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sur 1611 notes
°°° Rentrée littéraire 2023 # 20 °°°

Les premières lignes du prologue nous mettent sur la piste d'une enquête policière avec comme narratrice celle qui va la mener. Une disparition, banale pour un polar. Un couple et son fils de huit ans.

Sauf que nous sommes en 2049, dans une France dystopique où on vit à l'ère de la Transparence depuis la Revenge week de 2029, révolution qui a éclaté suite à un énième crime jugé impuni par une population excédée par le laxisme de la justice. Pour se libérer du Mal, les Français ont désormais le choix : vivre dans des quartiers transparents composés de maisons-vivariums. Un moins pire des mondes où on ne peut plus battre sa femme, maltraiter un enfant ou une personne âgée en EHPAD puisque la moindre suspicion de crime déclenche immédiatement une réaction des voisins, tous en hyper vigilance sur ce qu'il se passe à côté de chez eux.

La famille qui a disparu vit dans un de ces quartiers de verre huppés ultra sécurisés. Comment donc trois personnes peuvent-elle s'évaporer dans un monde où personne ne peut rien cacher ? L'enquête en elle-même est bien menée, mais manque de complexité ( tout est prévisible ) ... en amatrice de polars, je suis restée quelque peu sur ma faim.

Evidemment, l'essentiel pour l'autrice n'est dans la trame polar. Il réside dans l'anti-utopie que Lilia Hassaine a très intelligemment imaginé. On n'est clairement pas dans la dystopie cauchemardesque à la 1984 ou La Servante écarlate, mais dans un monde tellement proche du notre que le léger décalage en devient d'autant plus crédible et donc glaçant.

Des procès populistes en direct-live sur les réseaux sociaux pour infliger des peines aux délinquants. Des zones de droit, immeubles emmurés hors de la Transparence, dans laquelle vivre est une circonstance aggravante en cas de procès. Exhibitionnisme de ceux qui aiment être vus, vie affichée parfaite et sourire figé. Intimité impossible sauf à s'enfermer dans un lit sarcophage pour faire l'amour sans être vus … ou pas.

Mille détails à la lucidité terrifiante font immédiatement tilt dans notre esprit, d'autant que l'écriture de Lilia Hassaine est nette, sans fioritures, lisible et didactique, ce qui permet au lecteur de complètement croire à ce monde transparent. La narration est étonnamment calme et posée, resserrant l'intrigue au maximum de l'épure. On y perd un peu en haletant même si jamais l'intérêt ne retombe. Surtout, le lecteur est poussé à réfléchir de façon très fertile et stimulante.

L'autrice écrit vraiment fort bien et on aurait envie de noter de très nombreuses phrases qui résonnent avec l'évolution dérangeante de nos sociétés contemporaines. Par contre, l'ensemble est très froid, clinique, le cérébral prend le pas sur l'émotion. Ce n'est pas un défaut en soi, mais là, j'ai regretté de ne pas vibrer avec les personnages car je pense que cela aurait amplifié la réflexion à la Black Mirror, déjà riche. Cela aurait pu être moins désincarné avec plus de pages, notamment pour étoffer le bon personnage d'Hélène, l'enquêtrice quinquagénaire qui a connu le monde d'avant et voit ses certitudes voler en éclats à mesure qu'elle découvre la vérité sur ce qui se cache derrière les apparences.

