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EAN : 9782764620397
593 pages
Boréal (30/11/-1)
4.01/5   54 notes
Résumé :
Des fois, Sam, j’ai l’impression que la lumière des faits nous parvient de très loin, comme celle des étoiles mortes. Et que nous nageons en plein arbitraire quand nous essayons de relier les points pour obtenir une figure plausible… Peut-être que les explications que nous cherchons ne sont jamais que des approximations, des esquisses chargées de sens, comme les constellations : nous dessinons des chiens et des chaudrons là ou règne la glace éternelle des soleils ét... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Je vais partir avec un double handicap : vous parler d'un livre de littérature blanche et québécois. Vous ne le trouverez pas en librairie en France, toutefois les lecteurs ayant fait le saut du numérique pourront facilement trouver le livre en PDF.

Au Québec, nous nous souvenons en ce moment d'un évènement qui s'appelle la crise d'octobre. Je vous mets rapidement en contexte. C'est l'année 1970. le Québec entre enfin dans la modernité en tournant le dos à l'Église et en commençant à s'intéresser à plusieurs -isme : féminisme, nationalisme, marxisme... Alors qu'ailleurs dans le monde, certains font la révolution à coup d'AK47, une frange du mouvement indépendantiste québécois franchit le Rubicon en prenant en otage deux hommes : un attaché commercial britannique (James Cross) et le ministre provincial du travail (Pierre Laporte). C'est le FLQ, le Front de Libération du Québec. Et les felquistes pondent des revendications tandis qu'ils se terrent quelque part. le gouvernement provincial panique et se tourne vers le fédéral, qui a une réponse toute simple : imposer les lois des mesures de guerre, qui permettent aux forces de l'ordre de mettre en prison n'importe qui, sans avoir à se justifier. L'armée canadienne se déploie à Montréal. On finit par retrouver le ministre Laporte dans le coffre d'une voiture, mort étranglé. James Cross sera libéré plus tard contre la promesse que ses kidnappeurs puissent trouver refuge à Cuba. Je fais des raccourcis énormes, mais les plus curieux pourront en apprendre plus sur la page Wikipédia.

C'est un épisode marquant de l'histoire moderne du Québec. Au départ, les felquistes sont soutenus par les Québécois dans un mélange de fascination entre lutte sociale et romantisme fiévreux. La mort de Laporte détruit toute forme d'adhésion populaire. Mais les petits gars qui en sont arrivés à de telles extrémités ne sont pas des fils à papa qui s'ennuient : issus des quartiers miséreux de Montréal, ils sont véritablement animés d'une colère folle. L'Anglais, qui possède le capital et exploite les nègres blancs d'Amérique, est l'ennemi de classe. C'est viscéral. le ministre Laporte n'est pas du tout l'agneau innocent sacrifié sur l'hôtel de la barbarie : il est à l'époque sous écoute téléphonique policière car il est en cheville avec des clans italiens du crime organisé. Sa mort arrange trop de monde en haut lieu. Et quand les droits civiques des Québécois sont suspendus pour que la police puisse mieux mener son enquête (alors que l'on apprendra plus tard qu'elle savait déjà où se cachait la poignée de felquistes), c'est tout ce que Montréal compte de chevelus, de barbus, de gauchisant, de pas comme il faut qui finira en prison, sans explication. Des pères et des mères embarqués sous les yeux des enfants, eux-même laissés à l'abandon, tout ça parce que papa était syndicaliste. Tout ça au Canada, le plus meilleur pays au monde.

Et donc, à l'occasion des 40 ans de cette crise d'octobre, c'est une avalanche de souvenirs qui nous tombent dessus. Car beaucoup d'acteurs de ce drame sont encore en vie. Les felquistes échappés à Cuba puis en France sont revenus au pays il y a bien longtemps. Certains y vont d'une biographie. C'est bien simple : tout le monde à une anecdote sur la crise d'octobre, même ceux qui n'étaient pas encore nés en 1970. Ils décrivent les felquistes tantôt comme des terroristes, tantôt comme des gamins perdus. La mort même de Laporte, gauchement étranglé, laisse la porte ouverte aux conspirationnistes.

La constellation du lynx de Louis Hamelin est une version totalement romancée des évènements. Pour bien montrer que ce n'est pas la réalité, l'auteur a changé les noms de tous les protagonistes. Il raconte, dans un désordre chronologique total, comment une bande d'étudiants réunis autour d'un prof universitaire flamboyant mènent l'enquête sur la tragédie à partir d'un tas de documents officiels ou officieux. le récit est donc à plusieurs couches. On suit aussi bien les felquistes dépassés par la tournure des évènements que des acteurs secondaires de l'histoire. Louis Hamelin propose une vision de la crise, essaye de combler les trous de cette histoire, car elle est rempli de vide, cette rocambolesque période. En reprenant certaines déclarations contradictoires, en fouillant dans le merdier que tout le monde veut laissé enfoui, il se dessine une vérité toute subjective qui n'est pas moins intéressante que la version officielle. Et comme en plus, Louis Hamelin a une parlure riche et vivace, la virée dans la crise d'octobre est séduisante en maudit. Il avait 11 ans au moment des faits, il n'est donc pas empêtré dans des souvenirs déformés, c'est réellement une vision d'écrivain sur les choses.

