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EAN : 9782070138586
152 pages
Verticales (30/08/2012)
4.25/5   8 notes
Résumé :
'Cet ouvrage s'apparente à un casting de personnages romanesques. Ils ont en commun d'avoir reconnu leur obsession au contact d'une ville assiégée. Choisis parmi cette triste galerie l'uniforme ou les traits qui te siéront au mieux. Tu es maintenant libre d'aller arpenter les ruines.'

Albert Speer, Naram-Sîn d'Akkad, Scipion Émilien, Irma Schrader, Shang Yang, Stig Dagerman, Shapur Ier, Bernardo Bellotto... À travers des portraits de vainqueurs, de vai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Créateur des conférences « L'encyclopédie des guerres » qu'il présente depuis 2008 à Beaubourg, une exploration systématique de la représentation des conflits militaires depuis l'Antiquité, Jean-Yves Jouannais est un critique d'art devenu artiste et écrivain.

L'usage des ruines, essai romanesque publié en 2012, nous livre, dans un style très vila-matasien revendiqué (Enrique Vila-Matas est présenté en préambule comme le véritable auteur du livre), une galerie de portraits d'hommes qui ont « en commun d'avoir reconnu leur obsession au contact d'une ville assiégée », depuis l'Antiquité jusqu'au début du XXIe siècle.

La dimension romanesque, parfois fantasque, peut déranger au regard de l'horreur de la guerre, mais l'érudition artistique et guerrière de Jean-Yves Jouannais, sa capacité à rêver les lectures et les obsessions de ces chefs de guerre ou de ces témoins de ruines qui les assiègent, forment des récits passionnants, vingt-trois portraits obsidionaux qui nous donnent à voir les décombres de la raison humaine reflétées dans les ruines de la guerre.

Il y a l'obsession d'Albert Speer de construire des bâtiments pensés et réalisés pour produire de belles ruines. Cette obsession d'un empire qui pensait sa propre mythologie fut contrecarrée par le Teufelsberg, la colline érigée avec les débris de Berlin détruite, sous laquelle est enfouie l'université nazie construite par Albert Speer, contrariant ainsi le « devenir-ruines fantasmé et programmé du monument nazi tout en oblitérant les marques de combat et donc d'héroïsme que ses façades arboraient ».

On croise encore l'obsession de gloire du colonel Louis Archinard, militaire français qui contribua à la colonisation de l'actuel Mali, marchant vers la conquête d'un Tombouctou rêvé, déjà disparu depuis des siècles.
« Louis Archinard marche vers un leurre. Depuis des siècles, plus rien de ce rêve ne correspond à une quelconque réalité. Un sultan marocain et ses troupes ont effacé Tombouctou dans les dernières années du XVIe siècle. […] Mais Tombouctou rayonne encore. Perchée très en hauteur, protégée par des déserts intransigeants, elle continue de briller à la manière d'un objet céleste dont la nouvelle d'une mort déjà ancienne ne nous serait pas parvenue. Sa magnitude apparente est un mensonge. »

Fascinante traversée du temps sur les ruines, comme si seule la poussière pouvait rendre compte de la folie humaine.
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Somptueuse construction, assemblage de vignettes inattendues, qui parvient à jouer avec le chaos.

Publié en 2012 aux éditions Verticales, le sixième ouvrage de Jean-Yves Jouannais marque une convergence, voire une synthèse provisoire, entre le travail sur l'art "de réserve et d'attente" (en décalant outrageusement une formule de François Géré issue d'un tout autre contexte), tel qu'abordé depuis "Artistes sans oeuvres", et le cycle de conférences aux allures foisonnantes, baroques et néanmoins incroyablement structurées qu'est "L'encyclopédie des guerres".

"L'usage des ruines", sous-titré "Portraits obsidionaux", marque aussi la poursuite et l'enrichissement inlassable du "jeu" littéraire et amical entre Jean-Yves Jouannais et Enrique Vila-Matas, le livre étant présenté comme une série de portraits offerts par... Vila-Matas, à... Jouannais - qui lui avait manifesté son désir d'incarner un personnage de roman, afin qu'il y fasse son choix...