« Une brèche s'est ouverte dans ma conscience. Je rêve de nouveau et voudrais ne plus jamais quitter mon lit. Depuis que j'ai commencé mon enquête, mon cerveau explore de nouveaux territoires. Il émet des hypothèses, il réfléchit sans moi. Pendant des années, mon sommeil n'était qu'une parenthèse, un tunnel interminable. le monde qui m'entourait était exactement ce qu'il avait l'air d'être, et je n'avais plus besoin de l'interpréter ni de le comprendre. Cette nuit, j'ai eu le sentiment de renouer avec l'invisible, avec tous ces signes, ces images qui échappent au langage, à la rationalité. »
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Fenêtre sur cour à tous les étages.
Hitchcock peut ranger sa caméra. En 2049, terminées les cachotteries et les petites manies honteuses. Les familles vivront dans des vivariums exposés à l'oeil curieux des passants et des voisins chargés de s'assurer qu'aucune violence agite le cocon familial. Vivons heureux, vivons exposé ! c'est le paradis des voyeurs. Il ne restera plus que la voiture pour se curer le nez.
Plus la peine de se planquer derrière les rideaux ou de sortir les jumelles pour espionner en cachette les moeurs et les fréquentations du type louche d'en face ou les formes de la blonde du troisième.
Pavillons en verre sans aucun angle mort pour préserver un peu d'intimité. Juste quelques vitres fumées seront autorisées dans l'espace douche et pour les toilettes.
S'agissant du devoir conjugal hebdomadaire, pour éviter le lèche vitrine, un sarcophage romantique sera dédié à la discipline pour s'isoler avec bouton d'urgence relié au commissariat en cas de migraine soudaine, d'humeurs moins badines, si Monsieur a oublié d'enlever ses chaussettes ou si finalement il y a un match à la télé.
La transparence a remplacé la liberté dans la devise nationale pour garantir la sécurité de tous. Impossible de laisser tomber un emballage dans le mauvais bac sans risquer une dénonciation, impensable de punir la marmaille sans voir débarquer les services sociaux, inutile d'essayer de se gaver de mal bouffe en cachette sur son canapé ou d'allumer un cigare sans avoir un rappel à l'ordre du Ministère de la Santé. Qui a dit on dirait des vacances en Suisse ? Attention, on vous a à l'oeil. L'intimité est sacrifiée à la sécurité et une forte présomption de culpabilité pèse sur les derniers réfractaires au naturisme des moeurs.
Comme si cette vie de cobaye ne suffisait pas, la justice se rend à la majorité de clics sur les réseaux sociaux. Pour perpète, tapez 3. Pour la relaxe, tapez sur qui vous voulez. Tous les avis sont autorisés.
Ce modèle de société sous surveillance permanente résulte d'une révolution survenue en 2029 lors de la « Revenge Week », semaine du Talion durant laquelle toutes les victimes de crimes prescrits ou impunis s'étaient faits justice eux-mêmes.
Dans cette ère de la Transpa rance qui n'a fait que succéder à la religion du selfie, à la sacralisation du moi, à la dictature du paraître et à la petite musique solo du « on ne s'occupe pas assez de soi » alors que l'on ne fait plus que cela, la disparition inexplicable d'une famille dans un quartier ultra sécurisé va rappeler que derrière les apparences d'une société parfaite, bien peignée qui sait recevoir à défaut de savoir donner, la nature humaine porte toujours le gène de la violence, quelques atomes de fureurs et des cellules dormantes de pulsions invisibles. Un peu longue cette phrase, vous pouvez souffler.
Le roman de Lilia Hassaine avait donc tout pour me passionner mais je n'ai pas trouvé l'histoire à la hauteur du propos. Les quelques pages contextuelles qui décrivent le basculement de la société dans le règne de la transparence sont plus intéressantes que l'intrigue banale et bancale qui décore le récit pendant 200 pages. J'ai presque eu l'impression que le roman commençait à la fin de l'histoire, que je suivais une course après la ligne d'arrivée, quand les athlètes en sueur n'ont plus rien à donner à part leur odeur. le devenir de cette famille m'a autant passionné que la météo de la semaine dernière.
C'est vraiment dommage car le style épuré et froid comme le salon d'une maison témoin, parfait pour épater des convives lors d'un diner, mais débarrassé de toute forme de vie, colle très bien à la description d'une époque aseptisée.
Une approche plus américaine du récit, qui raconte plus qu'elle ne suggère, aurait à mon sens offert davantage de saveur à cette dystopie du lendemain qui déchante. Je le dis rarement et pas trop fort, mais je pense qu'il manque une bonne centaine de pages à ce roman pour répondre à l'ambition du propos. Les limites du pouvoir de suggestion.
« Panorama » propose un joli point de vue. Il lui manque juste la vision périphérique d'une Lionel Shriver ou d'une Emily St.John Mandel.
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A la frontière entre utopie et dystopie c'est un roman plaisant à l'idée intéressante et écrit sous la forme d'un thriller dont l'enquête tient en haleine.

En 2049, dans un monde pourtant placé sous haute surveillance Hélène, Gardienne de protection, est appelée sur une enquête qui déstabilise la communauté : un couple, les Royer-Dumas et leur jeune garçon a disparu dans un monde ou crimes et disparitions ne sont plus censés exister.

