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Alors que tôt ce matin de 1899, le boutiquier Hassanali se rend à la mosquée de sa petite ville d'Afrique orientale pour faire l'appel de la première prière du matin, il découvre avec stupéfaction, tel un mirage surgi du désert, la silhouette titubante du premier mzungu – « blanc » en swahili – qu'il ait jamais vu. Seul, à pied et sans bagages, l'homme « couverts de traces d'entailles et de piqûres d'insectes » s'écroule au bout de ses forces. Il a été dévalisé et abandonné par ses guides lors d'un voyage en Abyssinie. Bientôt remis sur pied par son hôte, cet Anglais qui s'appelle Pearce et se montre plus ouvert que ses semblables, bravant les conventions autant locales que coloniales, devient l'amant de la soeur d'Hassanali, scellant ainsi sans le savoir, puisqu'il ne devait pas tarder à reprendre ses esprits et à rentrer en Angleterre, le destin maudit de plusieurs générations métisses à venir.


C'est un demi-siècle plus tard, dans l'archipel du Zanzibar pour peu de temps encore sous la tutelle coloniale britannique, que le scandale refait abruptement surface, quand le narrateur et collégien Rashid voit son frère Amin se heurter dramatiquement à l'ostracisme qui frappe la descendance de la belle maîtresse indigène abandonnée. Vague alter ego de l'auteur, le jeune homme finira par partir faire ses études au Royaume-Uni avant de s'y retrouver durablement coincé par les troubles entourant l'indépendance du Zanzibar. Son récit marqué par la mélancolie et par la culpabilité se déploie sous le signe de l'abandon souligné par le titre original. Amours trahies et délaissées, pays abandonné à son sort par la débâcle coloniale, famille quittée pour un exil sans retour, l'histoire narrée nous plonge avec subtilité dans l'empreinte laissée par le colonialisme sur les populations locales, au coeur des déchirements vécus sur la ligne tectonique entre cultures et continents, et en confrontation directe avec le racisme :


« C'est la faute à l'esclavage, voyez-vous. À l'esclavage et aux maladies qui les minent, mais à l'esclavage surtout. Esclaves, ils ont appris l'oisiveté et la dérobade. Ils ne peuvent plus concevoir de s'impliquer dans le travail, d'assumer des responsabilités, même contre paiement. Ce qui passe pour du travail dans cette ville, ce sont les hommes assis sous un manguier à attendre que les fruits murissent. Regardez ce que la compagnie a fait de ces terres. Les résultats sont impressionnants. Des cultures nouvelles, l'irrigation, l'assolement, mais il a fallu pour y parvenir radicalement changer les mentalités. »


« C'est étonnant, n'est-ce pas, que ces gens aient vécu pendant des siècles sans avoir recours à l'écriture (...). Tout s'est transmis oralement. Il leur a fallu attendre que monseigneur Steere arrive à Zanzibar dans les années 1870 pour que quelqu'un songe à produire une grammaire. Je pense ne pas me tromper en disant que cela vaut pour toute l'Afrique. C'est stupéfiant qu'aucune langue africaine n'ait été écrite avant l'arrivée des missionnaires. Et je crois bien que dans nombre de ces langues, le seul ouvrage existant est la traduction du Nouveau Testament. Incroyable, non ? Ils n'ont même pas encore inventé la roue. Cela donne une idée du chemin qui leur reste à parcourir. »


« (...) j'en vins à me considérer avec un sentiment croissant de déplaisir et d'insatisfaction, et à me voir avec leurs yeux. À me regarder comme quelqu'un qui mérite l'antipathie qu'on lui porte. J'ai d'abord cru que c'était à cause de ma façon de parler, parce que j'étais médiocre et maladroit, ignorant et muet (...). Puis j'ai pensé que c'était à cause des vêtements que je portais, des vêtements bon marché, sans allure, pas aussi propres non plus qu'ils auraient pu l'être, et qui peut-être me donnaient l'air d'un clown ou d'un déséquilibré. Mais les explications que j'essayais de trouver ne m'empêchaient pas d'entendre les paroles offensantes, le ton irrité dans les rencontres au quotidien, l'hostilité contenue dans les regards fortuits. »


Jusqu'alors peu connue en France, l'oeuvre d'Abdulzarak Gurnah lui a valu le prix Nobel de littérature en 2021, ce qui a enfin motivé la réédition de ses livres traduits en français : une des plus grandes plumes africaines, toute en profondeur et en empathie, à découvrir sans faute pour casser les stéréotypes et, selon les termes du jury, « ouvrir notre regard à une Afrique de l'Est diverse culturellement, mais mal connue dans de nombreuses parties du monde ». Coup de coeur.

