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Fredric Jameson (Autre)
EAN : 9782358722629
160 pages
La Fabrique éditions (15/09/2023)
2.86/5   22 notes
Résumé :
Quoi de commun entre George Bush, un Afro-Américain condamné à mort en Indiana, l’extrême droite française, la Fédération anarchiste, Le Figaro, L’Humanité, des stars de Hollywood et des intellectuels arabes anticolonialistes ? Tous revendiquent Camus. Camus est partout, mais qui est-il ? Colonialiste ou anticolonialiste ? Pour ou contre la peine de mort ? Résistant de la première heure ou personnage aux engagements ambigus et tardifs ? Militant antifranquiste aux a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Pauvre Camus !
Il fallait bien qu'un jour ou l'autre, il passe à la moulinette du wokisme. Évidemment mâle blanc, cisgenre, hétérosexuel, fidèle à sa terre et à ses origines, ne reniant rien, son compte était bon
Mais dors tranquille, Albert, on ne t'oubliera pas. Et on te lira encore quand tes insulteurs woke tiendront compagnie dans les poubelles de l'histoire aux petits marquis marxistes de Saint Germain des Prés qui t'insulterenr eux aussi au temps de leur gloire
Ils seront très bien ensemble
Pour prendre quelques exemples de la malhonnêté du livre:
-l'auteur fait grief à Camus d'avoir eu une position ambigue sur la peine de mort parce qu'il l'aurait souahité pour les collabos en 1944
Il oublie de dire que cela ne l'empêcha pas de signer la même année le recours en grâce de Brasillach et que dès 47 il revenait sur cette position
-il lui reproche d'avoir toujours été antimarxiste (c'est une défaut?) et d'avoir été opposé à Sartre, oubliant de dire que c'est ce dernier qui rompit avec lui, et le fit couvrir d'insultes par ses séides, ce même Sartre, qui, entre autres exploits, fit jouer Les Mouches devant un parterre d'officiers allemands, prétendant ensuite que la pièce contenait des allusions antinazies qu'ils n'étaient pas capables de comprendre, et essaya de se faire passer pour résistant à la Libération (il est vrai que seuls les Américains s'y laissèrent prendre un temps)
Par ailleurs il cite un texte de Mauriac qu'il a grossièrement déformé pour lui faire dire ce qu'il ne dit pas Ceci est détaillé sous la reproduction de cette citation ci-après
La façon dont le texte de Mauriac est déformé et obvié traduit un manque complet de probité intellectuelle indigne d'un véritable historien; et on comprend pourquoi, au mépris des règles scientifiques, Gloag ne source pas ses textes
Cela, avec certains points que j'ai souligné dans ma chronique,et d'autres encore relevés dans la presse, ou encore ci-dessous par Cléophas, établit le manque total de sérieux de ce texte et de son auteur et au-delà de la culture et de la pensée woke
Monsieur Gloag est professeur d'université aux USA; on pourrait attendre de lui plus de rigueur et de probité scientifique
Il est français, et on ne peut donc invoquer une mauvaise compréhension de la langue pour justifier les déformations qu'il fait subir aux textes

Pour en revenir à Camus était un grand honnête homme, d'une conscience et d'un courage physique et moral que peu peuvent prétendre égaler, et surtout pas ses petits détracteurs woke, qui, contrairement à lui, n'ont guère que des tigres de papier à affronter
Et il est lamentable de voir la malhonnête et l'acharnement de ses détracteurs.

Quoiqu'ils en disent, Camus était un homme de gauche. Par souci de clarté, je dois.dire que, si j'admire son talent et son courage de Camus, je suis très éloigné politiquement et philosophiquement de la plupart de ses positions

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Du père Loubet à Albert Camus
Par François Labbé
J'avais 12 ans lorsque mon père, CRS à la compagnie de Rennes, fatigué d'aller taper sur les métallos de Saint-Nazaire, décida de se faire muter en Algérie pour gagner du galon et acheter une dauphine, avec « la » prime octroyée pour les départs vers ce pays.