Les investigations permettront de remonter 20 ans auparavant aux premières heures de la nouvelle Révolution française la « Revenge Week » qui installa en France un climat insurrectionnel par lequel « les victimes punissent les bourreaux ».
Beaucoup se feront justice eux-mêmes et c'est dans ce contexte glaçant que le mouvement de « la Transparence citoyenne » voit le jour.
Comme bien des violences se perpétuent entre les murs, la pierre a été remplacé par le verre donnant naissance à des habitations vitrées où chacun vit sous le regard de l'autre renonçant à son intimité dans un souci de pacification. le regard du Big Brother orwellien ici est celui de tout un chacun mais c'est un regard consenti. D'autres quartiers vivent de manière marginale loin de la transparence refusant surveillance et sécurité.

La narratrice livre une observation clinique de ce monde aseptisé où la transparence est poussée à l'extrême et la surprotection prime sur les libertés entraînant clivage et déshumanisation.
« il suffit d'une alarme pour qu'ils se réveillent tous, observant par les vitres, la sauvagerie des hommes, curieux du moindre évènement, d'une dispute conjugale, ou d'une arrestation».

En fouillant dans la vie, l'appartement et le voisinage des Royer-Dumas, en investiguant dans les zones de non-droit en marge des quartiers transparents, la narratrice se remémore son passé, livre ses déboires amoureux et ses réflexions sur ce monde qui accorde peu de place à l'intimité et au secret.

Avec peu d'indices l'enquête piétine et ce n'est qu'un an plus tard qu'une vérité surprenante éclatera …Révélant que finalement cette « transparence » communautaire ne peut rien contre l'opacité des individus.
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Extrapolant à l'extrême nos tendances contemporaines, Lilia Hassaine imagine une crédible contre-utopie, où la dictature de l'ultra-transparence aboutit au triomphe de l'hypocrisie dans une société retranchée derrière les apparences.


Nous sommes en 2049. Depuis que, vingt ans plus tôt, la « Revenge Week » – semaine de la vengeance – a tourné à la révolution sanglante lorsque les victimes de harcèlement, de crimes familiaux et de délits écologiques ont entrepris de se faire justice dans la violence, et que, pour apaiser le pays, le gouvernement a adopté une nouvelle Constitution, la France métamorphosée vit sous le règne de la Transparence, un « pacte citoyen fondé sur la bienveillance partagée et la responsabilité individuelle ». Ceux qui le désirent – précisons : et qui en ont les moyens – peuvent vivre en totale sécurité dans des quartiers transparents, constitués d'habitations de verre qui les livrent au regard bienveillant et protecteur d'autrui. Les autres sont libres de s'entasser en marge, à leurs risques et périls, dans des zones de non-droit – devenues, il faut le dire, de plus en plus défavorisées au fil du temps.


C'est dans l'un de ces quartiers de verre, où ni secrets ni criminalité n'existent plus, qu'à la stupéfaction générale, une famille s'évapore au nez et à la barbe de tous. Ravie de reprendre du service alors qu'elle n'était plus depuis longtemps qu'une « gardienne de protection », une ex-commissaire est chargée d'enquêter. Car, crime il y a bien eu. Et, malgré les déboires de sa propre vie privée et, bientôt, les pressions dans cette société boule de verre propice aux effets de loupe, il va lui falloir faire la part des mensonges et des hypocrisies pour mettre au jour les vérités sordides camouflées sous la perfection affichée.


Captivé par le suspense et par l'original – mais jamais invraisemblable – imaginaire de ce récit habilement construit, dans une langue vive et élégante, entre fable et polar, l'on se retrouve face au miroir, pas si déformant, qu'avec une lucidité critique, l'auteur tend à la société d'aujourd'hui. Montée des populismes, libertés sacrifiées aux obsessions sécuritaires, confusion entre opinion et justice. Vies privées mises en vitrine sur des réseaux sociaux favorisant par ailleurs l'isolement, le conformisme et l'emballement émotionnel au détriment de la réflexion. Vie liquide de l'éphémère et de l'immédiateté, mirage et dictature des apparences dans un monde où tout le monde surveille tout le monde, se compare, aime ou déteste en stigmatisant la différence. Nettoyage des textes de tout ce qui peut paraître incorrect, wokisme : autant de glissements actuels de la société qu'il suffit juste à l'auteur de prolonger pour nous présenter une vision de cauchemar dont il faut bien reconnaître qu'elle paraît à peine dystopique.


