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Serge Gaubert (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070417582
408 pages
Gallimard (07/03/2001)
4.21/5   57 notes
Résumé :
Si peu de mots pour un poème. Si peu pour dire pleinement le refus ou l'accord, l'évidence ou le secret. Guillevic sait capter et transmettre. Tout signe venu des êtres et des choses, il en fait un éclair, une force d'éveil de la réalité. Pour lui, les mots sont les messagers lapidaires du monde. Ils surgissent du souffle des pierres, du frémissement des arbres, de l'effroi des bêtes abandonnées et du combat incessant des hommes. Guillevic sait d'un seul mot accueil... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
L'art poétique de Guillevic n'est pas un livre de poèmes où l'auteur dévoilerait ses secrets et techniques de métier et de fabrication : la poésie est un langage, et aussi une manière de regarder le monde et de l'habiter. C'est donc un art de vivre, un art de regarder, un art de parler aux choses du monde, un art de rêver, - en somme tout ce qui fait la manière poétique qu'ont les hommes de séjourner dans le monde.
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Aux côtés de deux quasi-réflexions théorique et pratique, mises en poésie, sans doute l'un des textes les plus décisifs de Guillevic : « Paroi ».

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/04/27/note-de-lecture-paroi-art-poetique-le-chant-guillevic/

Rarement un poète aura pris sur lui, comme le fait Guillevic dans cette publication de 1970, de tenter le tissage du monde entier, et de la vie elle-même, autour d'une unique métaphore – a priori inattendue – qu'il va s'agir de ramifier, de sensibiliser et de hausser sans cesse au fil de ses 120 pages (l'une de ses oeuvres les plus longues, nettement, écrite d'un seul tenant ou presque).

Dans ce qui débute comme une confidence, presque finale et visiblement obligatoire, la question de la paroi orchestre aussi bien une interrogation métaphysique rare (celle à laquelle s'attache principalement, par exemple, Yvon Quiniou dans son bel article de 2019, ici) que la mise en scène approfondie d'un espace de relations et d'interlocuteurs (ce qui n'aura pas été fréquent dans l'oeuvre du poète, si ce n'est sous plusieurs formes dissimulées) – ce que soulignait Isabelle Chol dans son « Guillevic et la langue » de 2007, à lire ici -, Guillevic ne perd pas un instant de vue, bien au contraire, que le langage poétique sert aussi et peut-être surtout à dessiner, avec vents et marées et contre effets de mode et renoncements, un espace combattant permanent, un lieu guerrier sans cruauté où le politique et l'intime étroitement s'entrelacent et où la quête d'un verbe juste et fort permet d'entretenir toujours une flamme, sans repos et sans relâche.

Plus l'on se laisse inviter dans la poésie de Guillevic, construite sur près de soixante années, en cédant doucement aux injonctions plus ou moins feutrées de la Moitié du Fourbi, de Jérôme Leroy, ou d'André Rougier, pour ne citer que quelques-uns, proches, des guides et incitateurs possibles, plus on réalise sans doute possible à quel point le questionnement personnel et la lutte – sous des formes naturellement évolutives – sont indissociables. Et dans cette quête, il s'agit aussi d'accepter – peut-être même de chérir – les oscillations et les trébuchements qui viendraient justement de l'avancée même. Ou en d'autres termes, comme le résumait Guillevic lui-même (et merci au collectif La Villa Mais d'Ici pour ce rappel) : « Paroi a été une expérience, presque métaphysique. Je suis très heureux quand je fais un long poème, c'est le moment où je suis le plus heureux, je ne pense plus qu'a ça… Paroi est un poème : dans une telle suite, il y a forcément des temps plus forts que d'autres, mais je ne suis pas pour un poème qui soit fait uniquement de temps forts, il faut qu'il y ait des descentes, des paliers, des remontées, une sinusoïde, une composition musicale… C'est le cas dans Paroi. »

Neuf ans après « Carnac » et sept ans après « Sphère », à une époque qui a désormais connu une révolte mondiale aux lendemains complexes entre vertiges inaboutis d'un flower power, grèves exubérantes et contorsions sans doute si vite oubliées, entre paroxysmes mortifères et enterrements de deuxième classe, l'espace ici délimité et pourtant furieusement ouvert, face au granit métaphorique, témoigne d'une fougue intacte, renouvelée même.