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Nouveau coup de coeur avec Gurnah, j'ai vraiment hâte que paraissent de nouvelles traductions de ces romans.

Toujours les thèmes de l'identité, de la singularité et la richesse des cultures, des traces et blessures laissés par le colonialisme, des frontières mentales qui ne se franchissent jamais.
Ici, c'est par l'intimité d'une famille et sur le long temps de son histoire que ces thèmes sont abordés, à travers plusieurs générations.
J'ai adoré la première partie, au tournant du siècle à Zanzibar, où le quotidien du timoré commerçant Hassalani se voit perturbé par l'arrivée d'un "gwunzu", un Européen blessé, que sa soeur va soigner et dont elle va, perturbation ultime, tomber amoureuse. En donnant la parole à tour de rôle à chacun: Hassinili, sa soeur Rehana, l'Anglais recueilli et son supérieur, Gurnah redonne grâce à l'intelligence de sa plume toute l'intensité du réel à cette colonie cosmopolite du bout du monde, et met en relief avec une précision chirurgicale l'impossibilité de concilier les regards des locaux et des dominants, tout en faisant voler en éclats cette barrière infranchissable avec l'amour impossible de Rehana et Pearce. Cette partie-là est une magistrale leçon d'ouverture et de tolérance, un vrai bonheur à lire.
Puis la parole est donnée aux descendants, ceux qui partent et ceux qui restent, tous marqués jusqu'au fond d'eux-mêmes par l'éducation reçue, les interdits appris et les mantras sociaux subis, et pourtant chez chacun Gurnah met en relief avec une finesse exquise la singularité de leur personnalité propre, transcendant toutes les dominations tout en préservant les cultures.
Un prix Nobel vraiment mérité, qui porte haut la part d'universel qui caractérise (la plupart du temps) l'esprit de ce prix.
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Petit topo d'histoire-géo pour comprendre Abdulrazak Gurnah et son roman Adieu Zanzibar. Situé à une quarantaine de kilomètres de la côte d'Afrique de l'Est, l'archipel de Zanzibar a été soumis au cours des siècles à de multiples colonisations. Sa population est un melting-pot métissé de peuples originaires des quatre coins de l'Afrique, du Moyen-Orient, de l'Inde et de l'Europe. Zanzibar a été un sultanat indépendant jusqu'en 1890, puis un protectorat britannique jusqu'à une nouvelle indépendance en 1963. Une indépendance éphémère : après un coup d'État communiste en 1964, Zanzibar est intégré au Tanganyika, au sud du Kenya. le nouvel Etat a pris le nom de Tanzanie.

Né à Zanzibar, Abdulrazak Gurnah a quitté son île en 1968, à l'âge de vingt ans, pour suivre des études littéraires à Londres. Il est resté par la suite en Angleterre, où il a mené une carrière d'universitaire et d'enseignant. Auteur de plusieurs romans écrits en anglais, il était peu connu en 2021, lorsque le prix Nobel de littérature lui a été attribué. Adieu Zanzibar est la traduction récente en français d'un roman publié en anglais en 2005 sous le titre Desertion.

Le roman est divisé en trois parties. La première prend place en 1899, dans une petite ville côtière du Kenya. Tout semble délabré, à l'abandon. Un voyageur britannique blessé est recueilli par une famille locale modeste, dévouée, soumise, un peu obséquieuse. Faisant à l'inverse preuve de morgue et de suffisance, l'administrateur du protectorat prendra en charge son compatriote, désireux de lui offrir un confort digne d'un Européen. Mais les distances de classe et d'origine n'empêchent pas les romances…

La deuxième partie se déroule à Zanzibar tout au long des années cinquante. L'île est resplendissante. Dans une famille locale, le père et la mère sont tous deux enseignants à l'école du protectorat. Pratiquant un islam fervent, ils se montrent aussi très soucieux de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas. Ils élèvent avec ambition leur fille Farida et leurs deux fils, Amin et Rashid. Une petite bourgeoisie autochtone, cultivée mais rigoriste, résolue à n'entretenir aucune relation sociale avec la grande bourgeoisie coloniale, qui vit luxueusement.

