori » :
antérieurement à toute « expérience » possible ». Ces « tautologies » ne sont en
effet en aucun cas des « propositions » qui, comme telles, puissent être dites
« douées de sens » (« sinnvoll »). Car des « propositions » sont susceptibles de
« valeur de vérité » : elles peuvent, par définition, être « vraies ou fausses » —
ce qui n’est manifestement pas le cas des « tautologies ». Et les « propositions »
ont bel et bien « un sens » susceptible de référence à certaines « dénotations »
(au sens frégéen : les « choses » et « objets » en tous genres auxquels sont censés devoir renvoyer comme « en dernière instance » tous les énoncés
propositionnels). Alors que les « tautologies », dont se compose « la logique »,
semblent devoir « se déduire » formellement les unes des autres, sans que nous
ayons à autrement à nous soucier à leur propos ni d’un « sens », ni d’une
« dénotation », puisqu’elles ne décrivent justement aucun « état de choses » du
monde. Les « vérités » de la logique manifestent donc tout simplement,
« exhibent » — en silence — ce qui constitue l’« armature a priori du monde »,
sans rien pouvoir « dire » (à proprement parler) des « états de choses » de celuici. Elles sont « vraies » (sans que d’ordinaire il y paraisse) quels que soient le
« monde » et ses « états de choses ».20 Ce qui signifie — à qui veut l’entendre —
que ces « vérités » ne sont jamais « vraies », si ce n’est d’une tout autre
« vérité » que de celle dont peuvent et pourront jamais (ou même auraient pu)
être dites « vraies » par ailleurs toutes autres énonciations possibles (empiriques
et scientifiques) d’« états de choses » du monde qui puissent être (« qui fussent
oncques » ou « qui eussent oncques été »). C’est aussi pourquoi « la logique »
ne saurait en soi réserver jamais « aucune surprise », ni ne saurait être
« infirmée » (ni « confirmée ») par rien au monde. Silencieusement « exhibée »
à même la « présentation synoptique » (avant la lettre) qu’en donnent, par
exemple, la formule de la « forme universelle de la proposition » (« montrée »,
au cœur du Tractatus, dans sa forme purement « fonctionnelle » au sens
frégéen)21, ou bien encore la « table » des « valeurs de vérité » afférentes aux
divers connecteurs du calcul des propositions22
—, « la logique » est ainsi à ellemême la manifestation de sa propre vérité » — laquelle ne saurait donc être le
moins du monde celle d’une « théorie » ni d’une « doctrine » particulière à
propos d’« états de choses » de ce monde (et qui eussent encore à « s’y
avérer »). C’est en quoi aussi, selon la silencieuse exhibition qu’en produit simplement le Tractatus, « la logique est transcendantale » 23 — à savoir : dans
la mesure même où elle ne saurait être affectée par les « vicissitudes de ce
monde », par la variation des « faits » et autres « états de choses » empiriques du
monde, au gré desquels fluctuent « doctrines » et « théories ». La « logique »
elle-même — telle que l’entend le Tractatus — est « transcendantale » dans la
stricte mesure où elle n’est pas une « théorie » ou une « doctrine » parmi
d’autres concernant les « états de choses » du monde, mais plutôt un « reflet » et
comme une « image-en-miroir du monde » — « ein Spiegelbild der Welt » :
La logique n’est point une doctrine, mais une image-en-miroir du monde
"ein Spiegelbild der Welt". La logique est transcendantale.
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2
Wittgenstein n’aura publié de son vivant qu’un seul ouvrage : le Tractatus — et
un seul article, de dimensions modestes : les « Some Remarks on Logical
Form » de 1929. Pourtant, il n’a cessé, depuis le début des années 1930, de
remettre en chantier les intuitions du Tractatus (dont la limpidité aphoristique a
pourtant prêté à malentendus) dans un patient travail de pensée qui en modifie
radicalement l’esprit, le style et la portée. Ce travail, à bien des égards
révolutionnaire et très déconcertant, vise à redéfinir fondamentalement la tâche
de « la philosophie », conçue comme « critique du langage » et comme
« grammaire philosophique ». De cet important fonds de manuscrits posthumes
de quelque 30.000 pages, d’un style le plus souvent aphoristique et aporétique,
et dont plusieurs liasses avaient été préparées par Wittgenstein lui-même en vue
d’une éventuelle publication — telles les remarques réunies sous le titre de
Remarques philosophiques, la Grammaire philosophique, et l’important
manuscrit (longtemps inédit) connu sous le nom de « Big Typescript », qui
datent du début des années 1930, ou encore les divers états des Investigations
philosophiques, auxquelles Wittgenstein travaillera jusqu’à l’extrême fin de sa
vie —, les éditeurs anglo-saxons ont publié à ce jour plusieurs volumes de
« Remarques philosophiques ».
Alors que le Tractatus vise à mettre au jour — en suivant le fil de
l’« analyse logique du langage » — ce qui pourrait n’être autre que la « forme
logique du monde », afin de parvenir à faire rigoureusement la part de « ce qui
peut être dit » et de ce qui « ne saurait être dit », mais peut seulement être
« montré » —, à la faveur d’une entreprise philosophique qui n’est pas sans lien
avec celle de la détermination d’une sorte de « limite » (et qui plus est :
« transcendantale ») de l’expérience possible (d’une tout autre nature, il est vrai,
que celle que met en œuvre l’entreprise « criticiste » de Kant) —, ce qu’on a
parfois appelé la « seconde » philosophie de Wittgenstein, celle des inédits, tente
de parvenir au même but, mais selon de tout autres voies. Il ne s’agit plus alors
de mettre au jour une fois pour toutes dans la « structure logique » du langage
quelque immuable « forme logique du monde », mais tout simplement de
« décrire », d’une façon quasi « ethnographique » et qui ne saurait par définition
être exhaustive, l’inépuisable variété des « jeux de langage » auxquels se prêtent
les diverses « formes de vie » des humains ; — et de montrer par là-même à
quelles illusions, ou du moins à quelles inextricables difficultés, certains jeux de
langage de prédilection peuvent exposer à leur insu ceux qui se méprendraient à
leur sujet en en méconnaissant le mode d’emploi tacite, les « règles » et la
« grammaire » implicites.