L'idée n'était pas fameuse, nous étions en août 1958 et De Gaulle venait d'affirmer à la foule qui était massée devant lui sur la place du Forum qu'il l'avait comprise.
Pour moi commençait une période difficile. Je quittais mon école Saint-Hélier où j'étais bon élève, la chorale, l'épicière revêche de la rue de Vern, le bistrot du coin et ses odeurs de pisse, bistrot qui venait d'avoir la télé et où on pouvait voir le Tour de France, tout un univers assez gris dans le fond, ennuyeux, étroit, mais où la peur était inconnue.
Au lycée Lamoricière, ce fut autre chose. J'étais le « Patos », le métropolitain, le fils de CRS, le « beurton » plouc, l'oie blanche qui ne savait même pas comment « s'en taper une »… On me fit vite savoir que j'étais une sorte de paria.
Alors, au cours des années oranaises, je me suis trouvé d'autres copains, des exclus, comme moi, des qui n'étaient pas pour l'Algérie française que proclamaient ces gars délurés, moqueurs et bagarreurs de la classe. Il y avait le fils d'un officier de marine qui détestait sa belle-mère et ses hauts talons, un fils de CRS comme moi, dont le père était un violent alcoolique qui ne cachait pas ses sympathies pour l'OAS. Nous habitions non loin les uns des autres et nous nous étions liés à un jeune facteur arabe, qui nous rejoignait quand il avait terminé ses distributions. Ce dernier nous avait dégotté une vieille machine à écrire et nous tapions des textes sommaires anti Algérie Française dans une cave désaffectée puis fourrions à la va-vite nos quelques tracts dans autant de boites à lettres que nous pouvions.
J'avais pourtant un bon copain pied-noir, Paul, un voisin. Ses parents étaient de pauvre gens qui avaient dû quitter leur métairie pour une raison obscure. le père, profondément dépressif, était un gros homme qui passait sa vie au lit à geindre. La mère faisait des ménages quand elle en trouvait.
Paul me racontait ses tourments. À la campagne, ils étaient heureux. Il parlait arabe et ses meilleurs copains avaient toujours été des Arabes. Et puis, un jour, un vol avait été commis et des voisins arabes jaloux avaient dénoncé son père au patron. C'avait été la raison de leur renvoi. Depuis, il vouait une haine, comme son père et sa mère, aux Arabes et ne jurait qu'OAS, rêvant de bombes et de revanche. J'aimais beaucoup Paul, car nous nous entendions bien : fréquentant le lycée professionnel, il n'était pas comme les gommeux du Lamoricière et m'avait d'emblée accepté. Cependant, je ne pouvais comprendre sa haine et il m'était impossible d'essayer de discuter sur ces sujets brûlants avec lui. Un jour, il ne voulut plus me voir et j'appris peu après qu'il avait perdu la vie : la bombe qu'il fabriquait avait explosé.
C'était l'époque aussi où je prenais le bus pour aller au lycée à un arrêt qui se trouvait près d'un garage qu'occupaient un vieil arabe décharné et sa mère impotente et aveugle : le père Loubet. On lui avait donné ce nom parce qu'il était né en 1900 quand le président Loubet avait été élu. À l'époque, il avait donc à peine soixante ans, ce qui était très vieux à mes yeux d'ado problématique.
Pour vivre, il transformait tous les matins le devant de son garage en un étal de fruits et légumes, car sa maigre retraite d'ancien combattant ne lui permettait pas de vivre.
À chaque fois qu'il me voyait, la cigarette à la lèvre, il m'appelait, faisait un cornet avec une feuille de journal, y déposait quelques dattes et me les donnait. « Pour la route », marmonnait-il, avec un sourire édenté.