La dernière partie est consacrée à Rashid, parti en Angleterre au début des années soixante pour des études de haut niveau. On comprend que Rashid est le double de l'auteur. Admis dans une université londonienne, il est confronté à la condescendance de ses condisciples à la peau blanche. Après l'obtention de son diplôme, il s'installera comme enseignant dans une petite ville du sud de l'Angleterre. L'accomplissement d'un enfant des colonies ?

Par le biais d'une correspondance tardive et affective avec son frère Amin, Rashid prendra connaissance des événements douloureux qui ont suivi l'indépendance de Zanzibar. Coup d'État, saccages, arrestations. Tensions et tueries raciales, exacerbées par les infiltrations et les manipulations exportées par l'ancien empire soviétique.

Amin révèlera aussi à Rashid son grand amour de jeunesse pour Jamila, une femme divorcée plus âgée que lui. Une relation clandestine torride dont tu auras lu les détails, lectrice, lecteur, dans la deuxième partie du roman. Un amour jugé inconvenant par les parents, en raison d'une liaison évoquée dans la première partie du livre et ayant fait scandale soixante ans plus tôt.

Un livre dont on ne perçoit le sens nostalgique que lorsqu'on arrive à la fin. Les deux premières parties se lisent agréablement, les personnages sont décrits dans toute leur sensibilité, mais j'ai eu du mal à comprendre où l'auteur m'emmenait. Abdulrazak Gurnah grave joliment et poétiquement les souvenirs d'une enfance heureuse, de promenades rêveuses autour de plantes luxuriantes et de vestiges d'anciennes civilisations.

Mais « il étouffait ici, disait-il : l'obséquiosité des rapports sociaux, la religiosité qui relevait d'un autre siècle, les mensonges sur l'histoire ». Il s'en veut toutefois d'être parti loin de ceux qu'il chérissait, de les avoir abandonnés. Une manière de désertion qui le hante.

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Comme dans ses autres romans que j'ai lu, Abdulrazak Gurnah nous amène en Afrique de l'Est, et à Zanzibar, et nous propose un récit choral, sur plusieurs générations, qui à la fois évoque des destins individuels, et l'histoire de la région, les destins individuels illustrant d'une manière plus large ce qu'a pu vivre l'ensemble de la population.

Le premier récit débute à la toute fin du XIXe siècle. Hassanali, un commerçant qui fait office de muezzin, découvre un homme en très mauvais état devant la mosquée. Il le fait ramener chez et essaie de lui faire dispenser les premiers soins. Mais l'homme est Anglais, et très vite il sera récupéré par l'administrateur colonial. Mais le contact avec la famille d'Hassanali a été établi, et
Martin Pearce, l'Anglais en question, va tomber sous le charme de la soeur de Hassanali, Rehana. Nous apprendrons la suite de leur histoire dans le récit suivant, celui qui nous décrit une nouvelle histoire de passion transgressive, celle d'Amin. Il s'éprend d'une femme un peu plus âgée, qui plus est divorcée, et nous l'apprendrons par la suite, petite fille de Rehana et Martin Pearce. Ses parents, enseignants tous les deux, le contraignent à mettre fin à cette relation « honteuse », et sans s'en rendre compte le poussent au désespoir. Enfin, nous suivons Rashid, le frère d'Amin, qui brillant élève se voit offrir la possibilité de suivre des études en Angleterre.

