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3,74

sur 331 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ils sont aussi éloignés l'un de l'autre que l'ouest et l'est. Elle s'appelle Hélène, elle est Française, lui s'appelle Aliocha, il est un jeune conscrit russe appelé à son devoir militaire, muté en Sibérie.
Tangente vers l'est, c'est le récit de deux passagers parmi tant d'autres du Transsibérien qui relie Moscou à Vladivostok. Tous deux fuient quelque chose devenu insupportable et dont ce train, cette ligne de fuite, dessine une possible délivrance, déjà un rêve en partance.
Elle fuit son amant russe qui dirige un barrage en Sibérie. Lui dans ce train pour l'instant ne fuit rien puisque ce train le prive de sa liberté. C'est étrange de voir que ce train symbolise un endroit d'oppression pour l'un et un espoir de liberté pour l'autre.
Ici c'est la force du hasard, cette étincelle qui jaillit de ces deux trajectoires fulgurantes filant dans la nuit minérale. Mais qu'est-ce que le hasard sinon un rendez-vous ?
Ici c'est une écriture maîtrisée, ciselée à merveille dans un texte très concis, sa concision en fait sa force.
C'est forcément une alliance contre nature à laquelle Maylis de Kerangal nous invite et c'est là tout l'intérêt du récit, l'impossible rencontre, ou plutôt une rencontre improbable.
Les rails des trains sont rectilignes, prévisibles et irréversibles comme les injections qu'on prétend nous infliger dans nos vies, mais pour autant les rêves qui hantent les passagers d'un wagon posé sur ces rails le sont-ils ?
Conscrit, Aliocha devient déserteur. Femme oppressée par un amant toxique, Hélène devient libre à son tour. Il s'agit donc de la rencontre de deux affranchis, quelle belle rencontre sur ce voyage sidéral vers la Sibérie, vers l'extrême, puisque l'extrême est à la portée de leurs rêves.
J'ai adoré ce roman très court, son écriture très belle, la construction de deux magnifiques personnages, je me suis invité dans ce voyage au bord du Transsibérien. J'étais le passager clandestin, celui qui ne sait pas, celui qui voit, celui qui effleure, celui qui ne peut rien après, se réjouit, pleure peut-être amèrement. Celui qui aime.
Dans ce roman fulgurant, ce n'est pas le train qui traverse les paysages, mais l'inverse. L'écriture de Maylis de Kerangal rend cette féérie réalisable.
En romantique que je suis peut-être à mes dépens, j'ai forcément adoré ce court roman d'une impossible histoire d'amour et de sa possible trajectoire.
J'ai adoré aussi l'atmosphère des vieux trains soviétiques. Il m'est arrivé d'en prendre un en Ukraine, depuis Lviv vers les pentes des Carpates, héritage de l'ère soviétique, charme désuet garanti à condition de ne pas être trop pressé. À l'aller, nous avions deux heures de retard en arrivant à notre destination finale et au retour, c'était presque quatre heures... J'ai retrouvé ici l'atmosphère des trains soviétiques, lourds, poussifs, mille fois repeints sur leurs vieilles carcasses métalliques, roulant à soixante kilomètres à l'heure. Je me souviens d'une provodnitsa, l'hôtesse en charge du wagon, comme dans le récit.
Imaginez-vous que la distance entre Moscou et Vladivostok représente le quart de la circonférence terrestre ? Immense.
Ce n'est rien s'agissant de la distance qui sépare les rêves de la réalité à atteindre. Bien plus immense. Un gouffre ! En même temps, le désir partagé est capable de réduire ce gouffre, cette distance entre ces deux êtres de la taille d'une feuille de cigarette.
Ce texte nous offre la magie merveilleuse d'une huis-clos mobile, sur rail, dans la trajectoire tracée inexorablement vers la Sibérie, ou peut-être ailleurs finalement....
C'est concis, c'est beau et cela va à l'essentiel, c'est-à-dire au coeur.
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En ouvrant ce petit livre de Maylis de Kerangal, je ne m'attendais pas à un tel voyage, une échappée à bord du Transsibérien en compagnie d'un homme et d'une femme. Rencontre éphémère, improbable de deux solitudes, récit prenant si bien écrit qu'il m'a envoûté.