C'est un panorama bien inquiétant que nous présente ce roman d'anticipation auquel on n'a aucun mal à croire, tant il reflète de vérités sur les tendances de la société contemporaine. Plus encore qu'une dystopie originale et un polar addictif, ce troisième livre de Lilia Hassaine est un puissant roman social, riche de sens et fort habilement construit. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Imaginez une ville où les maisons ont des grandes baies vitrées donnant accès à votre intimité. Votre vie exposée à tout le voisinage. C'est ce que raconte Lilia Hassaine dans cette dystopie un brin dérangeante.
« La transparence a de bons côtés
Elle nous a rendus plus attentifs aux autres. Face à la solitude, la tristesse, la maladie, il y aura toujours un voisin pour sonner chez vous »
Oui mais voilà, ce monde transparent qui prône la sécurité et la bienveillance n'est pas sans risques. On s'épie et on se sait épié, pas toujours facile à vire. Bien sûr, ce modèle de transparence s'adresse à une élite qui a les moyens. Les autres, marginaux et rebelle, vivent aux Grillons.
« Les habitants vivent dans des barres d'immeubles surpeuplés, ou dans des pavillons aux murs et cloisons en béton. Ils vivent hors de la Transparence, par manque de moyens pour certains, par volonté pour d'autres, et ils en ont le droit. »
Dans ce monde coupé en deux, ce sont les citoyens qui jugent les crimes et les délits de leur quartier, encore un effet de la Transparence.
Mais si le crime a disparu, cet équilibre va être remis en cause par la disparition d'une famille. Hélène, qui n'est plus policière mais gardienne de protection, va enquêter sur cette disparition mystérieuse. Elle-même vit dans une maison transparente, avec, comme avantage, d'avoir remis son mari volage dans le droit chemin. Pourtant, ils n'ont plus rien à se dire et la relation devient toxique. Il finira par la quitter pour une instagrammeuse. Pourtant, Hélène est toujours amoureuse de son mari infidèle et leur relation ambivalente n'est pas convaincante.
A travers l'enquête, Lilia Hassaine cherche à nous démontrer la menace sur les libertés individuelles et sur la vie privée dans ce monde de transparence. Elle fait le parallèle avec les réseaux sociaux où s'exposent nos vies privées.
L'idée est fort alléchante, sauf que, après un début prometteur, on s'enlise dans les lieux communs et les stéréotypes. Je m'attendais à une analyse plus approfondie d'une société du paraitre où le vivre ensemble proscrit le droit à l'intimité.
Et que dire des personnages ? Ils semblent s'ennuyer…et nous avec !


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Vue panoramique… sur l'intérieur des voisins

Comme souvent dans les dystopies, le futur imaginé par Lilia Hassaine est fondé sur les meilleures intentions. Imaginez la transparence absolue, un monde aux parois vitrées où chacun vivrait sous le regard protecteur de ses voisins. le temps des violences domestiques et des abus de tous ordres semble révolu, c'est le règne de l'harmonie, du bon goût, du politiquement correct et du contrôle social. À tel point que la police devient superflue ! Pourtant, un jour une famille entière disparaît. Ancienne commissaire de police, Hélène reprend du service…

Lilia Hassaine tire le fil de son hypothèse : jusqu'où pourraient nous mener l'aspiration au contrôle social et la tentation du voyeurisme ? À quoi ressemblerait une société de la transparence totale ? Quels seraient son architecture, son système politique, son économie, ses méthodes éducatives, sa morale ? L'atmosphère est bien croquée, on étouffe derrière les doubles-vitrages, dans ces intérieurs lisses comme un tableau de Hopper.

J'aime les expériences de pensée et j'ai passé un très bon moment avec celle-ci. Elle donne à réfléchir aux tensions entre liberté et sécurité. À ce que l'on perd à laisser la sphère privée à une peau de chagrin. Aux limites de chercher à ménager toutes les susceptibilités ou de juger toute chose à l'aune de son potentiel instagrammable. Aux bonnes idées évidentes qui ne le sont souvent pas tant que ça.

J'ai trouvé que le roman forçait un peu le trait – sur les usages des réseaux sociaux qui, une fois de plus, présentés de manière outrancière, sur le manichéisme de la société imaginée qui n'offre par exemple un avocat qu'aux victimes ou avec cette protagoniste qui dévorait les livres, enfant, mais ne sait plus les utiliser en l'absence de « bouton latéral » ou de « mode veille ». J'ai pu avoir l'impression qu'en caricaturant certaines causes, l'autrice jetait un peu le bébé avec l'eau du bain. Mais j'ai été sensible à son éloge de la discrétion et du secret : pour vivre heureux, vivons cachés !