Quelques années après cette agitation, le Parti Québécois a pris le pouvoir sous la houlette de René Lévesque. L'indépendance devait dès lors emprunter la voie démocratique. Pourtant, nous sommes en 2010 et le Québec n'est toujours pas un pays. Dès lors, la révolte de ces idéalistes prend un drôle de goût en bouche. Ils ont tort, mais L Histoire s'amuse à ne surtout pas les contredire.
Lien : http://hu-mu.blogspot.com/20..
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La brique est terminée depuis quelques jours et je suis encore incapable d'en parler de façon très cohérente. le roman lui-même manque un peu de cohérence, à mon goût du moins... D'ailleurs est-ce bien un roman? On reconnaît le genre à quelques ficelles un peu grosses au demeurant : l'histoire d'amour ou encore la rencontre improbable de l'enquêteur-narrateur avec un des protagonistes du FLQ au hasard d'un voyage dans le sud. Aussi, pour déguiser son essai en roman, l'auteur à pris le soin de changer les noms des protagonistes et ceux de certains lieux mais, la correspondance est claire pour qui connaît un peu les faits ou, au pire, avec l'aide de Google, on y retrouve assez facilement ses petits: un mal sans doute nécessaire mais qui a ajouté inutilement un peu de confusion dans mon esprit mal préparé. L'auteur est bien documenté et intelligent de façon évidente. Il semble écrire facilement et je retiens de lui d'abord les trouvailles de ses images décapantes. le revers de la médaille, c'est qu'il y en a tellement que ça en devient fatigant; un tic d'écrivain, un peu dérangeant. Dérangeant aussi le parti pris de l'auteur et la succession des chapitres dans un ordre dont je n'ai pas compris la logique et qui ont limité ma compréhension de la chronologie; certains passages m'ont carrément paru hors contexte et la démonstration, si c'est bien ce que l'auteur voulait faire, n'est pas sans quelques manques. Je reste donc avec l'impression qu'une bonne partie du propos m'est passé au dessus de la tête et je ne sors pas de la lecture avec une compréhension claire de cet épisode si important pour le Québec. Néanmoins, je me sens un peu moins ignorante, avec une opinion encore confuse mais peut-être... à un niveau supérieur.
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10 Octobre 1970, début de la "Crise d'octobre", j'avais 21 ans depuis trois jours et mes hormones étaient plus éveillés que ma conscience politique. N'empêche que je me souviens de cette époque et de son impact sur la société québécoise et sa politique. Depuis quelques années le Québec était entré dans ce qui fût appelé la Révolution Tranquille, qui parmi ceux qui ont vécu cette époque, ne se souvient pas du :"Maîtres chez-nous " de Jean le sage.

C'est dans tous ces souvenirs que la lecture de la constellation du lynx m'a plongé. Louis Hamelin aborde ces événements d'une façon originale et en tire des conclusions qui en valent bien d'autres. Sa présentation des membres du FLQ est bien loin de l'image très sombre dont on nous avait abreuvés à l'époque. Ici ils ont plutôt l'air d'une bande d'idealistes exaspérés mais très peu organisés, pas entraînés, mal équipés et un peu beaucoup naïfs. Les personnages politiques n'ont pas l'air très brillants non plus et jusqu'à René Levesque qui est dépeint sous un jour pas très flatteur. Quant aux policiers, militaires et autres espions, ils sont les méchants de l'histoire et semblent beaucoup plus aguerris que nos supposés terroristes et surtout infiniment plus retors et machiavéliques.

J'ai bien aimé la lecture que fait l'auteur de cette époque et des événements même si au début j'ai trouvé l'ordonnancement des chapitres un peu déroutant mais une fois habitué le livre se lit très bien surtout si on est familier avec les expressions québécoises.

