Gagner Weimar ne présentait rien de difficile, mais comment arriver jusqu’à Goethe? Ampère et Cousin, pour être agréables à David, s’étaient empressés d’écrire au poète allemand. Le statuaire était porteur de leurs lettres, mais le souvenir de Londres ne le quittait plus, et, pendant une journée, l’artiste hésita.
Il fallut commencer par quelque chose.
David rencontre un mouleur : il essaye d’en obtenir de l’argile, du plâtre et les ustensiles nécessaires à l’oeuvre qu’il médite. Mais, 0 fatalité! ni l’artiste ni son compagnon de route ne parviennent à se faire entendre. Survient un passant, M. Coudray. Français lui-même, il a reconnu des Français. En quelques minutes tout s’éclaircit, et le figuriste procurera ce qu’on attend de lui.
Toute grande vie est une.
La vie de David d’Angers se résume en un mot : La création d’un art national.
Du jour où la philosophie de l’art lui est révélée, jusqu’à sa dernière heure, ses efforts tendent vers un seul but. S’élevant au-dessus de la sculpture iconique et de la sculpture allégorique, qui ont pour terme la beauté individuelle et la beauté typique, David observe l’homme social. Il veut être avant tout le sculpteur d’un grand peuple, et toujours, qu’il médite, qu’il souffre, qu’il enseigne, devant lui se dresse, plus haute que ses rêves, plus forte que ses déceptions, plus grande que son génie, plus vivante que ses marbres, la figure immortelle de la Patrie.
Dirons-nous que la vie du maître fut exempte d’erreurs, que son œuvre est sans lacunes? Non. La critique tient sa place à côté de l’éloge dans notre livre. Toutefois, nous saurons prouver que la volonté de l’artiste n’a pas démenti son intelligence. Patriote dans ses pensées, il l’a été dans ses actes jusqu’au désintéressement le plus absolu.