Ces 21 ou 22 portraits recensent avec obstination et imagination la fonction, intellectuelle, culturelle et symbolique des "ruines" dans la civilisation, et pas uniquement dans le corpus guerrier. de généraux chinois du IIIème siècle en grands bâtisseurs nazis, d'amiraux hollandais du Grand Siècle en généraux de Louis XIV, de conquérants assyriens en explorateurs coloniaux français, de photographes soviétiques en stratèges romains, tous se relaient avec une immense sagacité pour servir d'écrin, ou de catafalque, peut-être, à l'auteur suédois (Dagerman) que la confrontation aux ruines mène au suicide, et à l'auteur allemand (Sebald) qui invente, sans doute, la véritable signification de la destruction, tous deux s'inscrivant dans l'immédiat lendemain du grand chaos de 1945...

À nouveau, l'érudition, le sens de l'analogie, et la subtilité discrètement philosophique de Jouannais, étroitement enserrées dans sa toujours surprenante écriture rigoureusement poétique, font merveille, et incitent à en redemander, encore et encore.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La tour rompue du château de Heidelberg, Hugo, ailleurs, l'a comparée à un crâne, saisi qu'il fut par les orbites ombrées que son intérieur révèle et ce qui ressemble fortement aux cartilages broyés d'un nez. Il n'est pas sans savoir que ces ruines dont il préfère ne pas citer l'auteur de génie devinrent, au début de son siècle, un symbole du romantisme naissant. Plus qu'un symbole, une matrice artistique, l'état séminal d'un manifeste. Aussi se sent-il démuni, et le ricanement lui reste seul pour oublier que cette ruine précisément a doué de parole sa propre bouche d'ombre, que cet éboulis de guerre vieux de deux siècles n'est autre que la figure fantomatique qui lui dictera son œuvre, infusera dans son esprit le gabarit et les couleurs de son esthétique. Victor Hugo badine, affolé par l'insupportable intuition que sa littérature est précisément née de ce tas de cailloux abattus avec une rusticité, une virulence, un grotesque, une ampleur, une dramaturgie qui deviendront la marque de son style.
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Emmanuel Evzerikhin couvrit comme photographe toute la bataille de Stalingrad. La ronde enfantine dont il capte le souvenir ce jour-la deviendra le symbole du tournant majeur de la Seconde Guerre mondiale, de ce duel à mort dans le coude de la Volga. Ce groupe demeurera en effet, à l’issue des combats, la seule construction encore verticale dans Stalingrad évanouie.
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Emmanuel Evzerikhin couvrit comme photographe toute la bataille de Stalingrad. La ronde enfantine dont il capte le souvenir ce jour-la deviendra le symbole du tournant majeur de la Seconde Guerre mondiale, de ce duel à mort dans le coude de la Volga. Ce groupe demeurera en effet, à l’issue des combats, la seule construction encore verticale dans Stalingrad évanouie.
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Mais sois persuadé d’une chose, laquelle seule est certaine, c’est que si, neuf et dépourvu de mots, venant dans ce monde, tu désirais savoir ce qu’est un moulin, tu ne pourrais pas l’apprendre du meunier, ni même de l’épi de blé, encore moins de la meule, mais seulement de la farine.
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(...) quand je lève les yeux, je rencontre des regards qui disent : "Quelqu'un qui n'est pas d'ici". L'étranger se trahit tout de suite par l'intérêt qu'il porte aux ruines.
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QUEL ROMANCIER A ECRIT CES PHRASES: « Nous disons bien que l’heure de la mort est incertaine, mais quand nous disons cela, nous nous représentons cette heure comme située dans un espace vague et lointain, nous ne pensons pas qu’elle ait un rapport quelconque avec la journée déjà commencée et puisse signifier que la mort — ou sa première prise de possession partielle de nous, après laquelle elle ne nous lâchera plus — pourra se produire dans cet après-midi même, si peu incertain, cet après-midi où l’emploi de toutes les heures est réglé d’avance » ?

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