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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Étrange, parfois, les hasards de la vie. Je prédisais l'attribution du prix Nobel à Ngugi wa Thiong'o mais, étant dans l'impossibilité de trouver un de ses livres à ma bibliothèque locale, je m'étais rabattu sur Près de la mer, un bouquin d'Abdulrazak Gurnah. Ironiquement, c'est ce dernier qui a été sacré. J'avais lu un de ses livres cet été, j'avais éprouvé de la difficulté à accrocher à l'histoire mais quelque chose m'avait tout de même plu et je m'étais promis de lire autre chose de lui. Voilà pour la petite histoire.

Je ne peux pas dire que ce roman est un coup de coeur mais il m'a laissé une bonne impression, c'était une lecture intéressante, pertinente.

Près de la mer commence avec Saleh Omar, un homme d'un âge certain arrivant à Londres et demandant asile sous une fausse identité, celle de Rajab Shaaban Mahmud. Là, il plonge dans ses souvenirs en racontant son histoire aux autres réfugiés du camp où il a été emporté, sinon au traducteur parlant le kiswahili (langue parlée à Zanzibar) dépêché sur place pour communiquer avec lui. Et ce dernier en fait autant. Éventuellement, la narration passe au véritable Rajab Shaaban Mahmud qui, lui aussi, cherche refuge au Royaume-Uni (plus légalement, via un visa obtenu en Allemagne).

Près de la mer, c'est l'histoire de ces gens, promenés par la vie, par l'existence. C'est surtout l'histoire des membres de leurs familles (pères, grands-pères) et de leurs amis. Ainsi, à travers leurs destins, l'on découvre le Zanzibar et la Tanzanie du début du siècle dernier, avec ses marchands qui commerçaient sur leurs dhows jusqu'en Inde, jusqu'en Malaisie. Cela, jusqu'à ce que les Anglais et autres puissances occidentales ne se montrent de trop féroces compétiteurs, ruinent les marchands locaux.

Tout un pan du roman est supposé faire un lien avec un autre roman (une nouvelle, plutôt) ou son protagoniste, Bartleby the Scribe, mentionné à quelques reprises. J'ai lu ce roman mais il y a tant d'année que l'histoire est un peu floue dans ma tête. Conséquemment, le lien m'est passé au-dessus de la tête. Tant pis.

Pour le reste, Près de la mer, c'est la colonisation anglaise et ses conséquences sur le quotidien des gens. Mais bon, tout n'est pas si mal et certains n'ont qu'eux-mêmes (ou leur propre famille) à blâmer pour leur ruine. Et puis il y a la révolution qui apporte son propre lot de conséquences. Entre autres, la persécution puis la déportation des Omanais (individus d'ascendance arabe). À mon avis, c'est surtout un roman sur l'histoire personnelle, l'identité, la famille et l'exil. Ce dernier thème en particulier, le sort des migrants, leurs conditions, devrait résonner chez plus d'un.

Abdulrazak Gurnah ne fait pas que décrire, raconter la colonisation : il fait le lien avec le présent. Tous les événements racontés sont passés (ils peuvent paraître très lointains pour le jeune lecteur des années 2020), toutefois, ils ont encore des conséquences aujourd'hui. Par exemple, avec cet homme qui cherche asile en Angleterre, sur qui il est et sera. L'histoire n'est pas terminée. L'histoire n'est jamais terminée.
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Ce roman s'ouvre sur l'arrivée au Royaume-Uni d'un demandeur d'asile. On ne saura pas tout de suite qu'il vient de Zanzibar*, comme Abdulrazak Gurnah, d'ailleurs l'île et la ville ne sont même pas nommées, si je me souviens bien. On ne comprendra qu'à la fin les raisons de son exil, à un âge avancé. Dans la première partie, ce narrateur nous fait découvrir le début de son histoire familiale et professionnelle. Un narrateur différent raconte dans la deuxième partie son départ de la même île pour des études en RDA et son arrivée en Angleterre. La dernière partie, on s'en doute, fait se croiser les histoires de ces deux émigrés.