Après presque trente ans, alors, de cheminement poétique, Guillevic poursuit inlassablement un questionnement, refusant patiemment les effets de fatigue individuelle et collective, repoussant plus ou moins vigoureusement les sirènes susurrant que le combat est passé d'actualité, qu'il n'intéresse plus personne, pour continuer à cheviller, à tennoner et à mortaiser au long d'une paroi qui sans cesse se dérobe, se déguise, feint l'évanouissement pour mieux permettre à notre ennemi intime et politique de nous tromper quant à la cible de nos actes. Et c'est ainsi que cette poésie, avec son langage conçu et forgé pour dissiper les brumes, continue à nous soutenir et nous éclairer, bien des années après sa composition.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Comment peut-on ranger des mots si superbes sur une étagère ?

J'ai été soufflée par le chant des mots de Guillevic : tout est à sa place propre et chaque idée semble si naturelle qu'à l'instant où on la découvre elle fait partie intégrante de nous depuis toujours. Si les mot employés sont quotidiens leurs associations particulière ce quelque chose de tout à fait nouveau. Sa poésie est profondément instinctive et sensitive, j'aime quand un texte parle autant à mes sens qu'a mon intellect. Je retrouve quelque chose de Michaux, que Guillevic cite d'ailleurs à plusieurs reprises (ce qui m'a rassuré : si même l'auteur assume la filiation je ne suis pas en train de me monter un film haha).

C'est un magnifique ouvrage que je conseillerai à tous ceux qui cherchent une porte d'entrée dans la poésie, un point pour (re)prendre contact avec cette langue si particulière, avec le langage de l'image. Il a été très prolifique et j'ai hate de me plonger dans ses autres écrits.



J'ai véritablement ressenti la Paroi qu'il nous expose dans une réflexion sur l'espace, sa finitude et la notre.

J'ai voulu chanter à tue tête dans le Chant (troisième partie de mon édition).

Je possède ce recueil, comme souvent, dans la collection Poésie de Gallimard. Cette fois aucun soucis à rapporter, le texte respire à merveille dans la page ce qui permet de le dévorer : je n'ai mis que quelques heures à engloutir les 400pages de l'ouvrage.

Et puis un poète Breton avait forcément ma tendresse 😉 !
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Je ne sais comment vous parlez de Guillevic tant je comprends au plus profond de moi ses poèmes, ses interrogations, sa construction, son esprit, sa vision du soi, intime. Ici, Paroi, Art Poétique et le chant. C'est Art Poétique qui, pour moi, est une grâce ! Je ne citerai que ce cours poème qui fera sans aucun doute écho à tous ceux qui écrivent. Pour ceux qui rêvent d'écrire sans oser peut être alors c'est encourageant, enthousiasmant : "Si je n'écris pas ce matin
Je n'en saurai pas davantage,
Je ne saurai rien
De ce que je peux être." Franchement les amis, ne me dites pas qu'en lisant ces quelques vers vous n'avez pas envie de vous y mettre !
(Parfois ça me fait penser à Bobin... dans le regard porté sur la nature)
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C'est une invitation à l'écriture poétique qui m'a donné envie de me plonger dans ce beau recueil de poésies, d'écouter car « comme certaines musiques, le poème fait chanter le silence… »
Dans ma jeunesse, j'ai compris le pouvoir des mots avec Guillevic. J'aime sa concision. Celui qui a écrit « le poème Nous met au monde. » a participé à mon éveil littéraire. Il a aussi écrit « La poésie, c'est le langage pour connaître la vie, pour la toucher, pour la sentir ».
A lire et à laisser traîner sur sa table de chevet…

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Citations et extraits (107) Voir plus Ajouter une citation
Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Il t’arrive des mots

Des lambeaux de phrase.

Laisse-toi causer. Écoute-toi

Et fouille, va plus profond.

Regarde au verso des mots

Démêle cet écheveau.

Rêve à travers toi,

À travers tes années

Vécues et à vivre.



Ce que je crois savoir,

Ce que je n’ai pas en mémoire,

C’est le plus souvent,

Ce que j’écris dans mes poèmes.



