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Sylvette Gleize (Traducteur)
EAN : 9782207165409
384 pages
Denoël (04/10/2023)
4.04/5   34 notes
Résumé :
Alors petit garçon, Ilyas a été arraché à ses parents par les troupes coloniales allemandes de l'est de l'Afrique. Après des années d'absence et de combats, il parvient enfin à regagner la petite ville portuaire de son enfance. Ses parents ne sont plus là et sa soeur adorée Afiya a été adoptée. Hamza fait également son retour dans la ville. Lui n'a pas été rapté pour combattre, mais vendu à un officier irascible et pervers qui l'a marqué à vie. Sans un sou en poche,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Abdulrazak Gurnah, on en parle ?
À vrai dire il ne faudra pas vraiment compter sur moi, je le connais à peine. Prix Nobel traduit depuis peu par ici, je n'ai lu de lui que « Près de la mer » avant de me plonger dans ces «  vies d'après », qui sont plutôt des vies d'avant à l'échelle temporelle de notre modernité, mais qui font ressentir beaucoup de choses via les traumas géopolitiques, et leur cohorte de scories transgénérationnelles.
Nous sommes en Tanzanie au début du siècle dernier, en pleine crise d'hégémonie européenne tournée vers les colonies. Allemands, britanniques, portugais, belges (pas trop de français de ce côté-ci de l'Afrique de l'Est) se livrent à des combats sans merci, entre eux ou envers les habitants. Les locaux seront le plus souvent écrasés par les askaris dans les rebellions freinant les avancées, ou plus simplement affamés par les pénuries et les razzias allemandes orchestrées dans les villages. Parmi eux il y a Ilyas, enlevé tel un simple fétu de paille par un soldat allemand sur le quai d'une gare, pour simplement l'avoir à portée de main d'esclavagiste. Ilyas ne reverra pas sa famille, même s'il finira par retrouver sa jeune soeur Afiya expédiée en famille d'accueil au décès de ses parents. Avant de repartir au combat, volontaire cette fois dans la Schutztruppe. Il y a aussi Hamza, empêtré dans la servitude envers un officier allemand, lui même empêtré dans la guerre envers les locaux ou les britanniques. Hamza sera lui aussi libéré, une vilaine blessure en souvenir. L'occasion de retrouver la grande ville où il a vécu et je n'en dirai pas plus, contrairement à la 4ème de couv qui prend ses aises en résumant les grandes lignes. Même s'il peut être bon de savoir que le reste naviguera plus souvent entre espoir et amour que précédemment, par le biais de personnages marquants tel Khalifa au grand coeur camouflé, « bourru sentimental attentif aux autres et aux torts qui leur sont faits »
LA grande force de ce roman me paraît être sa facilité à nous immerger dans un monde éloigné qui nous deviendra familier et sensible, à travers une écriture sans flonflon ni fioriture, essentiellement factuelle, pouvant même paraître neutre. Pas de détours ni de doutes, Abdulrazak Gurnah entre essentiellement dans ses personnages par leurs actions, mais il ressort de son art de conter une maîtrise et une forme de détermination, on embarque sans retenue dans ses destinées d'avant augurant celles d'après, en éprouvant leur sensibilité. le genre d'auteur qui ne perd pas son temps, car il a tout simplement des choses à nous dire, et nous faire ressentir.
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Personne ne porte aussi bien la voix des oubliés de l'histoire et de ceux auxquels la civilisation occidentale n'a pas donné la parole qu'Abdulrazak Gurnah, dont chaque roman que je découvre depuis l'attribution du Nobel (celui-ci est le quatrième) est une merveille d'empathie qui chacun me plonge dans des vies d'avant, d'après, mais surtout d'ailleurs comme seul lui sait le faire.
Le cadre en est toujours l'Afrique orientale et la Tanzanie, cette fois-ci au dernier quart du 19ème siècle où les guerres coloniales font rage sur des terres et des peuples qu'elles ravagent sans toutefois parvenir à en expulser l'âme.
Plusieurs vies volées se croisent dans ce beau et douloureux récit, celle d'Hamza embarqué à son corps défendant dans les forces allemandes et les horreurs de la domination raciale, celle d'Afiya vendue comme esclave à une famille qui lui volera sa jeunesse, celle d'Ilyas so frère perdu. La reconstruction sera longue, incomplète, bancale, traversée de lumière pourtant.