Ce qui m'a frappé dès le début est le ton des récits: les narrateurs sont passés par des épreuves douloureuses, mais ne s'en plaignent jamais vraiment, gardent du recul par rapport à leur histoire, souvent racontée avec humour. Rassurez-vous, futurs lecteurs : la lecture n'est jamais ni difficile ni douloureuse (faites juste bien attention aux noms et prénoms des personnages, une fausse identité est importante dans le récit). le plus admirable peut-être dans ce magnifique roman est la façon de faire découvrir au lecteur petit à petit le détail et les motivations d'événements anciens. Les personnages principaux ne connaissent pas toutes les informations nécessaires et, surtout, doivent reconnaître peu à peu que leur mémoire imparfaite et nourrie de points de vue extérieurs ne leur donne pas une compréhension correcte de certaines étapes décisives de leur vie. Cette révélation progressive avec des rebondissements inattendus m'a tenu en haleine pendant toute la lecture

La toile de fond est très intéressante aussi : dès le début, les officiers d'immigration se demandent, et le lecteur avec eux, ce qui a poussé un homme de plus de 60 ans à tout quitter pour demander l'asile dans un pays dont il ne semble même pas parler la langue. Cette question soutient toute la narration, qui est alimentée par une vision de la colonisation puis de la décolonisation extrêmement prenante, même si elle comprend distance, tolérance et parfois humour. Outre ce point de vue politique, le livre revient régulièrement, mais toujours discrètement, sur le rôle de la religion (ici islamique) dans la vie privée et publique.

J'ai été un peu surpris au début par le choix de la traductrice Sylvette Gleize de garder de nombreux mots sans même les traduire par une note ni les grouper dans un glossaire. Mais cela ne nuit pas du tout à la compréhension, peu importe qu'un lecteur ignorant du kiswahili ne sache pas exactement ce qu'est telle ou telle pièce d'habillement, par exemple. Et je viens de réaliser que le lecteur du texte anglais original se trouve dans la même situation que moi.

Pour finir, il faut mentionner la référence fréquente à Bartleby (une bonne occasion de lire ou relire cette nouvelle de Melville, qui me fascine autant que le narrateur principal?) Puis-je conclure qu'il est toujours intéressant de découvrir un auteur récemment lauréat du prix Nobel (surtout avec le challenge de Meps) ? Peut-être pas, mais Gurnah est déjà pour moi un grand auteur.

*profitez-en pour réviser votre géographie et votre histoire ; je ne savais même pas ou plus (honte sur moi) que ça se situait en Tanzanie.
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Derrière chaque migrant qui se noie, il y a une histoire. Aussi longtemps que cette histoire est tue, le migrant reste un cadavre, un inconnu privé du respect qu'on réserve à notre soldat national inhumé, lui, sous les Champs-Élysées - aussi anonyme et mystérieux soit-il. Voilà pourquoi le prix Nobel de littérature Abdulrazak Gurnah s'évertue à raconter l'histoire de ces hommes aux destins moins funestes que les malheureux qui font la une des actualités mais dont les épreuves sont innombrables et cruelles (ex : les interrogatoires p26, l'emprisonnement, la vie dans les camps p351).
Tout autant que la fuite, c'est l'arrivée dans le pays dit « d'accueil » qui intéresse l'auteur. Dans le cas de Saleh Omar, c'est le Royaume-Uni et ses sujets arrogants : « Conscients de leur importance et bouffis d'orgueil dans chacun de leurs mouvements, ils étaient capables à tout instant de montrer mépris et dureté ».
Saleh prend conscience que son esprit a été colonisé tout autant que les terres de ses ancêtres. Pourquoi devrait-il mieux connaître Kipling que Schiller ou Hugo ? Les nations européennes se sont disputées la géographie des pays africains avant de leur imposer leurs références culturelles.
Au coeur de ce roman, il y a une dette, une querelle de famille qui tourne mal. D'ailleurs l'auteur, avec malice, rappelle que les querelles de famille sont à l'origine des maux de l'Islam (p298).
Si le roman de ces réfugiés m'a touchée, sa forme m'a moins convaincue. J'ai trouvé que les explications et les digressions étaient trop nombreuses et qu'elles nuisaient à la fluidité du récit.
Je ne connais pas les autres livres de cet auteur. Et vous, l'avez-vous lu ? Qu'en avez-vous pensé ?
Bilan : 🌹🌹
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Un homme âgé, Saleh Omar, débarque en Angleterre pour demander l'asile politique muni d'un faux passeport et prétendant ne pas parler anglais. Il ne correspond pas au profil du migrant et il est pris en charge par une jeune femme qui va s'occuper de lui trouver un logement et se lier d'amitié avec lui. L'accueil des migrants est traité de manière sarcastique, d'autant plus lorsqu'il apparaît que le vieil homme est à la fois cultivé et bilingue. Installé dans une petite ville du bord de mer, il raconte les raisons de son exil, ses promenades dans les magasins de meubles et comment il s'est approprié la petite phrase de Bartleby " Je préfère ne pas".