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4

Le langage : miroir du monde
Ce que le linguiste ou le philosophe du langage, mais aussi le
métaphysicien et le savant (et le professeur de philosophie !) — probablement
aussi le simple lecteur, voire le critique littéraire et l’écrivain de notre temps —
sont sans doute seulement en droit d’attendre de Wittgenstein, ce n’est pas tant
la mise à leur disposition d’un attirail méthodologique, ni d’un quelconque
appareillage théorique de concepts supposés devoir être d’ores et déjà
opératoires, concernant la tâche difficile et de longue haleine de la description
des faits de langage. C’est bien plutôt toute une inspiration possible concernant
la prise en considération de la diversité inextricable d’aspects sous lesquels cette
tâche indéfiniment recommencée peut encore être entreprise et menée à bien à la
faveur d’un regard neuf. Il importe pour cela de prendre patiemment la mesure
de la véritable mutation survenue dans le « mode de considération » du langage au cours du cheminement accompli par Wittgenstein, depuis la « logique »
philosophique du Tractatus jusqu’aux « remarques grammaticales » de la
« grammaire philosophique des jeux de langage » propre aux patientes
investigations des Inédits.
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6

Faire ainsi la part du dicible et de l’indicible dans le langage engage le
philosophe dans cette tâche paradoxale d’avoir à faire paraître à même la
« forme interne du langage » les linéaments d’une « forme logique du monde »,
laquelle prescrit à celui-ci, tout à la fois, sa propre condition de possibilité
« transcendantale » (encore qu’en un sens inédit), et constitue tout simplement
ce qui serait — ipso facto — la « limite interne » du monde et, tout ensemble, la
« limite interne » du langage.
C’est à cette fin que les premiers aphorismes du Tractatus introduisent,
avec une laconique sobriété, les mots-clés nécessaires à une description — ou
plutôt à une discrète (et presque initiatique) exhibition — de la « structure
logique du monde » : Le « monde » est d’entrée de jeu réduit à « tout ce qui est
le cas » — la « totalité des faits », et non pas « des choses » — ; le « fait » est
« l’existence d’états de choses » — ; la « chose », ou l’« objet », qui, en dernière
instance, constitue toute « la substance du monde », se définit comme le système
de ses propres « occurrences » possibles à l’intérieur d’« états de choses » — ;
les « états de choses », enfin, sont des « liaisons d’objets ». — L’« espace
logique » constitue le système a priori des « possibilités » d’« états de choses »
(donc aussi de « connexions d’objets ») dont l’« existence » factuelle, en chaque
point du système des possibles, « est le cas », ou « n’est pas le cas ». C’est sur la
toile de fond (ou le « canevas ») de cet « espace logique », celui des « états de
choses possibles », que les « faits » et « états de choses » qui, à chaque instant,
« sont (ou ne sont pas) le cas », viennent dessiner (pour ainsi dire en temps réel)
une totalité de configurations « réelles » — qui est « le monde ». Celui-ci n’est
donc plus comme dans la représentation courante la totalité « des choses » (ou
des « objets »), mais plutôt la configuration changeante des événements réels
tels que précisément situés dans le « canevas » de l’« espace logique » (des
possibles).
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11
C’est aussi pourquoi « la philosophie », selon la doctrine du Tractatus, ne
saurait justement être (ni avoir été) ni de l’ordre des « sciences de la nature », ni
non plus de l’ordre de la « psychologie » empirique (qui y ressortit strictement).
Elle ne « décrit » aucunement les « états de choses » de quelque « nature » que
ce soit, « physique » ou « psychique », supposée. Elle n’est donc pas une
« théorie », que l’on puisse supposer susceptible de « vérifications » empiriques
au contact de quelque « état de choses » du monde que ce puisse être. La
philosophie selon Wittgenstein est une « activité » — et non point une
« doctrine ». Sa tâche est tout au plus une activité d’« élucidation » —
d’« Erläuterung » : « l’éclaircissement logique des pensées ». Elle n’établit
point (ni n’a plus à établir) de « propositions » concernant les « états de choses »
du monde. C’est aussi pourquoi les articles dont se compose le Tractatus ne sont
au fond nullement des « propositions », mais bien plutôt — stricto sensu — des
« aphorismes », c’est-à-dire autant de subtiles « délimitations d’horizons », qui y
jettent autant d’« aperçus sur l’essence du monde ». La philosophie, ainsi
entendue « comme critique du langage », ne fait jamais que « clarifier » et
« éclaircir » — et de façon presque « lustrale » ! — le sens de telles ou telles
« propositions », y faisant « remarquer » le discret filigrane de la « forme
logique du monde ». Mais, ce faisant, la tâche de la philosophie est donc bien
aussi, ipso facto, une tâche « critique », au sens quasi kantien du terme : elle
doit « séparer » et « délimiter » — faire strictement la part du clair et du confus,
du pensable et de l’impensable, du « dicible » et de l’« indicible », à même la
silencieuse ostension de « la limite interne du langage ».
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