C'est mon prémier roman de cet auteur et C'est certain que je lirai d'autres ouvrages de cet auteur à l'imagination fertile , à l'humour intéressant et à la belle plume agile et efficace quand il s'agit de tordre un peu les expressions populaires pour leur donner un autre sens, il sait très bien jouer avec la langue.
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Voilà un grand roman qui plonge le lecteur à la fois dans le Québec récent et dans celui des années 70, lui révélant une société corrompue jusqu'à la moelle, et un peuple vaincu que l'on abuse et que l'on manipule. Très bien écrit, transportant le lecteur aux quatre coins du Québec et jusqu'au Mexique, la force de ce roman réside dans son rythme et son foisonnement narratif, qui malgré une approche éclatée et une enquête casse-tête présentée par fragments, navigant entre présent et passé au fil de courts chapitres, ne s'égare ni ne s'éloigne jamais de son point focal, soit la crise d'octobre et la mort du ministre Pierre Laporte (renommé Paul Lavoie dans le roman).
L'environnement sauvage de l'Abitibi et la faune font l'objet de passages remarquables qui permettent au récit de respirer et lui donnent toute son amplitude. Les éléments jouent aussi un rôle important; le feu, le froid glacial d'Abitibi ou la mer du Mexique. Ils viennent cristalliser les émotions de Sam Nihilo, le personnage principal, et libèrent les tensions. Ils sont l'exutoire, les seules forces libres du roman.
L'écrivain a aussi ajouté une touche de réalisme magique à son récit en y conviant le fantôme de Paul Lavoie, habile procédé qui permet d'intensifier la charge du passé dans le présent, mais qui résulte surtout en un intéressant jeu de miroirs entre les sentiments d'impuissance de Nihilo et ceux du ministre décédé.
La constellation du lynx est un roman archi-documenté, qui aurait très bien pu être un essai historique. Mais la forme romanesque lui donne un souffle et une puissance qui nous fait être reconnaissant à l'auteur d'avoir choisi cette voie.
Comme Hamelin l'écrit lui-même dans une note finale de l'auteur, ce roman «est un travail de reconstitution pour lequel l'imagination romanesque a servi avant tout d'instrument d'investigation historique. L'histoire officieuse a été le mortier du romancier devant la façade pleine de trous d'une version officielle ne tenant pas debout. »
Le résultat est une thèse crédible sur les véritables dessous de cette crise politique marquante dans l'histoire du Québec.
Universel, le roman de Hamelin nous amène au coeur de nos impuissances collectives, où surgissent quelques éclats de lumière qui ont le pouvoir de les apaiser : l'entraide, l'amour, la nature.
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Les « événements d'octobre » 1970 ont marqué le Québec : des prises d'otages se sont soldées par la mort d'un ministre, les mesures de guerre ont suspendu les libertés civiles, etc. Des tels bouleversements laissent des traces et comme l'assassinat de Kennedy aux États-Unis, ces émotions nourrissent les rumeurs et sont la source de bien des légendes. C'est de cet univers que traite la « Constellation du lynx » dans une version romancée. Pour les Québécois qui ont connu l'époque, un des défis de la lecture est de tenter d'en rattacher les différents personnages du roman aux protagonistes réels de ce drame.

L'ensemble du texte est un peu un fouillis de flash-back, d'anecdotes et d'imaginaire qu'il n'est pas toujours facile de suivre. On lira ce texte pour retrouver l'effervescence d'une époque pas si lointaine…
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le problème de Chevalier était devenu le mien: nous vivions à une époque où l'idée même de conspiration avait été réduite, sous les espèces du complot et de la conspirationnite, à la permanente caricature d'elle-meme, discreditant d'avance toute tentation de réflexion un peu soutenue sur le thème des manipulations politiques.
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Nous vivions à une époque où l'idée même de conspiration avait été réduite, sous les espèces du complot et de la conspirationnite, à la permanente caricature d'elle-même, discréditant d'avance toute tentative de réflexion un peu soutenue sur le thème des manipulations politiques. L'incessant bombardement communicationnel de la toile avait gommé les derniers repères permettant de distinguer entre les catégories du délire et du sérieux.
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Pour chaque bête, lut Chevalier, il existe une manière de la rachever...
Il leva les yeux de la feuille. Godefroid hocha la tête.
Le renard, il faut lui prendre les pattes d'en arrière et les remonter vers le ventre et peser jusqu'à ce que le coeur arrête de battre. Hum... Un lièvre, c'est comme un bébé qui vient au monde. Ça pleure pareil. Tu le tiens par les pieds, pis tu lui crisses un grand coup de karaté derrière la tête.
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Le Parti libéral n’existe, c’est bien connu, que pour conquérir le pouvoir et donner l’occasion au plus grand nombre possible d’amis du régime de se remplir les poches et la panse jusqu’aux yeux.
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...Sam et Marie-Québec étaient des artisses, des gens à qui on préfère en général éviter de demander ce qu'ils font dans la vie, de peur de les vexer : un écrivain pigiste vivotant de contrats et attelé à un bouquin sérieux et sa compagne théâtreuse.
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Vidéo de Louis Hamelin
Louis Hamelin, romancier, publie « Un lac le matin » (LE CULTUREL 2.0 avec Winston McQuade)
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