Qui êtes-vous ?
Prononcez-vous sur l'innommable de votre condition humaine ! Votre irruption soudaine à proximité de notre réalité annonce une catastrophe à venir, le déclin d'un monde, le nôtre. Celui où l'on peut se cuirasser toute la journée au soleil glorieux de l'insignifiance ; là où nos sourires édentés n'entravent pas la mastication du quotidien ; qui êtes-vous ? Pourquoi vous trouvez-vous parmi nous ?
Point de réponse à vous apporter, hélas. Interrogez l'écume avortée des floraisons du désert ; instruisez-vous des couleurs fragmentées de vos songes ; amplifiez l'intuition au-delà des clôtures animales ; nous ne faisons que traverser l'illusion d'un lieu auquel vos appétits ont donné le nom de foyer.
Votre itinéraire primitif, sans destination, offense notre mère Inertie, déshonore notre divinité Statu Quo. Pour votre bien ; coopérez. Votre mutisme désarticule causes et conséquences, démasque nos archaïques angoisses. Vous êtes les spectres de la fatalité, les charognards qui accourent à l'odeur de nos cadavres. Mais nous ne sommes pas encore morts, messieurs les Etrangers, d'ailleurs nous ne mourrons jamais. Jamais. Car nous sommes justes et civilisés.
La cage, voilà votre destination !
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Certes, ce roman kafkaïen évoque le destin des humains en détresse migratoire, qui en attendant Godot sont parqués dans des enclos.
Mais... je m'interroge : serais-je xénophobe ? Aurais-je peur de cet autre qui est en moi, sous la secousse du paraître, inquiétante étrangeté qui se love en moi-même. Dans ce monde pluriel qui bannit la singularité, ne suis-je pas de ceux qui chérissent leur cage ? de ceux qui, jadis oiseaux lyres aux poèmes mystiques, se sont tus parce qu'on leur reprochait leur mauvaise haleine...