Très beau roman à la fois poétique et rude, dépaysement garanti à travers la Sibérie qui défile à travers les fenêtres. L'auteure alterne moments de désoeuvrement et de tensions, le fait de se trouver dans un lieu clos, la quasi absence de dialogues rend l'atmosphère particulière.
Ma première découverte de Maylis de Kerangal, même si j'avais adoré l'adaptation cinéma de son plus grand succès "Réparer les vivants". Je ne manquerai donc pas de revenir vers elle au plus vite.
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Lorsque l'on rencontre une écriture, que cette écriture croise votre regard, c'est le monde qui vous entre par la fenêtre de l'âme et qui vous traverse l'esprit . C'est le miracle des livres. C'est leur voyage. C'est le signe de leur destination. Tangente vers l'est, ma première lecture d'un livre de Maylis de Karangel. Lecture toujours et trop longtemps remise..Enfin voilà, il suffisait de sauter dans le wagon du transibérien. Olivier Rolin a raison, quand on écrit Russie, il s'agit toujours de dire train. "Voir la Sibérie et ne plus craindre de mourir", écrivait Tchekhov. C'est l'histoire d'une rébellion, d'une désertion, histoire subite de courage, fenêtre ouverte à la folie, folie d'un désespoir, folie qui pousse et qui entraîne un dépassement , histoire de liberté, un geste d'amour, un signe d'amitié.
C'est l'écriture de Maylis de Karangel que je souligne. Son rythme qui épouse si parfaitement la construction de son récit. Une manière singulière de dessiner les âmes , les corps. le mouvement des corps, leur tension, leur relâchement, leur rudesse, leurs gestes, leur lumière. Étroitesse du lieu, étroitesse du temps, et des destins qui engendrent l'urgence d'une désincarcération.
Lieu clos, vies recluses, condamnées, déportées toujours sur ordre, ..Et puis tout bascule, se précipite, se projette. J'ai vu s'ouvrir les cercueils de zinc, j'ai vu trembler l'Idiot, j'ai entendu le Déserteur, j'ai vu renaître un condamné à mort. C'est ça le miracle de la littérature. La grande alchimie du Verbe. Tout est là, dans un train d'enfer.
« Le vent qui roule un coeur sur le pavé des cours,
Un ange qui sanglotte accroché dans un arbre,
La colonne d'azur qu'entortille le marbre
Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours.
Un pauvre oiseau qui tombe et le goût de la cendre,
Le souvenir d'un oeil endormi sur le mur,
Et ce poing douloureux qui menace l'azur
Font au creux de ma main ton visage descendre.
Ce visage plus dur et plus léger qu'un masque,
Et plus lourd à ma main qu'aux doigts du réceleur
Le joyau qu'il convoite; il est noyé de pleurs.
Il est sombre et féroce, un bouquet vert le casque.
Ton visage est sévère: il est d'un pâtre grec.
Il reste frémissant aux creux de mes mains closes.
Ta bouche est d'une morte et tes yeux sont des roses,
Et ton nez d'un archange est peut-être le bec.
Le gel étincelant de ta pudeur méchante
Qui poudrait tes cheveux de clairs astres d'acier,
Qui couronnait ton front des pines du rosier
Quel haut-mal l'a fondu si ton visage chante?
Dis-moi quel malheur fou fait éclater ton oeil
D'un désespoir si haut que la douleur farouche,
Affolée, en personne, orne ta ronde bouche
Malgré tes pleurs glacés, d'un sourire de deuil? »..
Le condamné à mort, Jean Genet
Astrid Shriqui Garain
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Roman tout petit qui est très grand ! J'ai aimé, l'écriture, les 2 personnages principaux aux antipodes, le suspense, le huis clos, l'époque, le cadre, les infos sur la Sibérie, le train transsibérien. C'est visuel, sensuel. On a très peur de la violence gratuite sur le plus faible, peurs des machos alcoolisés en groupe, peur de l'armée, de l'inconnu… Imprégnée de « l'esprit russe », je me prends à soupçonner, à ne pas avoir confiance. le suspense est très fort… pas d'humour mais heureusement de brefs moments de détente. Livre marquant à plus d'un titre.
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De Moscou à Vladivostok, 9 288 kilomètres.

