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EAN : 9782706717581
192 pages
Salvator (24/01/2019)
4.25/5   6 notes
Résumé :
À une époque qui parle largement de bien-être, de méditation, de développement personnel et autres recettes de bonheur, où les psychologies et les thérapies ont évacué la morale et où poli­ticiens et citoyens invoquent des « valeurs » sans les préciser davantage, il est urgent de rappeler que la pratique des vertus est indispensable à l'édification de l'être humain.
Avec clarté, Jacqueline Kelen revisite les quatre vertus morales léguées par la philosophie g... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le nouveau livre de Jacqueline Kelen, paru en ce début d'année, est un essai fort utile en notre époque oublieuse de l'essentiel, puisqu'il rappelle avec clarté et rigueur ce qui devrait être au fondement de chaque vie bonne. Qu'est-ce qu'une vie bonne ? le lecteur en attente de conseils de développement personnel risque d'être décontenancé, car les propos de l'auteur n'ont rien de comparable avec les recettes préconisant le bien-être, le lâcher-prise et tout ce qui entretient le narcissisme et la bonne conscience. le lecteur qui s'imagine qu'une carrière professionnelle et des possessions matérielles sont le but d'une vie réussie détestera certainement lire que ce sont là des biens périssables au regard de ce qui est fondamental. Des lecteurs scientistes fermeront le livre sans doute dès la première évocation de la vie spirituelle, et ceux qui croient que les sages anciens n'ont rien à nous apprendre ne prendront vraisemblablement pas la peine de persévérer dans la lecture. le Jardin des vertus peut servir d'introduction à l'oeuvre de l'écrivain. D'aucuns lui reprocheront peut-être de passer un peu vite sur certains thèmes ou de multiplier les références, mais il faut voir dans cet ouvrage un art de la synthèse et se reporter à ses autres textes dans lesquels elle développe avec finesse des mythes ici abordés de façon plus succincte. Cet essai n'est toutefois pas une simple redite de choses connues au point que l'on pourrait s'en épargner un énième enseignement ; à l'inverse, sous son allure sobre et dans une langue limpide, il contient des vérités profondes dont la puissance radicale a été plus ou moins cachée par des siècles de mensonges, de conformismes et d'idéologies dogmatiques. Contrairement à ce que pensent certains idéologues, le sujet des vertus n'est pas désuet, il est plus que jamais d'actualité, et il sera toujours d'actualité parce qu'il est inactuel et que sa pertinence n'a d'égal que l'importance qu'une personne accorde sa vie intérieure.

Qu'est-ce que les vertus ? Étymologiquement, le mot désigne les qualités propres à l'homme et qui sont personnelles, intangibles, universelles : « Sous toutes les latitudes et à travers tous les siècles, les êtres humains peuvent se montrer courageux, justes, sincères, emplis de bonté. » Une distinction s'impose avec les valeurs, lesquelles réfèrent davantage au collectif et à l'extériorité et semblent plus fluctuantes dans l'histoire de l'humanité : les notions d'égalité, de tolérance et de solidarité ne sont pas en vigueur dans le monde entier. Dit autrement, la différence entre les vertus et les valeurs correspond à celle entre l'absolu et le relatif ; et face aux diverses morales des sociétés s'affirme la Morale, un Code, une Loi supérieure, qui offre un modèle d'homme idéal. Ainsi, la vertu « représente la perfection d'un être, l'excellence d'une conduite, l'accomplissement d'une vie », et elle « s'avère éminemment active, dynamique, non pas fade ». La philosophie antique a distingué quatre grandes vertus, dites cardinales : la force, la prudence, la tempérance et la justice. Toutes sont à cultiver, par des efforts, afin d'acquérir la sagesse, et ce livre roboratif qu'est le Jardin des vertus nous y encourage plus que jamais, en puisant son inspiration dans les mythes anciens et en explicitant ce que recouvre chacune de ces vertus.

La force n'est pas la brutalité, elle désigne la fermeté d'âme, qui « permet le courage et la bravoure autant que la patience et la résistance ». En effet, « vivre demande à la fois de croire en la vie, de lutter en sa faveur et de l'aimer de toutes ses forces. Chaque existence n'est pas faite d'exploits mémorables, mais elle perd sens et saveur si l'on se laisse aller à la mollesse, à l'indolence, à la paresse, à l'inertie. » Ainsi, « être courageux ne signifie pas n'avoir peur de rien ; c'est affronter le danger, l'inconnu, traverser l'épreuve, supporter la trahison, l'injustice, endurer la perte, la solitude, tenir bon quand s'ouvre l'abîme de l'absurde, quand rôle le désespoir… » L'auteur relate les histoires d'Héraclès, d'Achille, d'Ulysse et de Samson, entre autres, pour illustrer cette force qui est une grandeur d'âme, laquelle nous appelle à nous battre, à affronter le risque, à ne pas être frileux ni frivoles, et à ne pas oublier qu'une personne de valeur révélera cette valeur en se confrontant aux épreuves, dont l'issue n'est jamais connue avec certitude, mais le mérite réside justement dans l'ardeur au combat, un combat intérieur contre ses faiblesses, contre les maladies et les malheurs.