Et c'est hyper malin d'avoir mis le roman sous tension par le biais de cette disparition inexplicable. Il se dévore (même si j'ai trouvé la résolution de l'enquête un brin capillotractée).

Je n'ai donc pas été convaincue par tout mais ce n'est pas grave, j'ai pris un grand plaisir à lire ce roman porté par une plume très agréable qui mélange les genres avec bonheur. Une dystopie stimulante et captivante.
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Si ce roman a tout du polar dystopique, il est aussi une belle réflexion sur l'évolution de nos relations sociales.

Dans un futur proche, la transparence est devenue le mot-clé qui gouverne nos faits et gestes, au point de vivre dans des maisons de verre, qui livrent à qui veut bien les voir, les moindres gestes de nos vies quotidiennes. L'intimité des couples est en partie préservée par un subterfuge technique qui révèle malgré tout la nature de l'occupation en cours.

Dans cette société, le ghetto est l'ordre du monde : les villes sont constituées de quartiers à thème. Bien imprudent celui qui se risque à en sortir.
Dans l‘une de ces vitrines offertes, un couple disparaît. le fils est lui aussi aux abonnées absent. La police, mais je devrais dire les gardiens de protection, s'empare de l'enquête.

Ne pas se tromper de coupable, car c'est le jugement populaire qui détermine son sort, la justice étant devenue une affaire d'opinion et de vote !

Les dérives du système sont multiples et bien analysées.


Cette transparence est aussi une métaphore de ce que les médias tentent dès à présent de mettre en place. le paraître est au premier plan, bien loin derrière l'être. Et ce que l'on montre à grand renfort d'images, est un écran qui masque l'ordinaire bien plus médiocre que voudrait le faire croire les photos retouchées.


Beaucoup de plaisir de lecture pour ce roman bien construit et générateur d'une réflexion bienvenue

240 pages Gallimard 17 août 2023



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“Celui dont la maison est de verre doit se garder de jeter des pierres aux autres.” C'est ce qu'affirme Courteline et c'est la désormais la loi adoptée par la majorité de cette société française de 2049 qui a aboli les institutions pour parvenir à la démocratie au sens littéral du terme puisque l'on aura plus recours à des représentants, mais que c'est bien la société qui se fera juge de toute infraction au code de civilité, chaque individu sera témoin de la vie des autres puisque chacun devra s'établir dans une maison de verre et pourra surveiller les actions d'autrui. le grand maître sera le dossier de la transparence, lisible par tous, qui indiquera les faits et gestes des citoyens.

Une telle société est-elle possible ? Si chacun peut trouver des éléments de réponse, je trouve regrettable que ce roman ne se consacre pas totalement à cette réflexion. Bien sûr, on s'apercevra que la transparence peut certainement limiter les méfaits, mais pas les éradiquer, pour preuve, ce double crime perpétré un assassin qui ne devrait pas recevoir ce qualificatif et qui s'expose à un jugement exempt de toute impartialité puisque la loi écrite et ratifiée n'existe plus et qu'elle est remplacée par le jugement populaire.

C'est la raison pour laquelle je me sens mitigée : on se retrouve face à une dystopie qui un peu plus creusée, pouvait aboutir à un descriptif beaucoup plus détaillé de cette nouvelle société, mais l'autrice a préféré parachuter quelques faits montrant les travers de ce monde transparent : personnes qui vivent comme dans une télé-réalité, dictature des réseaux sociaux et perte de l'intimité des individus. Il y avait de quoi bâtir un roman entièrement basé sur ces faits et dénicher tous les travers d'un tel fonctionnement, avec des personnages refusant cette transparence et agissant activement comme le fait George Orwell dans son roman 1984, et il y en a dans le roman, mais montre-t-ils vraiment une résistance active ?

Le choix de Lilia Hassaine porte sur une enquête menée par le personnage principal, Hélène qui semble avoir des difficultés pour affirmer sa personnalité, peut-être parce qu'elle subit le regard de l'autre, parce que la transparence transforme les individus en esclaves de cette société désormais aux aguets des moindres faits et geste de l'autre, parce que la communication n'est plus vraie… Parce qu'officiellement Hélène accepte ce fonctionnement. Toutefois, il faut lire entre les lignes, elle expose sa vie, se raconte, donne peu son avis et reste souvent dans le descriptif, mais est-elle si transparente ?

