Marita cherche son fils unique, qui s'est enfui, qui a voulu probablement rejoindre la grande ville et peut-être oeuvré à l'indépendance de son pays, le Zimbabwe. Et elle est prête à tout pour le retrouver, même se rendre jusque dans cette fameuse cité dont elle entend parler. Mais avant, elle doit recueillir quelques témoignanges et les fonds nécessaires à son entreprise. C'est le point de départ de la trame narrative du roman
Ossuaire. Mais cette trame se mêle et s'entremêle, un peu dans le désordre (j'ai perdu le fil un instant et je ne savais plus où j'en étais dans cette histoire) au gré des différents points de vue, des différents narrateurs, de leur interprétation des événements, etc. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi, c'est seulement que ça peut devenir déboussolant au début alors il faut rester vigilent.
C'est que le lecteur a rarement le témoignage direct de Marita, plus souvent qu'autrement les pensées des autres personnages qui croisent sa route, et leurs propres préoccupations. Par exemple, la jeune Janifa à qui son fils a adressé une lettre avant de partir, le cuisinier Chisaga qui pourrait lui procurer l'argent nécessaire à son voyage (à un certain prix !), etc. Et ces personnages interagissent avec d'autres, comme le patron de la plantation où ils travaillent tous, Manyepo. Ce que j'aime de ces gens-là, c'est leurs préoccupations très terre-à-terre. Pas la dernière émission de téléréalité qui fait fureur, pas l'achat du dernier modèle de téléphone mobile, pas les frivolités ni les mélodrames insignifiants. Ces gens-là travaillent avec acharnement pour une misérable pitance, ils n'ont pas de temps à perdre avec des problèmes somme toute peu important. Ils n'ont peut-être pas une vie enviable selon nos standards occidentaux mais j'envie leur simplicité (ne serait-ce qu'un seul instant). Ceci dit, je ne souhaite pas enjoliver cette situation. Tous ces personnages, en particulier Marita, survivent. Ils mènent une vie de misère et de souffrance dans ce Zimbabwe à peine sorti de la colonisation.
Cette simplicité sur laquelle j'écrivais plus tôt, elle se traduit dans l'écriture. J'écris cela sans mesquinerie ni condescendance. L'auteur
Chenjerai Hove utilise une plume économe mais ô combien riche et poétique. Souvent, les sages Africains manient la langue orale comme peu savent le faire et cela se transpose à l'écrit. Ça me rappelle Ahmadou Kouroumé,
Mariama Bâ et plusieurs autres. Bon, peut-être que je me goure, surtout que la
Côte d'Ivoire et le Sénégal ne sont pas le Zimbabwe, d'une extrême à l'autre de cet immense continent. Mais ce qui unit ces écritures, c'est cette sagesse ancestrale, qui permet toujours à n'importe quel homme ou femme de lancer un proverbe, des paroles sensées mais sans prétention, qu'on peut appliquer à toute situation. Philosophie de la vie et style littéraire se mélangent pour former un roman unique.