Entre le monde colonial, basé sur un négation de la dignité des indigènes, à l'indépendance qui exclut tout une partie de la population sur des critères ethniques (indiens, arabes, ou supposés tels), en passant par les routes de l'exil, le roman dit la quête impossible d'une identité qui ne soit pas cause de séparation d'avec les autres, de mépris et de violence. Mais Abdulrazak Gurnah est un immense conteur, et son récit, malgré l'ironie et une forme de désespoir, se teint de mille couleurs chatoyantes, nous dépeint des personnages attachants et sensibles. C'est donc un beau voyage, même si la tonalité du récit est au final sombre. le titre original en anglais du livre est Desertion, et cela résume bien mieux le roman. Rehana abandonne sa famille, les règles de sa communauté pour vivre une histoire d'amour qu'elle ne peut vivre autrement. Amin abandonne la femme qu'il aime et Rashid abandonne son pays. Ils n'ont d'une certaine manière pas le choix, mais ces abandons sont mutilants, douloureux. Et font de tous ces personnages des étrangers, même s'ils continuent à vivre dans leur pays. Des étrangers pour ceux qui ne les comprennent pas, les condamnent, mais aussi des étrangers pour eux-même, obligés de laisser une partie d'eux-même.

C'est sensible et questionnant.
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Nous sommes en 1899. Hassanali marchand du quartier indigène de Zanzibar en est aussi le muezzin. Comme tous les matins il va lancer ses appels à la prière quand il reste en arrêt devant un homme prostré malade et dépouillé de tout. Cet homme «qu'il prend pour un spectre dans la lumière naissante» est un blanc. Que fait-il dans ce quartier ?

«Le destin est partout, comme il était dans cette première rencontre, mais le destin n'est pas le hasard, et les événements même les plus inattendus répondent à un plan. Ainsi la suite a-t-elle laissé paraître moins qu'accidentel le fait qu'Hassanali ait été celui qui a découvert l'homme.» p10

Cette découverte, contée de façon cocasse, débute la première partie de «Adieu Zanzibar». Elle pose un profond dilemme à Hassalani le marchand et va transformer sa vie et surtout celle de sa soeur Rehana que son mari a abandonnée et qui va aimer Pearce, l'homme que recueille Hassalani.
Abdulrazak Gurnah nous relate ce récit comme il le ferait d'un conte oriental, tout en douceur sans toutefois éluder les répercussions de cette histoire d'amour dans la société coloniale et ancestrale de l'époque, histoire qui se poursuivra avec Jamila, la descendante du couple Pearce-Rehana, dont on fait la connaissance dans la deuxième partie du roman.
Le titre de Adieu Zanzibar est, en anglais, «Désertion» et effectivement on assiste à une suite d'abandons. La désertion de ceux qui accompagnent Pearce l'anglais abandonné dans la brousse, celle du mari de Rehana qui part en Inde en la laissant seule dans l'incertitude de son retour. Elle sera suivie pour elle d'une nouvelle désertion, celle de Pearce dont elle est devenue l'amante en prenant tous les risques face au code traditionnel de la société dans laquelle elle vit. Il repartira en Angleterre en la laissant enceinte d'une fille Bi Asmah mère de Jamila.
Le narrateur principal, Rashid, va lui-aussi déserter en quittant l'île de Zanzibar pour l'Angleterre comme Abdulrazak Gurnah qui enseigne la littérature et la théorie postcoloniale à l'université du Kent.

«Il y a, vous le voyez, un je dans cette histoire, mais je n'en suis pas le sujet. C'est une histoire sur nous tous, Farida et Amin, nos parents, Jamila. Elle dit que chaque histoire en contient beaucoup d'autres, et qu'elle ne nous appartiennent pas mais se confondent avec les aléas de notre époque, qu'elles s'emparent de nous et nous lient à jamais.» p135

