Abdulrazak Gurnah, un nom, un écrivain venu à ma connaissance grâce au
Prix Nobel de Littérature 2021. Étrange que ces deux dernières années deux lauréats , deux noms avec celui de
Louise GLück, écrivain et poète qui semblent sortis de nul part, du moins pour moi.
Originaire du Zanzibar, musulman orthodoxe sunnite, Gurnah vit en Angleterre. Ce livre acheté peu après son prix, je l'ai choisi pour son sujet qui semble aussi celui de la majorité de son oeuvre, la condition d'un émigré noir dans un pays colonialiste, en l'occurrence ici l'Angleterre. Et dès les premières pages Gurnah attaque avec le médecin blanc qui le (le narrateur, je suppose son alter ego), diagnose sur la base de la couleur de sa peau , se trompant d'ailleurs de continent 😁 en le catégorisant d'Afro- caribéen. Très vite je suis happée par une langue lumineuse, simple et puissante d'une ironie mordante. Il n'y va pas par quatre chemins pour abattre les arguments de bienfaisance avancés par le colonisateur pour justifier ses actes vils , « Et notre part de cet engagement était d'être colonialisé, assimilé, éduqué, aliéné, intégré, subir des chocs de culture,gagner un drapeau et un hymne national, devenir corrompu, crever de faim, et se plaindre de tout cela. *»
Sa compagne Emma , une anglaise de la classe moyenne, dont les parents « adorent » l'opéra 😁, est toujours présente pour lui rappeler ses origines, particulièrement quand elle est fâchée avec lui 😁! Quand aux -parents c'est une autre paire , le père xénophobe le nommant de « darky » à leur première rencontre.
L'humour décalé de Gurnah est irrésistible , et je pense que c'est la meilleure arme pacifique pour lutter contre la bêtise humaine, ici de surcroît le racisme et ses préjugés atteignant une impolitesse de niveau puérile. Ses conversations avec le beau-père avocat, qui est resté dans les fastes de l'Empire, cet Empire qui a apporté la civilisation aux cannibales 😁, et dans le retrait a été un désastre ( en vérité oui un désastre mais pas dans le sens qu'il l'entend 😆) sont hilarantes , surtout que ce dernier est incapable de déceler l'intelligence pleine d'humour du gendre.
Le narrateur se plonge dans le grenier à mil de ses souvenirs, dans cette vie laissée derrière lui, pour la confronter à sa vie actuelle, modifiant la version de son propre passé racontée à sa compagne. Déjà affligé de son destin d'immigré coincé entre deux cultures et deux continents, la désillusion et les circonstances de son retour au pays après vingt ans, va rendre sa situation encore plus complexe.
L'admirateur du silence va causer des dégâts sur les deux continents…..
Les jurés du Nobel ont eu le mérite d'avoir distingué un auteur qui raconte avec brio ce que signifie être loin de son propre peuple et devoir affronter jour après jour le mépris constant d'un monde occidental qui se considère comme supérieur. le dilemme étant que le retour au pays n'est plus un choix meilleur. Un sujet plus qu'actuel ! La structure du livre est aussi intéressante, que je vous laisse découvrir car l'expliquer serait aussi dévoiler un pan de l'histoire. Cet auteur nobélisé est une belle découverte, et même si ce livre-ci n'est pas encore traduit en français, mais je pense le sera très prochainement , vous pouvez l'aborder avec ses deux autres livres traduits.