J'avais petit à petit pris l'habitude d'aller voir le père Loubet au retour. Il était toujours assis sur un cageot, m'en proposait un. Je m'asseyais et il allait parfois me chercher un pirouli, ces morceaux de glace aromatisée qu'il fabriquait dans sa glacière, avec une allumette en guise de bâton. Mon père m'avait interdit d'en manger, car « il » utilisait, prétendait-il, de « l'eau sale ». Bien entendu, je ne tenais pas compte de cet avertissement et d'ailleurs je n'ai jamais été malade. Loubet parlait peu et il se contentait d'écouter ce que je lui racontais et qui consistait en peu de choses. Nous restions donc là, assis l'un à côté de l'autre, lui fumant et moi léchant ma glace ou simplement fixant la rue. On se regardait parfois, on se souriait. C'était à peu près tout. J'osais parfois l'interroger et il me parlait alors de la France où il avait été en 1917 pour « faire la guerre » comme il disait. Il haïssait cette période de sa vie semée d'horreur et jamais n'exhibait les deux médailles qu'on lui avait données. Il espérait que la France, ce grand pays, éliminerait bientôt la misère du peuple arabe algérien et croyait en De Gaulle pour cela. « La France et l'Algérie, ensemble, formeront un grand pays, où tout le monde sera heureux, me disait-il, les Arabes et les autres »…
Et puis, la guerre s'est intensifiée. Oran, jusqu'en 1960 était relativement calme. On disait que le FLN y envoyait ses blessés pour s'y refaire une santé. Cela n'a pas duré. Un attentat était suivi d'une « ratonnade » et celle-ci de nouveaux attentats et ceux-ci… On n'en finissait pas, les nuits résonnaient de concerts de casseroles dans les quartiers européens, de bruits d'explosions, et, le soir, dans les « villages arabes », les you-you des femmes se déchaînaient.
Un jour, le garage de Loubet resta fermé.
Des voisins bien informés racontèrent qu'il n'avait pu payer l'impôt exigé par les hommes du FLN ou avait simplement refusé. Alors, lui qui en plus était un fumeur notoire, il avait subi la dernière punition avant le « sourire kabyle », l'égorgement réservé aux traitres : on lui avait coupé les oreilles et le nez. Ce que les gens appelaient, dieu sait pourquoi, « boycoter ».
En effet, quelque temps plus tard, on le vit revenir avec une charrette charger ce qu'il avait dans son garage. Il s'en allait pour toujours. Il était affreusement défiguré.
Je n'osais pas m'approcher de lui. Personne ne le fit d'ailleurs. Ni les Arabes ni les « Européens » du coin. On le vit faire son déménagement avec lenteur et dignité, sans jeter un oeil ni à droite ni à gauche. Il aida sa vieille mère à s'asseoir sur la charrette au milieu d'un paquet de vieilles nippes, serra les sangles du bourricot et s'en fut d'un pas lent, son turban de travers et sa culotte flottant sur ses jambes maigres.
Paul et le père Loubet.
Deux souvenirs tristes qui me rendaient bien malheureux et je me demandais bien pourquoi sur cette terre magnifique, dans ces superbes paysages, au bord de cette mer bleue, les hommes ne pouvaient s'entendre. Pourquoi les Arabes étaient-ils condamnés à une existence précaire ? Pourquoi étaient-ils si peu nombreux au lycée ? Pourquoi les Européens (toute différence sociale comprise) avaient-ils peur des Arabes et ne voyaient en eux que l'homme au couteau ?
La guerre s'est terminée, nous sommes rentrés en Bretagne, mais ce souvenir douloureux est resté.
Depuis quelque temps, il semble être à la mode de décrier Albert Camus. Camus le séducteur, Camus le macho, Camus le romancier, Camus le philosophe surfait et surtout l'homme qui n'a pas su s'engager vraiment pour l'indépendance (voir, par exemple, un de ces Érostrate de pacotille comme Olivier Gloag et son Oublier Camus)…
Il est toujours tentant d'établir sa réputation sur le démontage d'une gloire affirmée. Montrer que les faits et le mythe ne coïncident pas, que la vérité est enfin rétablie. Oeuvre de justice et d'équité, l'écrivain qui ainsi se lance dans l'arène prétend faire oeuvre de salubrité publique .
