« Chacun dispose de sa bibliothèque, elle est à la fois commune et singulière, exigeante et confuse. On ne s’en sort pas, c’est du jamais vu, puisqu’on en est envahi. Il y est même interdit de faire la part des choses. C’est tout et rien, une contradiction, comme les liqueurs du dedans, ces humeurs de l’esprit qui en sortent et en sont à la fois les issues. Souvent on ne lit bien que si l’acuité qui nous entraîne naît d’une singularité, d’un objet décalé, parfois même étranger au livre qui nous entame. »
« Certains ont tourné le dos, se sont éloignés et tus. Mais on entend mal leur refus ; il nous blesse un peu. Aussi, devant le magnifique plaisir de se faire oublier, préfère-t-on croire qu’ils nous envient ce qu’ils ne désirent pas. Leur indifférence semble un vain paraître, leur écart une intransigeance, leur face-à-face solitaire la vanité secrète d’un moi trop silencieux. Ils sont sévères, ils ne jouent pas. Mais, allons, ils sont face à quoi ? A d’autres, ils sont comme vous et moi ! Craignant l’obscurité, on soupçonne qu’un manque s’y blottit, qu’un aveu se retient, que la parole médit. On leur reproche notre servitude et l’avidité qui nous contraint. Comme si la grâce ou le destin, appelons-le ainsi, pouvaient faire carrière dans le culturel. »