La question des "menaces" que les machines feraient peser sur l'humanité peut être qualifiée de récurrente. A chaque cycle d'innovation technique, et presque à chaque génération, cette question est reposée.
A chaque fois, le progrès fait le tri entre les peurs et les fantasmes. Il propose de nouvelles machines pour corriger les défauts des anciennes et démontre que, tout compte fait, nos auxiliaires mécaniques nous apportent bien plus de libertés que de servitudes.
A chaque fois, la menace se déplace. Elle a été successivement d'ordre économique (destruction d'emplois par la mécanisation), social (asservissement de l'homme à la machine), environnemental (dégradation de la planète), géopolitiqué, ou éthique (prédominance d'une morale matérialiste). A chaque fois, les machines ont été vivement critiquées pour le risque de "perte d'humanité" qu'elles laissaient entrevoir et violemment désirées pour le supplément de puissance qu'elles apportaient. A chaque fois, le désir l'a emporté sur la peur, mais sans triompher totalement.
Dans ses relations avec les machines, l'homme a rarement été totalement serein. Il a souvent aimé se faire peur, jouer à l'apprenti sorcier, quand il ne concluait pas, comme Faust, des pactes avec le Diable. Il a joué avec les lignes. Celles-ci ont été franchies au moins à deux reprises, les deux grandes guerres mondiales, guerres mécaniques par excellence.
La menace qui intéresse aujourd'hui l'humanité est celle d'un krach écologique ou énergétique, conséquence de la prolifération des machines polluantes et avides d'énergie. Si cette menace mérite évidemment d'être prise en compte, elle ne constitue en fait qu'un aspect du sujet. La question de fond se pose en termes de souveraineté: De l'homme et des machines, qui commande qui?
La thèse développée ici est que cette "autre croissance", bien qu'eminemment souhaitablé, ne pourra s'imposer qu'au prix d'une reprise en main des machines de toutes sortes qui pèsent d'un poids considérable sur nos modes de vie, notre organisation sociale, nos désirs, notre dépendance énergétique, et donc sur notre avenir.
Ce sont elles - Copenhague, Lyon, Barcelone, et bien d'autres - qui tirent aujourd'hui l'innovation en matière de développement. En décrivant ce mouvement dans Le pouvoir des villes, il m'est apparu qu'une des causes majeures de leur avance, c'était leur capacité à gouverner les machines.
Les lauréats 2020 : Jean Haëntjens pour "Comment l'écologie réinvente la politique" (Rue de l'échiquier) ; mention jeunesse : Bénédicte Solle-Bazaille pour "40 activités zéro déchet pour bricolos éco-responsables" (Belin Jeunesse). Remise du prix par le président du jury Dominique Bourg.