Dans la deuxième partie du roman, sous la fausse identité de Rajab Shaaban Mahmud, il est mis en relation avec Latif, un universitaire exilé, fils du véritable Mahmud. C'est alors Latif qui prendra en charge la majeure partie de la narration. Il aborde la situation politique du Tanganyiaka, ancienne colonie allemande qui s'est unie avec l'île de Zanzibar, sous protectorat britannique. La question du colonialisme, de la persécution des communautés musulmanes, des alliances commerciales et des trahisons est mise en parallèle avec l'histoire plus intime d'une famille. Les rivalités, jalousies et mesquineries feront alors le lien entre les deux hommes qui partagent qui à la fois une histoire nationale et une histoire privée. Chacun interprète cette histoire commune à son avantage, apportant des informations complémentaires et des révélations étonnantes.

La plume d'Abdulrazak Gurnah est très littéraire et plutôt classique, avec une pointe d'auto-derision qui accentue l'humanisme de son roman. Quelques longueurs cependant dans l'histoire de la Tanzanie, lorsque l'on ne connaît pas tous les méandres.
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Challenge autour du Monde : direction la Tanzanie et plus précisément l'île de Zanzibar.
Ce livre sauvé in extremis de l'incinérateur est une belle découverte.

Qu'est ce qui pousse un vieil homme à quitter son île de Zanzibar pour demander , sous une fausse identité, l'asile politique en Angleterre? Arrivé dans les années 90 en Angleterre Omar Saleh qui ne semble parler que le Swahili, se voit attribuer par les services d'aides aux réfugiés, un traducteur originaire lui aussi de Zanzibar, Latif Mahmud. Ces deux hommes ne sont pas des inconnus et leur destin est étroitement lié.

Par l'évocation de leurs souvenirs respectifs se met en place, petit à petit, le scénario qui a poussé Omar Saleh à se réfugier en Angleterre
Histoire d'honneur et d'héritage, de trahison et de vengeance, tout ceci sur fond de décolonisation, Vers la mer nous entraîne de l'île de Zanzibar et ses croyances, jusqu'en Angleterre, terre d'exil en passant par l'Orient et ses marchands et la RDA, terre d'accueil pour les étudiants originaires des "pays frères".

J'ai vraiment été séduite par ce livre. On se demande parfois où tous ces souvenirs vont nous conduire mais on se laisse facilement emporter par la belle écriture d'Abdulrazak Gurnah.
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Un vieil homme de 65 ans, arrive à l'aéroport de Gatwick en provenance de Zanzibar. Les seuls mots anglais qu'il prononcent sont pour demander l'asile politique.

Il est envoyé dans un centre d'hébergement le temps de trouver un traducteur qui permette de le comprendre .

L'assistante sociale qui s'occupe de lui, Rachel, lui trouve une place dans une maison, puis rapidement un logement pour lui seul, dans une petite ville près de la mer.

Il lui avoue alors parler anglais et, quand elle lui donne le nom du traducteur, il lui dit le connaitre.

Après cette brève première partie, le roman se poursuit dans la narration de la vie de cet homme de son enfance, dans une île alors colonisée par les anglais, dans les relations entre colons et africains, dans une ville portuaire où, antiquaire, il récupérait de vieux et beaux objets pour les vendre aux touristes ... 

Quand la parole passe à son traducteur, fils d'une de ses connaissances tanzaniennes, on découvres les tours et détours de leurs vies respectives, les arnaques, vols et détournements et les ressentiments ... 

Mais ce n'est pas l'histoire qui fait le charme de ce roman , mais la langue, l'écriture, le récit hypnotique ou les énoncés d'une partie sont réécrits à la lumière u vécu de l'autre protagoniste qui vient s'opposer au récit déjà lu.

Un roman sur l'exil, le colonialisme, la décolonisation, l'appartenace (ou la difficulté de s'insérer) dans un nouveau pays.

Belle découverte que ce roman du Nobel 2021.