Certes.
Mon expérience d'homme dérisoire me fait comprendre Camus, ses atermoiements, son supplice pendant cette période cruciale qu'a été sa fin de vie.
Inutile de revenir longuement sur sa biographie, son enfance pauvre, ses études.
Rappelons tout de même qu'en 1934, il entre au PC qui tente de se monter en Algérie. le parti utilise le jeune étudiant en philosophie qu'il est pour des opérations de propagande en direction de la population musulmane afin de recruter des sympathisants voire des membres, ce qui se révèlera quasiment impossible, mais permettra au moins à Camus de fréquenter une population qu'il n'aurait autrement pas pu connaître et de militer pour la cause des Arabes tant le sort qui est fait à la quasi-totalité le révolte. Un an plus tard, lorsque Pierre Laval, alors ministre des Affaires Étrangères, est de retour de Moscou, le Parti demande à ses adhérents de ne plus soutenir les revendications des nationalistes algériens. Camus refuse le diktat stalinien et doit alors quitter le Parti.
Après la victoire du Front Populaire, en 1936, il fonde avec d'autres libertaires à Alger un Théâtre du travail et participe à l'écriture de Révolte dans les Asturies ( une grève dans les mines en 1934) diffuse un manifeste en faveur du projet réformiste Blum-Viollette et accompagne la troupe de théâtre amateur de Radio Alger à travers l'Algérie, qu'il découvre vraiment tout en terminant son diplôme sur Plotin et Augustin, les deux philosophes d'Afrique du Nord.
Le 2 août 1936, après un discours de Messali Hadj, le fondateur du MNA, au stade d'Alger, dans lequel il s'opposait au Congrès Musulman, favorable au projet Blum-Viollette. Il aurait rencontré Messali et manifesté une grande sympathie pour l'Étoile Nord-Africaine, combattue par le PCA, puis dissoute par le gouvernement Blum début 1937. Camus protesta en publiant dans Le Monde Libertaire (n° 31, décembre 1937) un « Appel de solidarité avec les partisans de Messali Hadj ». Quelques années plus tard, il avait prit connaissance du « Manifeste du Peuple Algérien » rédigé par Ferhat Abbas le 10 février 1943 dans lequel celui-ci demandait l'indépendance ou au moins l'autonomie dans un cadre fédéral. En 1944, pour promouvoir cette idée, Ferhat Abbas constitua les Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) auquel Camus s'intéressa. Désormais, il pensa qu'avec une autonomie de l'Algérie gérée par des responsables politiques algériens, le droit à l'entité algérienne devait être pris en compte.
En 1937, ne pouvant passer l'agrégation de philosophie en raison de problèmes de santé, il s'impliqua davantage dans ce qui l'intéressait au plus haut point : l'écriture. Il donna d'abord Noces, des nouvelles pleines de sensualité, de nature méditerranéenne, d'Alger, de soleil, de passions frustres. La mort est le mal absolu, et la vie, la condition humaine absurde. L'angoisse consécutive mène le jeune écrivain (atteint de tuberculose) à la révolte, révolte qui se manifeste par un hédonisme triomphant, jubilatoire mais sans illusion : profiter de la vie et jouir de son être. Il écrivit aussi un roman La Mort heureuse, qu'on peut considérer comme une première mouture de ce qui deviendra l'Étranger (1940) et commence un essai philosophique, le mythe de Sisyphe.