Je sens à l'écriture de cette chronique qu'il ne faut pas nécessairement tenir compte de mon avis parce que personnellement, j'aime les thrillers et l'action, les récits au rythme soutenu, les rebondissements multiples, les scènes effroyables qui font que le roman vous capte.

Ce n'est pas le cas dans ce roman qui cependant, si on aime les récits qui véhiculent un sujet épineux transmis par la mémoire du personnage principal sous forme d'exposé en laissant le lecteur être le seul juge avoir eu connaissance des aspects de cette société, on peut vraiment apprécier cette dystopie.

J'ai tout de même passé un bon moment de lecture, particulièrement dans la deuxième partie, dans laquelle, après une sorte d'enlisement de l'enquête, des éléments viennent s'ajouter pour aboutir au dénouement.
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Lilia Hassaine situe l'intrigue de « Panorama » en 2050, dans une France qui a fait la révolution de la Transparence, en 2029. Une révolution initiée par un influenceur célèbre qui a porté plainte contre son oncle qui l'a violé lorsqu'il était enfant, et demande le droit de se faire justice, les faits étant prescrits. Une affaire qui semble banale, mais va conduire au procès de la Justice, puis à la « Revenge Week », une semaine au cours de laquelle les victimes se vengeront des exactions commises par leurs bourreaux.

C'est l'avocate de l'influenceur, qui lance le mouvement « Transparence citoyenne » et obtient que ceux qui se font fait justice soient graciés, à condition que les violences cessent. Pour atteindre cet objectif, l'idée lumineuse selon laquelle on ne commet pas de crimes lorsqu'on se sait observé s'impose et conduit à ériger la Transparence en règle absolue. Un jeune architecte est ainsi chargé de conceptualiser et de réaliser un urbanisme adapté à ce nouveau dogme. Les maisons, les appartements, les écoles, les hôpitaux, les prisons, les commerces seront à présent construits en verre. Et la nuit, des lumières rouges éclaireront l'intérieur des maisons.

« La Transparence est un « pacte citoyen fondé sur la bienveillance partagée et la responsabilité individuelle », d'après le Préambule de la Constitution de 2030. »

Dans ce nouveau monde où chacun observe les faits et gestes de son voisin, la criminalité a disparu. Dans les quartiers huppés, tout n'est que « luxe, calme et sécurité ». Des verres opaques permettent de prendre sa douche dans une relative intimité (seul le visage reste visible). L'acte d'amour peut-être réalisé après que les deux amants ont exprimé leur consentement en déclenchant la fermeture de leur lit-sarcophage.

Une fissure apparaît dans le meilleur des mondes, lorsque la famille Royer-Dumas, qui habite un quartier ultra-sécurisé, disparaît : David, Rose et leur jeune fils Milo s'évaporent sans laisser de traces. Hélène, une ancienne commissaire, devenue gardienne de protection depuis que la violence a été éradiquée par la transparence, reprend du service pour tenter de résoudre ce qui évoque un mystère absurde.

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« Panorama » est une contre-utopie qui interroge les limites d'une société où l'intimité a été sacrifiée sur l'autel du culte de la transparence. Une société dévoilée à travers le regard d'Hélène qui a repris son rôle d'enquêtrice pour tenter de résoudre le mystère de la disparition de la famille Royer-Dumas.

« Les réseaux sociaux ont connu leur apogée au moment de la révolte de 2029. L'avenir était alors au métavers, on nous promettait que l'homme du futur s'échapperait du monde matériel grâce à des casques de réalité virtuelle. Personne n'avait anticipé le scénario inverse : une société où, sans casque ni lunettes connectés, on jouerait chaque jour à être l'avatar de soi-même. »

L'idée-force du roman est simple : elle repose sur le constat que nous vivons déjà dans un monde fasciné par la transparence et pousse les curseurs à leur maximum pour nous emmener dans une « démocratie » d'un nouveau genre. La verticalité a cédé la place à l'horizontalité, une forme d'autogestion citoyenne a pris le pouvoir, l'avis des jeunes gens est devenu parole d'Évangile, la duplicité, la tromperie, la violence ont été éradiquées.