Comme certaines musiques

Le poème fait chanter le silence,

Amène jusqu’à toucher

Un autre silence,

Encore plus silence.



Dans le poème

On peut lire

Le monde comme il apparaît

Au premier regard.

Mais le poème

Est un miroir

Qui offre d’entrer

Dans le reflet

Pour le travailler,

Le modifier.

— Alors le reflet modifié

Réagit sur l’objet

Qui s’est laissé refléter.



Chaque poème

A sa dose d’ombre,

De refus.

Pourtant, le poème

Est tourné vers l’ouvert

Et sous l’ombre qu’il occupe

Un soleil perce et rayonne,

Un soleil qui règne.



Mon poème n’est pas

Chose qui s’envole

Et fend l’air,

Il ne revient pas de la nue.

C’est tout juste si parfois

Il plane un court moment

Avant d’aller rejoindre

La profondeur terrestre.
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Si je fais couler du sable
De ma main gauche à ma main droite,

C’est bien sûr pour le plaisir
De toucher la pierre devenue poudre,

Mais c'est aussi et davantage

Pour donner du corps au temps,

Pour ainsi sentir le temps

Couler, s'écouler

Et aussi le faire

Revenir en arrière, se renier.

En faisant glisser du sable,

J'écris un poème contre le temps.
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J'ai l'habitude
De me considérer

Comme vivant dans les racines,
Principalement celles des chênes.

Comme elles
Je creuse dans le noir

Et j'en ramène de quoi
Offrir du travail

A la lumière.
***

Dans le poème
On peut lire

Le monde comme il apparaît
Au premier regard.

Mais le poème
Est un miroir

Qui offre d'entrer dans le reflet

Pour le travailler,
Le modifier.

- Alors le reflet modifié
Réagit sur l'objet
Qui s'est laissé refléter.
***

Je vois bien que j'existe
Pour l'océan

Alors qu'il me traduise
En palourdes, berniques,
En vagues, en rochers,

Je n'en serai pas amoindri
Bien au contraire
***

Il y a un trou
Dans le nuage
Qui occupe le ciel

Et cela me donne
Encore plus envie
D'écrire le poème
Qui cherche à travers moi.
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Être
Où et quoi ?

N'importe où,
Mais pas rien qu'en soi.

Être dans le monde.
Fragment, élément du monde.

Supérieur à rien,
Pas à quiconque, pas à la pluie qui tombe,

Se sentir égal
Et pareil au pissenlit, à la limace,

Inférieur à rien,
Ni au baobab, ni à l'horizon,

Vivre avec tout
Ce qui est en dehors et en dedans,

Tout ce qui est au monde,
Dans le monde.

Fétu de paille, non !
Cathédrale, non !

Un souffle
Qui essaie de durer.

p.315-316
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ART POÉTIQUE


Tu sais qu'en écrivant
Tu vas apprendre.

Si tu croyais ne rien apprendre
Tu n'écrirais pas.

Chaque fois
Tu sais que tu vas saisir
Un embryon de définitif.

Tu ressemble
Au pêcheur qui attend

De tenir bientôt
Du vivant.

p.243
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Vidéo de Eugène Guillevic
VICTOR POUCHET - LA GRANDE AVENTURE - 18 questions sur la vie et la poésie
« le fil c'est peut-être une histoire très simple : tragi-comédie en cinq actes et deux personnages. L'un régulièrement menace de partir. L'autre se contente d'écrire des poèmes, dans l'espoir absurde de l'en empêcher. » Dans le roman-poème La Grande aventure, Victor Pouchet déroule une histoire à la fois bouleversante et légère en vers : une rencontre, des micro-aventures qui prennent des proportions de l'univers, des angoisses cosmiques, chansons tristes et verres de vin. Cette conférence-performance est l'occasion de traverser le livre et l'aventure de son écriture à travers une série de questionnements poétiques (ou presque) qui concerneront entre autres choses l'hypnose, Georges Perros, les récits épiques, Eugène Guillevic, les imprimantes laser avec option wifi, le doute et les chips au vinaigre.
À lire – Victor Pouchet, La grande aventure, Grasset, 2021.
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