Alors que sa vie sentimentale était fort compliquée, il accepta divers petits emplois mais, à partir de 1939, il collabora à Alger Républicain grâce à Pascal Pia et renoua avec ce qui l'avait choqué dans ses premières rencontres avec les autochtones algériens en enquêtant sur la famine qui dépeuple alors la Kabylie. le titre des articles qu'il donna, « L'itinéraire de la famine » indique bien sa volonté de démontrer les tenants et aboutissants de ce drame : le système colonialiste : « Je suis forcé de dire ici que le régime du travail en Kabylie est un régime d'esclavage ». Dans ces articles déjà, il esquissait ce qui, selon lui, pourrait être l'avenir de l'Algérie : « Si la conquête coloniale pouvait jamais trouver une excuse, c'est dans la mesure où elle aiderait les peuples conquis á garder leur personnalité. Et si nous avons un devoir envers ce pays, il est de permettre à l'une des populations les plus fières et les plus humaines de ce monde de rester fidèle à elle-même et à son destin ».
Il dénonçait encore avec véhémence « le mépris général où le colon tient le malheureux peuple de ce pays […] ».
Le rédacteur du journal, nota dans un article du 11 juin 1939, que "les milieux arabes et kabyles suivent avec un intérêt passionné le développement de l'enquête de notre camarade Albert Camus sur la misère en Kabylie. Déjà la simple annonce de cette enquête avait provoqué de l'émoi dans certains cercles toujours portés à voir une atteinte à leur prestige dans chaque manifestation de la vérité".
Ces articles ne lui valurent bien entendu pas que des amis. En outre, avec la guerre, la censure s'intéressa de près aux articles de son journal et celui-ci arrêta de paraître en 1940.
Camus, qui devait subvenir à ses besoins familiaux sollicita Pascal Pia qui fit jouer alors ses relations pour lui permettre d'entrer à Paris-Soir.
Peu avant l'arrivée des troupes allemandes à Paris, ce journal se replia sur Clermont, puis sur Lyon. le jeune journaliste hésita alors entre la France et l'Algérie, écrivit beaucoup, puis se fixa un temps à Oran où il obtint un poste d'enseignement précaire et y termina le Mythe de Sisyphe qui connut un bon succès dans la France occupée.
Revenu en « métropole », il travailla pour Gallimard, entra dans la Résistance et collabora à la rédaction de Combat. Il y condamna en particulier dans ses articles la politique coloniale de la France. À la libération, l'opposant à la peine de mort qu'il était s'opposa à François Mauriac au sujet des épurations. En 1945, il condamna sans ambiguïté la répression sanglante qui suivit les émeutes de Sétif. Claude Prot écrivit avec raison à propos de son attitude après-guerre : "Camus jeta des cris d'alarme lors de la révolte malgache de 1947 et lorsque éclata la bombe d'Hiroshima. Camus jugea très sévèrement la politique algérienne de la France et dénonça vigoureusement les atrocités des représailles de l'armée française qui suivirent les émeutes nationalistes de la région de Sétif-Guelma-Kerrata en mai 1945. Nombre d'Algériens avaient combattu dans les rangs de l'armée française. Dès lors, le nationalisme algérien avait trouvé un second souffle. La misère du temps avait poussé à la révolte, mais l'armée française ne pouvait pas essuyer un revers en Algérie, d'où ce carnage qui fit 50 000 victimes" .
Dans Combat toujours, il protesta contre la condamnation des communistes grecs en 1952 et contre l'admission de l'Espagne de Franco à l'Unesco. le Monde publia en juin un article sur son attitude : M. ALBERT CAMUS refuse de collaborer à l'U.N.E.S.C.O. " tant qu'il sera question d'y faire entrer l'Espagne franquiste ".
Il dénonça encore le stalinisme, l'écrasement des ouvriers à Berlin-Est en 1953 et prit le parti des révoltés de Budapest en 1956.
Il fut en bref de tous les combats et écrivit contre tout ce qui méprise l'individu, foule au pied la liberté, nargue l'esprit démocratique. Il condamne toute exaction de quelque côté qu'elle vienne.