Aliocha est un jeune conscrit d'une vingtaine d'années qui doit effectuer son service militaire en Sibérie, le pays du goulag. le nez écrasé contre la vitre du Transsibérien, à l'écart de ses camarades, il voit défiler le paysage. Plein de peur et de colère, il songe à sa désertion. Tout, sauf la Sibérie ! le voyage est long, violent, les étapes dans les stations sont peu fréquentes et surtout surveillées par Letchov, le garde chiourme. Il est impossible de s'évader.
Hélène est une jeune femme française d'une trentaine d'années qui fuit Anton, l'homme qu'elle aime. Elle abdique car elle ne le reconnait plus, elle ne veut plus de cette vie, de cette Russie qu'elle avait idéalisée. Elle part vers l'est, par ce train qui n'en finit pas d'avaler les distances.
Aliocha et Hélène vont se rencontrer dans le couloir du Transsibérien. Deux solitudes qui s'accostent, très peu de mots dans la fumée de leurs cigarettes, des présentations primitives, Moi Aliocha, Moi Hélène, des sourires timides, le regard maternel et sensible de la femme, le regard fiévreux et violent de l'homme-enfant. La nuit s'étire, très longue, pesante et chaloupée.
Aliocha ne se trompe pas lorsqu'il retient fermement Hélène. Il sait qu'elle peut lui venir en aide. Elle est son seul recours. le message passe dans des mots aboyés, essoufflés, gutturaux. Si elle ne les comprend pas, elle en devine l'intensité. Elle aurait pu se débattre, crier, mais elle l'invite à se cacher dans son compartiment de première classe, touchée par son angoisse, séduite par sa fierté. Ne fuit-elle pas, elle aussi ?!
Il n'y a aucune ambiguïté à ce geste. Peut-être le regrettera-t-elle, peut-être que non.

« le paysage défile maintenant par les ouvertures de la cellule grise qu'ils ont occupée ensemble, à touche-touche, unis dans les mêmes soubresauts, dans les mêmes accélérations et les mêmes ralentissements, où ils ont mélangé la fumée de leurs clopes et la chaleur de leurs souffles. Aliocha retient sa respiration, il n'est pas suppliant, il n'est pas une victime, il est comme elle, il s'enfuit, c'est tout. La femme pose ses yeux dans ceux du garçon – une clairière se lève dans le petit jour sale, très verte -, se mords les lèvres, suis-moi. »

Le voyage est sans fin jusqu'à la limite, Vladivostok. Bientôt Irkoutsk, le lac Baïkal, d'autres gares… et Tchita, la caserne, « la ville des exilés ». Arriveront-ils à la dépasser ? Plus loin, il y a la mer et leurs libertés.

« Tangente vers l'est » est une superbe histoire qui raconte l'aventure de deux âmes perdues, un train mythique et un pays vaste et acéré. C'est le mystère russe, son romantisme et ses ambivalences, c'est un suspens qui compresse le souffle et qui ralentit le rythme de la lecture, ce sont des mots poètes, des mots-images, des mots passionnés, c'est une amitié, un amour, une reconnaissance, un sauvetage, une folie alliée à du courage et du tempérament. L'histoire est d'aujourd'hui, mais elle aurait pu être d'une autre époque. le roman est court avec de belles phrases, sans vrais dialogues, à deux voix, à deux sensibilités, deux nationalités.
Entre Aliocha et Hélène, les gestes sont beaux, attentifs et prévenants, ils sont ceux d'une mère avec son enfant, d'une femme qui mate son futur amant, ceux aussi d'un garçon qui cherche protection et d'un homme captivé qui vibre… C'est sensuel, pudique et intrigant.

J'ai beaucoup aimé et je vous le recommande.
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J'ai passé ma journée dans le transsibérien de Novossibirsk à Vladivostok. J'ai arpenté le train de la troisième classe surpeuplée par tous les conscrits se rendant en Sibérie jusqu'à la première classe, plus confortable et en compagnie d'une jolie française un peu mystérieuse montée à Krasnoïarsk. Et tout ça grâce à Maylis de Kerangal et son magnifique roman "tangente vers l'est".
Dès le premier paragraphe, le décor est planté :
"Ceux-là viennent de Moscou et ne savent pas où ils vont. Ils sont nombreux, plus d'une centaine, des gars jeunes, blancs, pâles même, hâves et tondus, les bras veineux le regard qui piétine, le torse encagé dans un marcel kaki, futes camouflage et slips kangourous, la chaînette religieuse qui joue sur le poitrail, des gars en guise de parois dans les sas et les couloirs, des gars assis, debout, allongés sur les couchettes, laissant pendre leur bras, laissant pendre leurs pieds, laissant pendre leur ennui résigné dans le vide, ..."