L'auteure a identifié plusieurs travers très actuels : fascination pour l'exhibition de soi, amplifiée et véhiculée par les réseaux sociaux, critique permanente d'une justice dysfonctionnelle, crédit accordé à une jeunesse en colère incarnée par Greta Thunberg, etc. L'univers dystopique de l'ouvrage permet de questionner notre société hypnotisée par la possibilité d'un monde qui aurait fait fi de toute opacité. le « Panorama » dressé par le roman est peut-être en réalité celui de notre époque.

Le nouveau roman de Lilia Hassaine évoque « 1984 » de George Orwell, qui avait imaginé un monde cauchemardesque où chacun était en permanence observé par un télécran, un univers régi par la célèbre maxime : « Big Brother is watching you ». L'auteure reprend en réalité l'idée géniale d'Evgueni Zamiatine, qui imaginait en 1920, dans son roman « Nous autres », une société entièrement transparente, prenant la forme d'une Cité de verre.

Tandis que Zamiatine s'attachait à dénoncer les dérives du léninisme et qu'Orwell dévoilait l'horreur du stalinisme, « Panorama » dresse une critique acerbe des menaces qui planent sur notre démocratie.

L'enquête policière n'est que le prétexte de la mise à nu de l'hypocrisie de cette société de la transparence absolue, qui dissimule des zones d'ombre inavouables derrière le modèle de vertu qu'elle prétend incarner.

Le roman séduit par l'ironie qui sous-tend la contre-utopie imaginée par l'auteure. Comme Orwell et Zamiatine, l'auteure porte avant tout un regard critique sur notre présent, en imaginant le futur terrifiant qui pourrait advenir. Un présent qui nie toute négativité et a érigé le culte du positif en nouvelle religion.

« Plus personne, dans notre société qui « aime », dans notre société qui « like », ne peut comprendre l'argentique. À moins de transformer les « négatifs » en « positifs ». »

Malgré une ambition qu'il faut saluer, « Panorama » n'atteint pas les sommets que le début de l'intrigue laisse entrevoir. La Cité de verre ne surprend pas le lecteur du chef-d'oeuvre de Zamiatine. L'intrigue policière est parfois cousue de fil blanc. L'ouvrage manque enfin d'un véritable souffle romanesque et évoque une dénonciation par trop « transparente » des maux de l'époque.

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TRANSPARENCE A OUTRANCE N'ETANCHE PAS LA VENGEANCE.

Que voilà un chouette petit roman bien tourné. Nous sommes au carrefour de la Science-fiction et du polar avec une bonne touche de socio, comme tous les romans d'anticipations.

Voyez plutôt ! Nous sommes en 2049, âge du verre (2049 c'est loin et c'est proche en même temps... mine de rien, ça ne fera que 8 ans que je serai à la pension. La pension est à 67 ans en Belgique).
2049, c'est 20 ans après la "revenge week" événement durant lequel les foules hurlantes se sont vengées de tout un chacun. Suite à cela, il a été décidé de construire des villes en verre où tout est transparent, où tout le monde se voit. Bien entendu, pas partout, il reste un espèce d'inframonde qui ressemble furieusement à notre monde actuel.
Dans ce nouveau monde tout en verre, tout le monde a été regroupé par quartier, le quartier LGBTQI+, le quartier noir, le quartier des riches, le quartier des célibataires,... (Ouais ça fait un peu ghetto, d'accord).
Un monde ultrasécuritaire avec caméras et patrouilles de sécurité qui voient donc tout ce qu'il se passe à l'intérieur de chez vous, les murs étant tous en verre.
Et c'est là, dans le quartier des riches où tout se voit, où tout le monde a une caméra braquée sur lui que disparait une famille ! Miguel, Rose et Milo Pfffffff envolés.
Commence alors une enquête pleine de rebondissements, où Rose n'est pas Rose, où la voisine aurait pu se venger mais non, où les riches transparents n'ont de transparent que leur maison.
Un monde peuplé d'hypocrites transparents... même pas translucides.

Ce monde dépeint par Lilia Hassaine est peut être déjà le monde que nous vivons. Un monde où tout un chacun s'exhibe sur les réseaux sociaux. Un monde où tout le monde étale son bonheur, ses vacances, ce qu'il mange mais un monde aussi peuplé de faux-semblants.
Un monde transparent n'empêche pas l'humain d'être humain, dans tous ses travers.

Ce roman se laisse dévorer sans aucun problème, l'intrigue est bonne et se tient jusqu'au bout.
Pour moi un bon bouquin de cette rentrée littéraire 2023 !
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