La guerre d'Algérie venait alors d'éclater le 1er novembre 1954. Il prit position dans l'Express lors des massacres d'El Halia et d'Ain-Abid, le 20 août 1955, perpétrés contre des Européens par des émeutiers fanatisés. Pour lui « la guerre est une duperie et (que) le sang, s'il fait parfois avancer l'histoire, la fait avancer vers plus de barbarie et de misère encore ».
Le drame algérien l'obsède alors et son Homme révolté traduit son dégoût de quelque violence que ce soit. Avant tout, il considère que le mal vient du regard porté par le colonisateur sur le colonisé. Il écrivait déjà dans Combat en mai 1945 :
« Mais avant d'entrer dans le détail de la crise nord-africaine, il convient peut-être de détruire quelques préjugés. Et, d'abord, de rappeler aux Français que l'Algérie existe. Je veux dire par là qu'elle existe en dehors de la France et que les problèmes qui lui sont propres ont une couleur et une échelle particulières. Il est impossible en conséquence, de prétendre résoudre ces problèmes en s'inspirant de l'exemple métropolitain [...] Sur le plan politique, je voudrais rappeler aussi que le peuple arabe existe. Je veux dire par là qu'il n'est pas cette foule anonyme et misérable, où l'Occident ne voit rien à respecter ni à défendre. Il s'agit au contraire d'un peuple de grandes traditions et dont les vertus, pour peu qu'on veuille l'approcher sans préjugés, sont parmi les premières. Ce peuple n'est pas inférieur, sinon par la condition de vie où il se trouve, et nous avons des leçons à prendre chez lui, dans la mesure même où il peut en prendre chez nous. Trop de Français, en Algérie ou ailleurs, l'imaginent par exemple comme une masse amorphe que rien n'intéresse. […] Quand j'aurai enfin noté ce que trop de Français ignorent, à savoir que des centaines de milliers d'Arabes viennent de se battre durant deux ans pour la libération de notre territoire, j'aurai acquis le droit de ne pas insister. Tout ceci, en tout cas, doit nous apprendre à ne rien préjuger en ce qui concerne l'Algérie et à nous garder des formules toutes faites. de ce point de vue, les Français ont à conquérir l'Algérie une deuxième fois. Pour dire tout de suite l'impression que je rapporte de là-bas, cette deuxième conquête sera moins facile que la première. En Afrique du Nord comme en France, nous avons à inventer de nouvelles formules et à rajeunir nos méthodes si nous voulons que l'avenir ait encore un sens pour nous. »
Pourtant si son analyse frappe par sa clairvoyance, ses voeux demeurèrent pieux et il comprit à son corps défendant que cette violence qu'il exécrait s'était enracinée entre les deux communautés et qu'il était peut-être déjà trop tard pour parvenir à un compromis humain et solide.
« J'ai lu, écrivait-il, que 80% des Arabes désirent devenir des citoyens français. Je résumerai au contraire l'état de la politique algérienne en disant qu'ils le désiraient effectivement, mais ils ne le désirent plus ».
Si en France, il a désormais acquis une vraie réputation de philosophe et d'écrivain, les amis de Sartre le salirent comme le fit l'auteur de L'Algérie, hors-la-loi, Francis Jeanson, dans les Temps Modernes, avec son article injuste et d'une ironie blessante : "Albert Camus ou l'homme révolté".
Mais il ne se laissa pas intimider. Sans ses Chroniques algériennes, parues en 1958, il dénonça encore une fois la violence aveugle, de quelque côté qu'elle vienne, et en
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Voilà certes un ouvrage qui manquait sur les rayons des libraires et des bibliothèques des Universités de France et de Navarre.
Voici donc un singulier professeur de Caroline du Sud qui vient détricoter la littérature de notre irremplaçable Albert Camus, Prix Nobel de Littérature, connu dans le monde entier, avec son roman que la terre entière nous envie, L'Etranger, avec son exemplaire La Peste, et ses autres ouvrages non moins célèbres. Sans oublier ses articles divers et variés, que chacun peut trouver en libraire ou consulter en intégralité sur Internet. Et penser aussi aux interviews qu'il a données et ses diverses apparitions télévisées, accessibles sur YouTube et Cie.