Ce roman nous plonge dans l'atmosphère des quartiers indigènes de cette ville de Zanzibar avec ses odeurs, ses bruits, ses voix qui se croisent, ses croyances. Il nous met aussi face à la confrontation entre l'intolérance et le mépris des colonisateurs et cette vie chatoyante de l'Afrique orientale où se mêlent légendes swahilies et code des traditions ancestrales et familiales.
Cette découverte d'Abdulrazak Gurnah m'a agréablement surprise et transportée dans un monde étranger et proche à la fois. Car il sait raconter et rendre vivant et coloré le quotidien même le plus banal. Il analyse finement les réactions des blancs, eux-mêmes déracinés et inadaptés à cette Afrique qu'il colonisent, le courage des femmes qui prennent le risque de briser le carcan familial et, en bravant les interdits, se retrouvent exilées dans leur propre pays pour avoir voulu vivre leur vie comme les hommes le sont en s'éloignant d'un pays qui est celui qui garde la magie de leur enfance.
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Adieu Zanzibar est un roman qui me laisse ambigu. Pourtant, il contenait plusieurs éléments intéressants ou qui, du moins, m'intéressent en temps normal. Un petit peu de dépaysement et d'exotisme. Zanzibar, l'Afrique orientale, la capitale Dar-es-Salem pas très loin, les Britanniques, les communautés de Noirs et d'Arabes, et même quelques Indiens. J'étais plus que disposé à découvrir ce monde cosmopolite, hétérogène, aux portes des métropoles régionales comme Nairobi et Mombasa. Et puis il y a Londres, lointaine mais dont la présence se fait sentir.

Les premières pages du roman ont continué à m'intéresser. Un Blanc presque perdu dans le quartier, des histoires d'amour, des histoires d'ambition… Bref, des destins qui s'entrecroisent. Toutefois, très peu de personnages me semblaient attachants. Ou auxquels je n'ai pas réussi à m'attacher.

Aussi, j'ai éprouvé beaucoup de difficulté à accrocher au roman, à suivre cette histoire. La jeune Rehana et ses efforts pour accéder à une bonne école, à une instruction de qualité, les frères Amin et Rashid, leurs propres histoires d'amour, leurs pérégrinations jusqu'à Londres, etc. Parfois, je me sentais très investi dans ma lecture, dans les aventures de quelques uns de ces personnages (la narration alterne entre eux), cela durait quelques dizaines de pages puis je me sentais à nouveau perdu. C'est très étrange et je n'arrive pas à me l'expliquer.

Un des trucs qui m'a déstabilisé est que cela m'a pris longtemps à situer l'action dans le temps. Fin 19e siècle (à un moment, passé le tiers du roman, j'ai glané la date 1899) ou plutôt milieu du 20e siècle (il était beaucoup question du mouvement de décolonisation)? Ce genre d'information manquante, quand ça n'ajoute pas un mystère intentionnel, une intrigue, m'agace beaucoup.

Adieu Zanzibar était peut-être un rendez-vous manqué. Parfois, il y a de ces lectures qui ne sont pas lues au bon moment ou dans un climat favorable. Je devrai lire autre chose d'Abdulrazak Gurnah pour m'en faire une meilleure tête des talents de cet auteur.
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Quelle belle histoire !

Abdulrazak Gurnah, l'auteur, a obtenu, comme le bandeau le mentionne, le dernier prix Nobel de littérature, en 2021. Mais comme il était inconnu dans nos contrées et les rares livres publiés n'avaient pas rencontré un franc succès, l'ensemble de ses ouvrages ne sont pas encore traduits ni partant édités, en tout cas pas en langue française. Ici, c'est la réédition d'un opus qui était quand même sorti en 2005.

La trame se passe entre Zanzibar, pays d'où est originaire l'auteur, Mobassa et Londres. Il est question de colonisation et de décolonisation, et forcément, malheureusement, de tensions racistes, mais l'auteur nous livre surtout, en trois parties, une fine analyse sur la place de la femme dans la société locale et kenyane d'alors. Que ce soit dans une famille de lettrés (des enseignants) ou ailleurs, à travers des amours en miroir. J'ai trouvé cette histoire délicatement ciselée.

La manière d'écrire m'a, à plusieurs reprises, fait penser à Naipaul, dont l'auteur recommande du reste la lecture par le biais du personnage dans le livre, dont le parcours comporte des accents fort autobiographiques.

Mon seul bémol viendrait peut-être du fait que l'auteur utilise, à de nombreuses reprises, des termes arabo-musulmans, qui apparaissent en italiques dans le texte, et un glossaire serait le bienvenu pour une prochaine réédition. Quoique, armé de son téléphone portable raccordé à internet, tout se trouve très aisément.

