AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782866454081
294 pages
Le Félin (30/11/-1)
3.83/5   6 notes
Résumé :
Le 2 février 1939, Anatole Deibler s'effondrait sur un quai du métro Porte de Saint-Cloud, foudroyé par une embolie. Pendant plus d'un demi-siècle, ce petit homme ordinaire avait assuré le service de la guillotine, au nom de la France. Les anarchistes Ravachol et Vaillant, ou encore " Raymond la Science ", rescapé de la Bande à Bonnot, furent guillotinés par celui qu'on nommait familièrement " Monsieur de Paris ". Beaucoup d'autres, plus ou moins illustres parmi le... >Voir plus
Que lire après Anatole DeiblerVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Tout d'abord un grand merci à Babelio, à Masse Critique et aux éditions du félin de m'avoir permis d'avoir entre les mains ce livre plus que digne d'intérêt.
Il y a eu dans notre histoire nationale depuis le tournant du premier millénaire 2500 exécuteurs, écorcheurs, punisseurs, bourreaux appartenant aux quinze mêmes familles.
"Ainsi se constitue, à partir du XVIIe siècle, une caste de quelques familles, les Sanson, les Deibler, les Berger ou Desmorest.
Dès l'origine de la profession, l'exécuteur des hautes oeuvres fut un personnage à la fois sacré et détesté, commettant pour la collectivité le péché de tuer, à une époque où l'influence d'un seigneur se mesure au nombre de gibets exhibés sur ses terres. A ce " privilège " s'ajoute celui d'exécuter les basses oeuvres - équarrissage des animaux morts, vidange des fosses d'aisance -, faisant de ce paria un éboueur de la société."
J'avais eu l'occasion de lire le premier bouquin que Michel Folco a consacré à la profession de bourreau, intitulé - Dieu et nous seuls pouvons -.
Je m'étais promis à la première occasion de revenir sur ces "dynasties" de tueurs légaux ; le livre de Gérard A. Jaeger a été cette occasion.
Grâce aux "Carnets d'exécutions" écrits par Anatole Deibler pendant ses décennies d'activité, carnets récupérés par sa fille Marcelle et auxquels l'auteur a eu accès, il a pu reconstituer le parcours dichotomique, schizophrénique, tiraillé... "coupé en deux"... comme guillotiné, de cet homme que rien si ce n'est d'être le fils de, ne destinait à couper des têtes.
Car si Anatole Deibler avait la tête tout entière tournée vers son "travail" qu'il exécutait avec un soin maniaque... ce désir de perfection le lavait en partie des souillures de sa sale besogne... son corps était celui d'un homme qui aspirait depuis l'enfance à être un homme parmi les hommes, qui aspirait à s'éduquer, à lire, à voyager... bref, à rêver à d'autres choses qu'à des têtes tranchées se retrouvant au fond d'une malle en osier...
Or son grand-père s'appelait Joseph Deibler, son père Louis Deibler... et ces deux-là, bourreaux de père en fils, tenaient à ce que perdurât leur dynastie.
L'auteur nous montre ce que fut le destin contrarié de ce petit-fils et fils d'exécuteurs en chef qui, ne pouvant échapper à ce que la vie lui avait réservé, exerça son "métier" avec l'obsession de la "perfection", n'y mettant aucun coeur mais une grande force d'âme.
C'est donc une biographie à partir desdits carnets, des ouvrages de recherche, que nous livre Gérard A. Jaeger.
À côté de la vie de cet homme planent celles de ceux auxquels il a enlevé la leur... et ils sont nombreux.
Les petits carnets et les recherches permettent d'exhumer le souvenir de qui ils furent et de ce qu'ils firent.
Beaucoup eurent des noms entrés dans L Histoire comme Troppmann ( au passage, lire le petit livre de Tourgueniev - L'exécution de Troppmann -), Caserio ( assassin du Président Sadi Carnot ), Soudy, Monier, Callemin dit "Raymond la Science"... trois membres de la bande à Bonnot, Landru, Gorguloff ( assassin du Président Paul Doumer )etc etc...
Sa vie se mêle à celle de son siècle.
À la Commune, aux attentats anarchistes, à la Première Guerre Mondiale, à l'entre-deux-guerres avec la montée des nationalismes, des populismes et l'avènement des régimes autoritaires.
On se promène entre les allées impériales du second Empire, celles des expositions Universelles, les petits chemins empruntés par les vélocipèdes et les routes où teufteufaient les premières automobiles qui frôlaient pour certaines les 40km/heure.
On y côtoie surtout la Veuve, la Grognon, la bascule à Charlot, la Louison ou Louisette, la Fin de la soupe, la Mer au bleu, la dernière bouchée, le Massicot, le Coupe-cigare, le Rasoir national... la guillotine.
Et dans cet ouvrage, comme un hommage rendu à Ikea, on vous détaille son montage, son démontage, son entretien.