Il y a longtemps que je m'intéresse à la vie de Camus et à ses oeuvres, dont certaines n'ont pas encore tout révélé tant elles sont protéiformes et complexes.
A présent il nous faut « oublier Camus » telle est l'idée de Olivier Gloag, qui n'a rien cherché d'autre que déboulonner de manière incomplète, fausse et retorse les propos de Camus, ses écrits et même en fouillant dans sa correspondance avec Maria Casares. le comble, Camus serait misogyne, raciste ( lui, un raciste !!), détestant les Arabes (n'importe quoi), hésitant, tergiversant, et patati et patata. Gloag n'hésitant pas à tronquer les phrases, à supprimer l'essentiel, ne cherchant que ce qui peut faire douter, gêner, menant ainsi à l'outrage et à la controverse. C'est facile un tel travail !!!
Tout est bon pour jeter l'opprobre et attiser la zizanie sur l'auteur le plus lu au monde et le plus respectable et respecté, admiré même, et sans doute génial tout autant que Flaubert ou tout autre.
J'ajoute que la préface de cet essai est celle d'un MARXISTE nonagénaire, Fredric Jameson ,dont « les ouvrages » sont curieusement orientés et qui n'ont pas leur place en France de toute manière.
J'ajoute aussi que les Éditions La Fabrique est ancrée à l'ultra gauche, signe évident d'impartialité et de wokisme : « Maison indépendante, La Fabrique se fait connaître par la publication d'essais engagés politiquement, qui se veulent « ancrés politiquement à gauche de la gauche, mais sans céder à aucun esprit de chapelle, sans être inféodés à aucun groupe ni parti
Ce qui se passe aux USA ne se passe pas en France. Et il devient dangereux pour les Français que n'importe qui, à présent, un illustre inconnu, ayant peu produit et ne s'étant pas mesuré à d'éminents critiques itteraires et hommes politiques - finalement un provocateur WOKISTE bien évidemment, s'attaque à nos valeurs, notre Histoire de France, notre politique, nos hommes de lettres, nos prix Nobel.
Si tous les hommes étaient ou avaient été comme Albert Camus, qui fut le parangon de la modération, de l'exigence, de la loyauté, de la persévérance, et peut être même du génie, si les peuples d'autres pays ou continents l'avaient vu naître chez eux, que de gloire, de fierté et d'amour en auraient-ils conçu et ressenti !
Nous ne pouvons admettre ni tolérer un tel saccage au nom de « la tolérance. »
Il est à prévoir que « cette thèse » va s'attirer plus de critiques sévères que d'éloges - c'est déjà le cas d'après les réactions que j'ai pu lire, ici et là.
Réveillons-nous !!!
Ici un replay en référence avec son exposé à Paris en octobre dernier.
https://soundcloud.com/kiokacy/oublier-camus-avec-olivier-gloag-et-louisa-yousfi
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« Parangon d'un humanisme abstrait », « aussi vague qu'ostentatoire », Albert Camus semble faire l'unanimité. Pourtant, ses contradictions, « force motrice » de son oeuvre, sont rarement étudiées. Professeur associé à l'Université de Caroline du Nord, Olivier Gloag propose une relecture de ses textes pour mettre en lumière son « attachement viscéral » au colonialisme, et analyse ses relations avec Jean-Paul Sartre, à qui ses textes semblent souvent répondre.
(...)