Je n'ai pas voulu sanctionner le livre ni son auteur de ce qui n'est pour moi qu'un problème de maison d'édition.
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Alors qu'il se rend à la mosquée pour la première prière du matin, quelle n'est pas la surprise du muezzin Hassanali que de tomber sur un Occidental à l'article de la mort devant les portes de celle-ci. Ni une ni deux, qui plus est alors que la cité est-africaine dans laquelle il vit est sous colonisation anglaise en cette aube du XXème siècle, il secourt l'homme, simplement déshydraté et sous-alimenté, qui le remerciera quelques temps plus tard, remerciement qui provoquera une série d'évènements courant jusqu'à l'indépendance des lieux, puis la création de la Tanzanie.

En trois parties, nous suivons l'histoire de deux familles, entre 1899 et 1964, qui seront liées bien malgré elles tant par l'Histoire d'un pays en devenir, qui cherche à se défaire de ses colonisateurs, qui vivra son indépendance dans le sang avant d'obtenir un semblant de paix et d'unification, que par l'histoire de leurs amours hors normes, non acceptées dans le pays, pour diverses raisons, évolutives selon les époques - je n'en dirai pas trop à ce sujet, elles ont une part importante dans le développement de l'intrigue -.

Pour raconter cette histoire, Rashid, un des enfants de la dernière génération, parti faire ses études à Londres juste avant l'indépendance et le coup d'état qui a suivi un mois plus tard, qui découvre donc d'abord les faits tronqués par l'intermédiaire de la correspondance censurée qu'il entretient principalement avec Amin, son frère aîné resté au pays - toute la violence du coup d'état nous sera bien révélée, mais après coup -. Rashid, celui qui est parti pour de grandes études, qui découvre lui aussi une réalité violente, celle du mépris de l'ancien colonisateur face aux étudiants des anciennes colonies qui viennent s'installer en Angleterre, qui ressent aussi la culpabilité de celui qui vit par procuration une dictature à laquelle il a finalement échappé.

Malgré l'aspect un peu trop académique du style et de la narration, j'ai tout de même fini par être embarquée par l'histoire, que j'ai particulièrement appréciée, entre romanesque historique bien conté et description sans fard de la difficile accession d'un pays africain à sa liberté, qui lui a été retiré le jour où l'Europe a décidé, tout comme en Amérique quelques siècles précédemment, de s'en rendre tout simplement propriétaire.

Je lirai donc avec plaisir d'autres oeuvres d'Abdulrazak Gurnah.
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J'ai mis du temps pour m'imprégner et comprendre ce roman. Chaque chapitre, assez long, laisse parler l'un des personnages. Certains racontent leur vie en 1899 à Zanzibar, alors colonisé par les britanniques, d'autres sont 2 générations plus tard entre Zanzibar toujours et l'Angleterre.
Difficile véritablement de décrire l'histoire, mais il est question de relations humaines, du poids et de l'honneur de la famille, d'amours interdites, de colonisation et d'immigration. A travers les époques, des réflexions souvent similaires, car la société présentée ici est patriarcale, stricte et autoritaire.
Il me semble que pour apprécier cette lecture, il est nécessaire d'avoir du temps à y consacrer, pas seulement 10 min avant de s'endormir, car les chapitres étant longs, alors il peut être difficile de suivre. Mais une fois plongée dedans et disponible pour, je me suis régalée.
Enfin un roman d'un écrivain nobelisé que j'ai apprécié !
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Adieu Zanzibar a su casser mes préjugés sur la littérature postcoloniale, en m'apportant différents points de vue. En effet, Gurnah laisse à entendre les colonisés comme les colons, les expatriés comme les exilés.
Au-delà de cette dimension postcoloniale, Adieu Zanzibar c'est encore l'histoire d'une famille narrée de génération en génération, où les amours de la grand-mère portent à conséquence sur les amours de sa petite-fille.
En même temps, le roman s'intéresse de près aux amours impossibles, interraciaux, et sur l'impact de ces amours dans la sphère familiale.
Au-delà de cette dimension réaliste, Adieu Zanzibar, c'est encore un mythe, celui de cette famille, mais c'est aussi le mythe de l'amour narré d'après les Mille et une nuit, des amours coraniques, mais ces Mille et une nuits s'achèvent et ne sont donc pas éternels, quoiqu'ils survivent à leur fin ...
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