Gurnah c'est un regard différent sur le monde, une autre focale de lecture et de compréhension qui touche autant au coeur qu'à l'esprit, et qui enrichit.
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Ce roman prend en quelque sorte la suite de Paradis. Ce dernier se terminait par l'arrivée des troupes allemandes, que le personnage principal décidait de suivre. On va retrouver le personnage, même si entre les deux livres il a changé de nom, et que de Yusuf il est devenu Hamza. Mais il ne devient le personnage principal que progressivement, d'autres sont au premier plan au démarrage du roman, Khalifa, puis Ilyas et sa jeune soeur Afiya. C'est au moment de départ d'Ilyas, qui décide de s'engager dans la Schutztruppe, l'armée allemande des colonies d'Afrique, que nous suivons Hamza. Son destin aurait pu être celui-ci d'Ilyas, dont nous ne saurons rien jusqu'à la fin du roman, où un certain nombre de choses vont être révélées, mais de manière indirecte, par des recherches historiques entreprises par un autre Ilyas, fils de Hamza et Afiya. Car le roman d'Abdulrazak Gurnah est un roman historique, qui révèle l'histoire de « l'Afrique orientale allemande », ces territoires qui ont été concédés à l'Allemagne à la fin du XIXe siècle dans le partage de l'Afrique par les puissances européennes.

Mais Abdulrazak Gurnah est avant tout un romancier et un conteur. Il tisse des histoires, crée des personnages, touchants et très réels. Et l'histoire vient percuter ces vies, en dévier le cours, leur donner un sens. Ses personnages d'Africains subissent plus qu'ils ne décident : le partage de l'Afrique entre les puissances européennes, les guerres dont les répercussions les touchent de plein fouet, tout cela leur est en partie incompréhensible. Les effets les touchent durement tout simplement. L'intention historique n'est vraiment apparente qu'à partir des pérégrinations de Hamza dans l'armée allemande, et encore plus dans la dernière partie, dans laquelle Ilyas va essayer de découvrir ce qui est arrivé à son oncle. Mais c'est une autre époque, la colonisation est en principe terminée, un Africain peut devenir historien du passé de son peuple, et essayer de donner une lecture de ce qui est arrivé de son point de vue. Car on ne peut faire l'économie de replonger vers le passé pour se comprendre, les Vies d'après du titre, se sont nourri, ont été conditionnées par les vies d'avant, de ceux qui comme Ilyas l'ancien semblent être devenu des fantômes, avalés, disparus, sans laisser des traces. Comme s'ils n'avaient jamais existé. Et ce que découvre le neveu est assez étonnant.

Abdulrazak Gurnah est vraiment un auteur important, dont les livres laissent une vraie empreinte sur le lecteur. Parce que rien n'est simplifié, les personnages sont complexes, et l'humains, le sensible est au premier plan, même si la volonté de raconter l'Histoire et lui donner un sens est toujours présente.
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On l'oublie trop souvent, l'Allemagne fut aussi une puissance colonisatrice : en Afrique, Namibie, Cameroun, Togo et d'autres pays dont la Tanzanie actuelle furent colonisés par ce pays jusqu'à la défaite du IIe Reich en 1918. C'est là, en Tanzanie, que se déroule l'histoire que nous conte Abdulrazak Gurmah, prix Nobel 2021 : celle de « natifs », pris dans le tumulte de l'Histoire en ce début de XXe siècle, devant subir la colonisation allemande, brutale comme toutes les colonisations, le bouleversement de la guerre de 14-18 qui s'invita jusque là-bas, l'arrivée des Anglais et leur domination jusqu'à deuxième guerre mondiale.
L'intérêt réside dans le destin et le regard de personnages différents, tous issus de la même culture, et soumis aux événements qu'ils affronteront différemment. Deux jeunes garçons s'engageront plus ou moins volontairement dans les troupes allemandes jusqu'à se battre contre les leurs, l'un d'entre eux parviendra à refaire sa vie en sortant de l'analphabétisme. Une jeune fille soumise aux coutumes, aux traditions et au poids de la religion parviendra à s'en affranchir en partie. Un homme mûr autodidacte, fera son trou peu à peu à force d'intelligence et de sagesse.