En conclusion, il estime que « Camus est la figure qui permet le confort intellectuel, à l'image d'une France où, après des décennies d'antimarxisme, tous les contresens sont permis, où l'on peut parler d'immigration sans parler de colonialisme. Oublier Camus tel qu'on nous le présente, c'est également permettre de jeter un regard plus lucide sur les faux-semblants d'une certaine gauche qui masque insidieusement son racisme et son impérialiste avec une fausse universalité, qui masque aussi la lutte des classes avec un égalitarisme de façade, cette gauche dont Camus est devenu l'un des emblème. » En proposant une autre lecture de l'oeuvre de Camus que celle unanimement admise, Olivier Gloag met en lumière les contradictions d'un auteur qui cherche à échapper au temps (et à l'Histoire) grâce à un bonheur idéalisé et une communion avec une nature débarrassée des Autres, et les tabous occultés par un consensus fabriqué. Cet ouvrage qui égratigne une icône consensuelle, ébranle bien des idées reçues.

Article complet sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451 :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Faire oeuvre quand on n'a pas de talent?... Super fastoche! Il suffit désormais de dézinguer celle des ses illustres prédécesseurs.

Oublier Camus est un ouvrage idéologique pure sucre qui aurait tout aussi bien pu s'intituler Déboulonner Camus et dans lequel la malhonnêteté intellectuelle le dispute à la pensée prêt-à-porter woke (autrement dit, l'escroquerie à l'imposture). On en trouvera une analyse fouillée, également déjà toute prête et sur mesure, en consultant Wikipedia à la rubrique... "Détergent":

"Un détergent (ou agent de surface, détersif, surfactant) est un composé chimique, généralement dérivé du pétrole, doté de propriétés tensioactives, ce qui le rend capable d'enlever les salissures. La détersion est un élément d'hygiène fondamental, puisqu'il permet d'éliminer une grande partie des bactéries présentes en particulier sur la peau, et sur les ustensiles servant à la préparation et à la consommation des repas. La molécule du détergent est amphiphile, c'est-à-dire dotée d'une tête polaire, hydrophile (ou lipophobe), attirant l'eau, et d'une longue chaîne hydrocarbonée, apolaire, hydrophobe (ou lipophile), attirant les lipides (huiles et graisses). L'extrémité hydrophile est miscible à l'eau tandis que l'extrémité lipophile de la molécule est miscible au solvant apolaire. Les molécules du détergent peuvent donc s'insérer à l'interface eau-lipide et détacher les graisses d'une surface. Les groupements polaires peuvent être chargés positivement, négativement ou neutres. La présence conjointe de groupes fonctionnels possédant une affinité, et pour l'eau, et pour les graisses, permet la formation de micelles."

Erreur dans le titre de l'ouvrage, donc. le titre correct est évidemment: Oublier Gloag.

(Après cette lecture, et pour filer la métaphore hygiénique, "Gloag", moi ça m'évoque furieusement: "Cloaque".)
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critiques presse (2)
Bibliobs
14 février 2024
L’essai se termine sur la nécessaire redécouverte de Sartre. Oublier Camus, sauver Sartre, ou comment faire du vieux avec du vieux.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
NonFiction
25 septembre 2023
"Oublier" Camus a le grand mérite de dépasser l’image d’Épinal de l’auteur et de montrer toute son ambiguïté sur la question coloniale comme sur d’autres sujets d’une actualité encore brûlante.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
La peine de mort supprimée dans les textes continuerait de régner dans les mœurs – ou plutôt l'usage du meurtre policier si répandu partout et qui, par comparaison, restitue à la peine de mort sa dignité et son honneur. Vous pouvez l'effacer de toutes les législations où elle subsiste encore, des innocents n'en seront pas moins légalement abattus, par exemple “pour avoir tenté de fuir“. (François Mauriac)
À travers la vision romantique d’un Camus simultanément colon et anticolonialiste, c'est l'image d'une France à la fois coloniale mais tout autant éprise de justice qu'on met en avant. À travers l'idéalisation de Camus, c'est l'histoire de France qu'on mythifie.
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Video de Olivier Gloag (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Olivier Gloag
Aujourd'hui, deux essais se penchent sur deux figures indépassables… ou pas ? Celle d'un écrivain célèbre, mais ambivalent dans "Oublier Camus" d'Olivier Gloag, et celle des "bons pères de famille" chez Rose Lamy.
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