La prudence ne relève pas spécialement de la précaution craintive comme on a tendance à l'imaginer de nos jours ; dans la tradition philosophique occidentale, elle englobe les qualités que sont la réflexion, le discernement, la lucidité et la vigilance. Aristote la définit ainsi : « La prudence est une disposition, accompagnée de raison juste, tournée vers l'action et concernant ce qui est bien et mal pour l'homme. » Jacqueline Kelen ajoute : « Sans le recours à la pensée, sans exercice de l'intelligence, sans esprit critique, on reste dans la confusion et l'indifférencié, on est crédule, influençable et manipulable à merci, ou encore on se laisse happer par la distraction, la superficialité, la négligence, la futilité. » Et de souligner : « Face à toute chose, la prudence invite à prendre du recul, de la hauteur, pour mieux juger de la situation au lieu de s'y empêtrer. Elle demande aussi calme et silence afin que ni la pensée ni le coeur ne soient troublés dans leur décision. L'étourderie autant que la précipitation mènent à l'imprudence. le bruit, les sollicitations extérieures permanentes, l'éparpillement nuisent à une pensée claire. » L'une des qualités les plus précieuses requises par la prudence est le discernement entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le réel et l'illusoire, alors même que nous sommes dans un monde de clair-obscur, de mélange qui peut être déboussolant, de contradictions et d'incertitudes sans fin. Il est donc nécessaire d'étudier, de comprendre, de travailler au mûrissement de la connaissance, de bien réfléchir avant d'agir et de savoir se défendre contre les séductions et les facilités qui mènent à se comporter à la légère, avec folie ; ce qui n'est toutefois pas une l'exhortation à la sécheresse de coeur et la méfiance systématique. Dans ses représentations picturales et sculpturales, la prudence apparaît souvent avec un double visage : « La vertu aux deux visages enseigne de conjoindre la maturité et la juvénilité, la réflexion et l'intuition, la raison et la ferveur, la profondeur et la fraîcheur, l'expérience acquise et l'élan nouveau. Aucun des deux visages n'est à dédaigner. » La phrase suivante de l'auteur exprime bien ce que requiert la vertu et ce qu'elle révèle : « La morale n'est pas l'affaire de bien-pensants, mais d'hommes qui pensent. »

La tempérance est une vertu contre laquelle s'escrime notre monde moderne, qui refuse les limites, qui rejette l'idée de privation ou de restriction, qui pousse à déchaîner les instincts, à satisfaire tous les désirs, à ignorer toutes les contraintes, à vivre dans la démesure, par conséquent à nous comporter comme des êtres infantiles, déséquilibrés et irresponsables, en fait comme des esclaves, mais des esclaves tout-puissants, pétris d'arrogance et quasiment fiers de leurs addictions. On mesure le fossé abyssal avec la sagesse antique, cela dit sans faire de leçon moralisatrice, mais en rappelant que pour le véritable philosophe, « la tempérance a pour finalité d'apprendre la responsabilité personnelle, le respect de soi et des autres, et de faire éclore en l'homme ordinaire, asservi à ses multiples désirs, le goût de l'indépendance et de la liberté intérieure. » La sagesse implique donc la modération, la modestie, la maîtrise de soi, sinon l'hybris que redoutaient les anciens Grecs sera notre misère et notre châtiment. Mais qui est encore capable et même désireux de discipline ? « Tout paraissant conçu pour satisfaire les multiples envies de l'individu, on ne saurait lui demander le moindre effort. C'est comme si l'être humain était devenu à ce point dénué de volonté et d'intelligence, faible et affaissé, que désormais on ne pouvait que l'amuser et le réconforter, le soigner et le plaindre, le "coacher" et le "thérapiser". Comme si l'homme ne pouvait plus rien faire par lui-même, surtout pas se perfectionner. » L'effort tendu vers la perfection doit être inséparable de l'humilité.

La justice conditionne et couronne les trois vertus précédentes : l'homme juste se tient au plus près du souverain Bien. L'homme juste, c'est l'homme droit, intègre, honnête, loyal, fidèle à toute épreuve, intransigeant mais pas intolérant ; l'homme qui possède le sens moral par lequel il affirme ce qui est bien ou mal, ce qui est beau ou laid, ce qui est sain ou malsain, et il l'affirme en dépit de l'indifférence et des intimidations, parce qu'il émet des jugements au nom de la notion supérieure de Justice ou de Vérité ; et pour ce faire, il a besoin de force d'âme, de discernement et de modération, de sorte que le juste jugement n'est « ni trop sévère ni trop indulgent ». L'homme juste refuse donc les compromissions, et rien ne peut le corrompre : ni argent ni les honneurs ne le détournent de son souci du Bien.