C'est avec une grande simplicité que l'auteur éclaire ce pan de l'Histoire trop ignoré, sans effet de style, avec une grande empathie pour ses personnages.
Un seul regret, la fin : les toutes dernières pages, donnent l'impression d'être bâclées.
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Avec ce livre vous allez vivre en Tanzanie de 1900 à environ 1960, depuis l'époque de colonisation allemande à l'indépendance, au travers de plusieurs familles dont les destins vont se croiser.
Comme dans « Adieu Zanzibar » du même auteur, au-delà du roman c'est la vie et l'évolution de cette région que vous appréhendez : le regard sur les colonisateurs, Allemands, puis Anglais, l'économie et le poids des Indiens et des Arabes dans ce commerce, le statut de la femme et l'impitoyable condition des Africains enrôlés de force ou asservis.
Vous vivrez les destins de Kahlifa, d'ilyas et de Hamza d'une manière très différente de ce que nous disent nos livres d'histoire « européens ». Au-delà des clichés, la sagesse et le ‘universel humain nous apparait.
On ressort de ce livre avec un regard de recul sur nos informations d'aujourd'hui. Finalement, leurs péripéties sont universelles.
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critiques presse (2)
LeMonde
20 novembre 2023
C’est ici la matière humaine, sensible et incarnée, qui mène aux considérations historico-politiques. Le roman n’a rien d’un cours d’histoire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
06 novembre 2023
Le prix Nobel de littérature Abdulrazak Gurnah explore avec sensibilité dans "Les vies d’après" les destins d’Africains de l’Est embarqués dans les conflits de l’armée allemande.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
- Bi Asha est amère. Elle n'accepte pas la jeune fille que je suis devenue. Elle veut que je parte mais ne supporte pas qu'un jeune homme pose les yeux sur moi. Un regard dans la rue me vaut des réprimandes. Elle dit que ça la révolte, ce regard des hommes sur moi. Elle dit que je les encourage, alors que je ne fais rien de tel. Elle veut que je m'en aille, mais avec un vieillard qui ferait de moi sa seconde épouse. Elle ne veut pas que je me sente séduisante et belle, mais elle veut bien que quelqu'un me prenne pour son plaisir et me rabaisse avec sa convoitise
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Ils étaient quatre, tous indiens. Ils logeaient chez le professeur, dormaient à même le sol dans le couloir du rez-de-chaussée sous l’escalier, où ils prenaient également leurs repas. Ils n’étaient jamais admis à l’étage. La salle de classe était une petite pièce pourvue de nattes au sol et d’une fenêtre à barreaux trop haute pour voir au-dehors, laissant passer l’odeur de l’égout à ciel ouvert qui courait derrière la maison. Le tuteur fermait la salle à clé après la classe ; tous les matins avant de se mettre à l’étude, les élèves devaient balayer et épousseter cet espace sacré. Les leçons commençaient très tôt et reprenaient en fin d’après-midi, avant qu’il ne fasse trop sombre. Au début de l’après-midi, après son déjeuner, le tuteur allait dormir, et l’on n’étudiait pas le soir, pour économiser les chandelles. Durant leurs heures de liberté, les enfants trouvaient du travail sur le marché ou en bord de mer, ou bien flânaient dans les rues. Khalifa n’imaginait pas avec quelle nostalgie il se souviendrait de ces jours par la suite.
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Qu'est-ce qu'un homme originaire de la jolie petite ville de Marbach est venu faire dans ce trou du cul du monde ? Je suis né dans la tradition militaire et c'est là mon devoir. Voilà pourquoi je suis ici. Pour prendre possession de ce qui nous appartient de droit. Parce que nous sommes les plus forts. Nous avons affaire à des peuples attardés et sauvages, et le seul moyen de les gouverner, c'est de semer la terreur, chez eux et chez leurs sultans prétentieux, leurs "Liliputmajestäten", et de les massacrer jusqu'à ce qu'ils obéissent.
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Videos de Abdulrazak Gurnah (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Abdulrazak Gurnah
Abdulrazak Gurnah vous présente son ouvrage "Les vies d'après" aux éditions Denoël. Entretien avec Lucie Leroy. Traduction par Sylvette Gleize. Rentrée Littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2929801/abdulrazak-gurnah-les-vies-d-apres
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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