Un wagon de conscrits filant à 60 km/h vers une caserne sibérienne synonyme de bannissement, de trou noir. Parmi eux, Aliocha, vingt ans, broie du noir et décide dans sa tête de tenter le tout pour le tout en désertant au prochain arrêt. Hélas pour lui, la réalité s'avère plus sombre et il échoue. de retour dans le train, il rencontre une femme seule, française. Quelques regards et cigarettes partagées suffisent à cette femme d'aider le jeune soldat à se cacher dans sa cabine de première classe. Et débute un formidable suspens, prenant, haletant. Aliocha réussira-t-il à échapper au sergent recruteur bien déterminé à ne laisser aucune de ses jeunes recrues prendre la tangente?
Si le livre est aussi prenant, c'est que l'écriture de cette auteure est absolument magistrale. le pouvoir d'évocation de ses mots est immense, immergeant le lecteur dans une réalité tellement tangible que l'on ressent les soubresauts du train, la chaleur de l'eau sortant des samovars, la désespérance des paysages.
Nous sommes passagers de ce transsibérien, enfermés dans une cabine semi luxueuse où va se dérouler une traque infernale. Les deux personnages principaux véhiculent l'ambiguité nécessaire pour que le champ de tous les possibles soit ouvert,...
la fin sur le blog
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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J'aime beaucoup la plume de Maylis de Kerangal. Ses mots sont comme des vagues qui vous emportent dans le tourbillon intérieur de ses personnages dessinés en quelques traits fins. Un roman court, rapide, prenant, haletant. Je l'ai lu d'une traite et je reviendrai certainement vers l'autrice pour découvrir un de ses autres livres.
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Dans ce court roman, Maylis de Kerangal réussit à nous donner une image de la Russie, de son immensité, de la beauté des paysages, de la détresse des individus, de la violence des rapports humains, des réminiscences de l'air soviétique, tout en nous faisant percevoir la longueur de trajet dans le Transsibérien. Aliocha est un conscrit en partance dans ce train pour une destination inconnue qui l'effraye, il ne voit comme issue que la désertion, il rencontre Hélène, une française, elle voyage vers Vladivostok, pour rejoindre son compagnon russe, elle va partager le secret de Aliocha et l'aider à échapper à la traque qui s'organise tout au long du train, elle se retrouve condamnée à lier son destin, à la fois volontairement, mais aussi contre son gré, à celui du jeune déserteur. La construction de l'histoire, les rebondissements, l'écriture réussissent parfaitement à ce que lecteur perçoive le bruit lancinant des roues, circule dans le couloir avec les personnages, tremble lorsque les contrôleuses zélées frappent à la porte du compartiment d'Hélène. le temps de la lecture on vit tout à fait au rythme de ce long périple. C'est un roman qui vaut tous les récits où reportages sur le Transsibérien. Paru entre " Naissance d'un pont " et " Réparer les vivants ", " Tangente vers l'est " est encore un exemple du grand talent de Maylis de Kerangal.
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Superbe petit roman, 126 pages, condensé de tension, de suspens, de peur, à l'image d'Aliocha, jeune conscrit emmené dans le transsibérien pour un voyage vers la Sibérie et une vie de misère. Sauf qu'il décide de se cacher dans le train, …
Et c'est toute une description de la Russie que nous avons devant les yeux, à travers les voyageurs, les villes traversées, et les pensées d'Aliocha et d'Hélène, jeune française qui sans le décider vraiment, lui vient en aide.
J'ai adoré !
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Un roman court, dont l'intensité m'a surprise : j'imaginais un voyage lent, un peu précieux, bulle protégée et intemporelle dans un train mythique,
à l'opposé de ces wagons saturés d'odeurs et de sueur, de violence militaire et de peur…
L'écriture est sur le même registre, percutante, incomparable, révélant si bien les visages les émotions les paysages que j'étais vraiment avec Hélène et Aliocha dans leur compartiment, en fuite avec eux, prenant la tangente vers l'Est !
Une belle lecture, à réserver pour un voyage en train si possible !
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