Vous saurez tout sur la lame... l'acier dans lequel elle est taillée, son poids, sa forme, ses dimensions, sa vitesse ( 20 km/heure )... celle de sa descente... et celle de son exécution ( elle tranche une tête en deux centièmes de seconde ).
Vous ferez connaissance avec les divers bois de justice ( en clair, les différentes pièces qui constituent l'échafaud ).
Vous apprendrez beaucoup sur son histoire, sa conception par les deux "Louis"... celui qui lui a donné son nom s'appelait Guillotin... mais il s'en fallut de peu qu'elle en eût un autre...
Entre la vie ambivalente d'Anatole Deibler, vous parcourrez presque deux siècles d'Histoire... pour arriver à, enfin !, la mort... bien après, hélas, celle de Deibler, à celle de "la mangeuse d'hommes" en 1981.
Pour l'abolitionniste de toujours que je suis, passer de l'autre côté du miroir en lisant et donc en entrant dans la tête d'un bourreau, un homme qui voulut tellement ressembler à Monsieur tout le monde, se fondre dans l'anonymat, banaliser son geste au point de n'avoir de cesse pendant quarante ans de réclamer que lui fut accordé le statut de fonctionnaire ( on lui payait des gages ), cette lecture fut des plus intéressantes, des plus "humaines"... je sais que ça peut paraître paradoxal ... car sorti de ces 300 pages qui se referment sur la liste des noms des 395 exécutés par Anatole Deibler entre 1885 et 1939... je me suis dit, naïvement peut-être, que cet homme avait été vraisemblablement autant victime que bourreau...
Un bon ouvrage sur un sujet que je n'ai pas voulu trop détailler pour ne pas divulgacher votre lecture... j'aurais pu aborder le thème plus "psychologique" du pourquoi cette fascination de ces foules qui s'agglutinent au pied de l'échafaud, de ces agences de voyages qui offraient dans le menu de leur séjour qui une visite pour voir "la bête" qui pour assister à une exécution.
J'aurais pu évoquer cette Anglaise qui avait tenu à s'allonger sur la bascule et éprouver le grand frisson.
J'aurais pu mentionner les rivalités entre exécuteurs ( en particulier le recours aux lettres anonymes ), les incroyables vocations professionnelles des postulants bourreaux.
J'aurais pu parler des adversaires farouches de la peine de mort au premier rang desquels résonnent le nom de Victor Hugo et son livre - le Dernier jour d'un condamné, évoquer les partisans de cette boucherie d'État... et leurs arguments.
Il ne tient qu'à vous de faire ce que je n'ai pas dit...
En guise de conclusion ce constat édifiant :
"Une étude publiée en 1894 montrait que, sur cent soixante-dix-sept condamnés à mort, soixante-quinze avaient été les spectateurs d'une exécution capitale avant de commettre leur crime. Et la France n'avait pas le triste privilège de cette situation."

Commenter  J’apprécie          312
Me voilà bien embarrassée pour noter ce livre qui m'a été offert par Babelio et les éditions du félin lors de la dernière Masse critique : le livre est passionnant, mais il me manque 40 pages..... Je passe de la page 255 à la page 297.... Il me manque surtout la fin du texte ! Quel désappointement !
.
Ce texte est une biographie d'un personnage pour le coup atypique. Surnommé "Monsieur de Paris", son titre était "Exécuteur des Hautes Oeuvres", en un mot ce monsieur Anatole Deibler était bourreau. Il l'a été de 1885 à 1939.
L'auteur s'intéresse à sa vie au quotidien (surtout l'enfance, très dure pour lui), à ses hésitations à faire ce métier et à la difficulté d'échapper à son destin (petit-fils de bourreau, fils de bourreau, sa mère était fille de bourreau....).
J'ai découvert que ce poste faisait honte à son titulaire, aux voisins, mais à la République elle-même puisque ce poste n'était pas un poste de fonctionnaire. le bourreau recevait une enveloppe avec laquelle il devait vivre, mais aussi acheter la guillotine (si si), l'entretenir, organiser son transport en province (à la disparition des bourreaux de province). Une découverte pour moi.
Le texte aborde aussi les tentatives d'abolition de la peine de mort au cours de la IIIe République, et passe en revue quelques affaires célèbres (Ravachol, la bande à Bonot, Landru) ou moins célèbres mais qui ont fait avancer la criminologie (l'affaire de la malle de Lyon, l'affaire Vacher - sans doute le premier tueur en série référencé comme tel, le juge qui a travaillé comme un "profiler" le ferait aujourd'hui).
.
PS : si quelqu'un a l'épilogue (qui selon la table des matières va de la page 257 à la page 283), ça m'intéresse bien... Parce que franchement, je suis un peu verte.... Ca fait toujours plaisir de recevoir un livre, mais là c'est un peu rude, un livre dont il manque la fin..... Heureusement c'est une biographie pas un polar !!! Vous imaginez un Agatha Christie sans les 30 dernières pages ? Argh !