 



 
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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L'évocation des souvenirs de ses deux protagonistes permet à l'auteur de revenir sur l'histoire aussi riche que mouvementée de Zanzibar, depuis la période de la colonisation britannique jusqu'à la dictature qui a très vite suivi l'indépendance, sans oublier les influences du sultanat d'Oman ou du bloc soviétique. On découvre ainsi une île et un pays aux multiples facettes, livrés à la convoitise des uns et des autres.
En multipliant les temporalités et les perspectives sur de mêmes événements, en usant d'habiles suspenses et de savoureuses digressions, l'auteur capte notre attention tel une Shéhérazade moderne. J'ai cependant eu un peu de mal à entrer dans l'histoire avant que le style de l'auteur et les vies tragiques de ses personnages ne réussissent à éveiller et retenir mon intérêt. J'ai pu achever ma lecture sans difficulté, mais sans véritable engouement, sans doute parce que je ne me suis pas attachée aux deux personnages principaux. Je les ai plaints pour les drames qu'ils ont connus mais ils ont aussi leurs défauts, et surtout ils semblent englués dans le passé et emmurés dans leur solitude et leurs regrets. Si je peux comprendre leurs raisons, j'ai quand même eu parfois envie de les secouer un peu.
Même s'il ne manque pas de qualités, ce roman ne m'a donc pas totalement convaincue. Il dévoile néanmoins une très intéressante « vision de l'intérieur » de Zanzibar, de son histoire et de ses habitants. Et j'ai été sensible à la plume pleine de charme de l'auteur-conteur qu'est Abdulrazak Gurnah.
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Saleh Omar arrive clandestinement à Londres avec un faux passeport au nom de Rajab Shaaban Mahmud. A 65 ans, il a quitté Zanzibar et demande l'asile avec dans son petit bagage de l'ud-al-gamari (encens). Il prétend ne pas parler anglais. C'est son histoire, celle de sa famille, son commerce et ses relations avec les colons que raconte la première partie "Reliques". La 2ème est consacrée à Latif, censé lui servir d'interprète. Installé lui aussi en Angleterre il a fui Zanzibar à 18 ans et a coupé les liens avec sa famille. Il est le deuxième fils de Mahmud. Pourquoi Saleh a-t-il le passeport de son père aujourd'hui décédé ? La troisième partie fait le lien entre leurs deux récits et reconstitue le passé.
Ce roman est riche d'anecdotes, d'évènements et de tractations financières où l'on se perd un peu. Mais les références littéraires ( Melville- Skakespeare ) et en filigrane l'histoire de la Tanzanie sont judicieuses et donnent à réfléchir sur les conséquences du colonialisme.
Je retiens de cette lecture les différentes sensations, les odeurs surtout, les rites religieux et les habitudes culturelles de l'île. L'auteur s'intéresse aux statuts de réfugiés et ses personnages affrontent de nombreuses épreuves avec une grande dignité. C'est très beau.
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Une histoire de famille ! les deux protagonistes de ce roman originaires de Zanzibar vont se retrouver au Royaume Uni et se conter leur vie , un temps partagée , un peu à la manière de Shéhérazade .Car il pourrait s'agir d'un conte oriental ,tellement les événements, les personnages, s'enchevêtrent avant d'arriver au dénouement final.
C'est un roman sur la mémoire ,il dévoile à la façon d'un miroir ,comment chacun a sa propre version des mêmes faits ,sa propre vérité .
C'est également un roman sur l'exil ,l'immigration .Un des personnages va traverser des pays différents comme la RDA ,certains pays d'Afrique de l'Est avant d'arriver au Royaume Uni où il devient écrivain ,le second ,maltraité dans son propre pays , y demandera l'asile .
Le livre permet de mieux connaître cette partie de l'Afrique de l'Est ,anglophone, mais également la région de l'Océan Indien ,du golfe Arabique ,voire de l'Asie du Sud Est où les peuples commerçaient depuis des siècles .
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Le héros se trouve par deux fois Près de la mer , au Zanzibar , pays natal de l'auteur mais dont le nom est juste suggéré , et en Angleterre où le héros Salrh Omar a obtenu ,difficement , un statut d'émigré.
En Angleterre , alors que le héros a environ 65 ans , aura lieu unea rencontre improbable et romanesque avec une ancienne connaissance du pays .
Alors , et les récits sont passionnants , les deux hommes nous racontent leur vie comme on nous raconte une histoire : c'est exotique ,émouvant impressionnant....
L'écriture est magnifique et nous emporte vars ces destins terribles
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