Les quatre vertus sont qualifiées de cardinales parce qu'elles forment les piliers d'une vie morale et orientent la personne à construire sa vie intérieure d'une manière harmonieuse. La doctrine chrétienne ajoutera à cet édifice de la sagesse antique trois vertus théologales : la foi, la charité et l'espérance, lesquelles ne sauraient se dispenser des quatre vertus majeures. « Que vaut une foi qui serait privée de la vertu de force ? Elle deviendrait chancelante et peureuse, prête à abjurer. Dépourvue de la vertu de prudence, elle se réduit à une dévotion routinière et à des bondieuseries. Sans tempérance la foi devient intégrisme, et sans justice, fanatisme. Privée des quatre vertus cardinales, la charité n'est que bonne conscience, frisson sentimental. » L'espérance, quant à elle, est selon moi la plus grande vertu. Elle est oubliée, dit Jacques Ellul dans son très beau livre ; elle est pourtant fondamentale, absolument fondamentale, elle désigne le sens suprême et sublime de la vie, une vie lumineuse.
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Hé oui, encore un livre de Jacqueline Kelen! Cette auteur a l'art de rendre intéressant, captivant et ressourçant des notions qui semblent bien vieillies et incapables de nous surprendre à nouveau. Sa solide connaissance de la philosophie antique, des mythes et des grandes figures du christianisme, lui permettent d'éclairer d'un jour nouveau ces fameuses vertus que sont la force, la prudence, la tempérance et la justice.
A travers cet essai, elle nous parle de ce Moi qi a tellement besoin d'être écouté, flatté, reconnu de tous et qui pense pouvoir traverser la vie sans anicroche et sans connaître la mort. C'est peut-être la grande illusion de la vie humaine. Or, on peut tout à fait passer à côté de sa vie qui est singulière et unique en se faisant prendre au piège de cet ego. La question n'est pas d'être malheureux et de se laisser aller en ne prenant pas soin de son corps, mais ce qui fait l'être humain, c'est le fait qu'il se tienne debout, qu'il affronte la vie, qu'il conquiert sa liberté, qu'il fasse preuve de sa grandeur. Cette liberté se laisse trop souvent prendre dans les lacets de ce soi-disant bien-être. Or ce qui distingue l'être humain des autres êtres vivants, ce n'est pas seulement la raison, la parole ou la main qui lui permet de façonner des objets, aussi sa stature morale. Il est capable de choisir entre le bien et le mal.
Or nous avons de grands textes de la philosophie et des religions, pour nous aider à traverser l'aventure de notre vie.
C'est ce que l'auteur nous propose dans cet essai.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Le terme de prudence semble de nos jours restrictif, il évoque une précaution frileuse, presque une peur. Or, la vertu de prudence, célébrée par la philosophie antique, la Bible, le christianisme et par toutes les traditions spirituelles du monde, s'avère pierre de fondation. Elle contient la réflexion, le discernement, la lucidité, la vigilance. Comme le dit Aristote, elle relève moins des mœurs (manière de se comporter) que de l'intelligence qui doit sans cesse éclairer le chemin.
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Or, plutôt que de "s'aimer soi-même" ou de "s'accepter tel que l'on est " - selon les suaves conseils qui emplissent les oreilles des contemporains - , il s'agit en premier lieu de se connaître. Qui suis-je ? Telle est la question qui se trouve au départ de toute aventure de conscience, de toute démarche philosophique et spirituelle sérieuse.
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La Morale enjoint l'homme de se connaître, se gouverner, s'affiner, a se sentir responsable, et de prendre l'existence au sérieux. Sana elle, tout individu reste esclave de ses sens, des pulsions et passions, des plus banales aux criminelles; et reste esclave de tous les déterminismes.
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Dans le traité d'éthique dédié à son fils Nicomaque, Aristote définit le courage comme un juste milieu entre la peur et l'audace. Pour le philosophe grec, en effet, toute vertu morale comporte un excès et aussi un manque et occupe une position médiane.
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La prudence est une disposition, accompagnée de raison juste, tournée vers l'action et concernant ce qui est bien et mal pour l'homme.
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Videos de Jacqueline Kelen (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacqueline Kelen
https://www.laprocure.com/product/1082622/kelen-jacqueline-le-temps-de-la-bonte-le-livre-de-tobit

Le Temps de la bonté : le livre de Tobit Jacqueline Kelen Éditions du Cerf

« À vrai dire, depuis des années, ce récit que l'on date du troisième siècle avant notre ère, ce livre me fait rêver, me questionne, m'enrichit. On a entendu parler de Tobit, père et fils. Il y a une histoire de poisson. On se souvient plus ou moins. Il y a le petit chien aussi qui fait partie de l'aventure. On se doute que ça finit bien. Peut-être que l'on sait que l'ange Raphaël qui est très présent dans le récit, puisque c'est le guide du jeune homme vers la lumière, vers la renaissance spirituelle... »

Jacqueline Kelen, pour la librairie La Procure
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