****
Il m'est désormais possible de mettre des étoiles à ce livre que j'ai apprécié, que j'ai trouvé intéressant et qui m'a appris beaucoup de choses. En effet la maison d'édition (le Félin) m'a non seulement envoyé un autre exemplaire (complet !) mais également un autre livre de leur collection. Mille mercis !

C'est ce que j'aime dans les "Masses critiques" : choisir au hasard sans a priori et tomber sur un livre qui vous apprenne des choses, qui vous fasse découvrir un sujet vers lequel vous ne seriez jamais allé. Mission 100% remplie ici !
Commenter  J’apprécie          2519
La biographie d'Anatole Deibler écrite par Gérard A. Jaeger retrace en six chapitres la vie hors normes de cet homme qui exerça le métier de bourreau de 1885 à 1939. La petite histoire dans la grande. Celle d'une profession dynastique, héritée de ses ancêtres qui le répugna, le fascina et qu'il embrassa par la suite.
Pour se protéger psychologiquement, A. Deibler finira par adopter des rituels lui permettant d'échapper à ses démons : être méticuleux pour tout, remplir ses carnets d'exécutions, rester discret et ne pas parler à la presse.
Les journalistes échouant à recueillir ses confessions et sa position sur la peine de mort, raconteront tout et son contraire sur lui. Ce personnage dont le statut très particulier de bourreau fascinait les gens tout autant que les affaires criminelles de l'époque.
Il était le dernier rouage de la justice. L'acteur exposé aux yeux de tous, celui qui fait tomber le couperet devant une assistance friande de ce « spectacle » public.
C'est pourquoi cette biographie est particulièrement intéressante car elle permet de mieux connaître cet homme peu loquace à travers ses écrits (ses carnets de condamnations, ses carnets d'exécutions, sa correspondance…) et des témoignages de ses proches.
Ce livre nous renseigne, également sur son singulier métier, ainsi que son combat mené auprès de l'administration pour obtenir le statut de fonctionnaire.
Commenter  J’apprécie          10
Lecture pour le moins singulière! Cette biographie originale, macabre et glauque consacre une large introduction au cadre familial qui a mené ce descendant de bourreaux à exercer cette profession. Il y mêle le rôle de la presse, de l'opinion publique, des criminels et du bourreau dans l'application de la loi du talion. Elle parle amplement du contexte historique et passe en revue par les notes de Deibler le CV des criminels... En résumé, intéressant et pas banal !
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ce n'est pas parce que vous obéissez aux lois que vous les acceptez ( André Cayatte )
Commenter  J’apprécie          140
Toute « révolutionnaire » qu'elle fût, la guillotine s'inspirait de ce qu'une partie de l'Europe utilisait déjà, sous une forme plus archaïque. Le père Labat, dans sa Relation de voyage en Espagne et en ltalie, parlait déjà, en 1730, d'une « machine très sûre et qui ne fait point languir un patient que le peu d'adresse d'un exécuteur expose quelquefois à recevoir plusieurs coups avant d'avoir la tête séparée du tronc ». L'instrument, qui fit l'admiration du prélat, était d'apparence frêle et de petite taille, composé de deux montants réunis réunis par des traverses. Un large couperet, « bien tranchant et bien aiguisé », était hissé au sommet de la machine au moyen d'une corde qu'il suffisait de couper le moment venu, lorsque la tête du condamné avait de été disposée entre les montants : le couteau, qui pesait près de quatre-vingts livres, « tombant à plomb sur le cou du patient le lui coupait tout net et sans danger de manquer son coup ».
Commenter  J’apprécie          00
Le 17 août, en pleine «affaire», Joseph Allorto et Jean-Baptiste Sellier tombaient sous le couteau de Louis Deibler. À ce moment, Anatole était sur le point de s'en retourner en France. L'exposition universelle avait rempli Paris de curieux venus de tous les horizons.On avait affecté des trains ; des bateaux venus en masse d'Angleterre déversaient des milliers de touristes chaque jour. Les agences avaient rivalisé d'ingéniosité pour satisfaire leur clientèle. Les wagons-lits Cook, cette année-là, donnèrent à la fois dans l'insolite et le tragique. A leur programme de visites, ils avaient inclus une double exécution à la Roquette...
Commenter  J’apprécie          00
L'exemplarité de la punition, si longtemps revendiquée par le législateur, perd ici tout son prestige : on saura plus tard qu'une majorité de condamnés à mort ont avoué avoir assisté à une exécution capitale peu de temps avant de commettre leur crime !
Commenter  J’apprécie          10
On ne tue pas sans émotion mais les gens qui le conduisent à l'abattoir n'en montrent pas.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Gérard A. Jaeger (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gérard A. Jaeger
Il était une fois le Titanic, de Gérard A. Jaeger : Deux heures quarante qui changèrent le cours de l'Histoire.
autres livres classés : biographieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (18) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1719 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}