Pour mille raisons, j'aurais voulu, j'aurais adoré vous dire que j'ai pris un plaisir fou à lire cette pièce, que j'en redemande et qu'il faut à tout prix s'ouvrir à ce pan de la littérature plutôt méconnu en occident.
Mais à mon grand dam, il n'en est rien et je ne veux pas me faire menteuse aujourd'hui, je m'y suis beaucoup ennuyé. J'ai lu quelque part que Kâlidâsa était le "
Shakespeare " indien. Eh bien je suis au regret de vous avouer que selon moi, William peut encore dormir tranquille, ce n'est pas demain matin qu'il va être détrôné dans mon panthéon de la dramaturgie.
Sakuntalâ est une oeuvre longue, lente, convenue, bienpensante, qui cire les pompes au pouvoir de l'époque, qui place de la religion partout où elle le peut (ce qui a le don de m'agacer fortement) et qui, somme toute, fait dans le mélodrame chantant, ancêtre évident du Bollywood le moins captivant.
Il doit y avoir un intérêt historique, culturel, symbolique et tutti-quantique, certes, mais en ce qui me concerne, moi qui m'intéresse surtout à la vibration littéraire que suscite une oeuvre en ma sensibilité, c'était l'encéphalogramme plat de bout en bout ou, plus exactement, dans les rares moments où le livre ne me tombait pas totalement des mains, mon encéphalogramme traduisait un certain agacement mêlé de frustration.
Donc, pour ceux que la lecture de ces sept actes (trois bien ficelés eurent été amplement suffisants) ne rebute pas complètement, voici de quoi il est question. Sakuntalâ est la fille ô combien belle et ô combien vertueuse d'une divinité et d'une simple mortelle. Elle est élevée et recueillie dans un ascétique et très sain monastère où elle passe son temps à soigner les gazelles et à regarder fleurir les jasmins sur les manguiers (haut symbole érotique selon mes notes en bas de page) et à cueillir des fleurs en chantant avec ses copines de l'ermitage. Okay, jusque là tout va bien, Bollywood en action, lancez la musique.
Et qui v'là t'i pas qu'arrive ? le ROI ! Ta-la-lin ! Jeune. Beau. Honnête. Vertueux. Noble. Sensible. Tolérant. (Vous en voulez encore ou je m'arrête ?) Qui, tenez vous bien, alors qu'il est impliqué, avec sa suite parée d'or, dans une chasse à courre dantesque depuis des jours et des nuits (tandis que son bon peuple est en train de crever la dalle à côté) n'hésite même pas à rengainer son arc et sa flèche pour épargner la vie d'une gazelle sacrée du monastère. Alors là, je dis chapeau le king, ça c'est quelqu'un !
Et là, sur qui v'là t'i pas qu'i tombe ? Ta-la-lin ! Sakuntalâ en personne. Pas une femme, LA femme. Bon bref, je vous passe les détails cul-cul-la-pralinesques. Il se la fait et ils se jurent amour et fidélité jusqu'à la fin des temps. Mais là, Ta-la-lin ! Un obscur je-ne-sais-pas-trop-qui vient jeter un mauvais sort parce que, tenez-vous bien, Sakuntalâ a osé, Sakuntalâ a eu l'outrecuidance, Sakuntalâ n'est pas accourue incontinente pour le saluer à son arrivée et surtout parce que sans ça, il ne se passerait décidément rien dans cette pièce.
Il est alors convenu que Sakuntalâ doive quitter son monastère quelque temps plus tard pour rejoindre son royal époux. Il lui a remis un anneau en or, pour la reconnaître, au cas où il serait frappé d'amnésie vis-à-vis de la femme qu'il aime et qu'il ne la reconnaisse pas. Mais ici, pas de bol, Sakuntalâ, l'étourdie, a sottement laissé tomber l'anneau dans la rivière si bien que le roi ne pourra pas la reconnaître, y a pas moyen, il l'a prendra pour une imposteuse malgré son ventre désormais arrondi et le petit colis qu'il a glissé à l'intérieur.
S'ensuit une suite de lamentations de part et d'autre. Pourquoi tant d'injustice ? Va-t-elle me pardonner ? Oui ? Non ? Peut-être ? Vont-ils se retrouver ? Suspense insoutenable pendant de longs actes vibrants d'insignifiance et d'ennui jusqu'au dénouement, bollywoodesque où l'on vous fait passer le message que votre souverain est tout de même un type sacrément bien, que la religion et les divinités, c'est quand même pas de la gnognotte et que, bref, malgré tout ce qui ne va pas dans votre vie, vous avez tout de même de la chance de souffrir et de transpirer au fond de votre caste pour engraisser la noblesse et le clergé local.
Donc une pièce, selon moi, inintéressante au possible, qui s'élève difficilement au rang de deux étoiles parce qu'elle revêt tout de même un intérêt culturel et historique pour quiconque se passionne pour l'Inde, mais c'est vraiment tout. Ceci étant dit, ce n'est bien évidemment que mon avis, hautement discutable, c'est-à-dire, pas grand-chose.