Pilote sacrifié, tome 1

Alerte au coup de coeur ! La nouveauté seinen du mois de février des éditions Delcourt-Tonkam est pour moi une très belle réussite ! On est face à un titre historique, qui met en avant un personnage très probablement emblématique au Japon, mais dont on entend pas parler en France. Un personnage qui a eu une très bonne étoile, mais qui a dû la détester parce qu'il a dû voir tous ses camarades mourir à chaque fois. En effet, nous faisons la rencontre de Sasaki Tomoji, un homme qui a participé à la seconde guerre mondiale comme aviateur kamikaze, c'est-à-dire, bon pour un aller seulement. Sauf que cet homme est parti et revenu, et cela neuf fois ! C'est une vraie force de la nature, et il a su déjouer la mort à chaque fois ! Je sens que ce récit va être impressionnant à lire, touchant et déstabilisant, ce qui a déjà été le cas avec ce premier tome !
Pour rendre possible cette oeuvre, on peut compter sur le scénariste Kokami Shoji, qui s'est chargé de rencontrer cet homme en 2015 alors âgé de 92 ans. Pour les dessins, on a Naoki Azuma, qui lui, donne vie au témoignage de Sasaki Tomoji.
Cette oeuvre se veut informatrice, et le confirme en citant notamment ses sources pour traiter l'enfance de ce personnage. Ils ont vraiment fait un travail consciencieux pour rendre cette oeuvre la plus vraie possible ! On a aussi droit à un passage de l'interview de Sasaki Tomoji avec Kokami Shoji qui correspond aux événements de ce premier tome.

Pour ce travail de qualité, on compte actuellement 10 tomes au Japon, mais je pense que la saga est terminée, surtout que le dernier tome est sorti y a un peu plus d'un an, et pas d'autres tomes annoncés.
On démarre notre récit de façon tout a fait classique, on fait la rencontre de Sasaki Tomoji alors qu'il est un enfant, et qu'il se passionne pour les avions. On découvre son lieu de vie, sa famille aussi, son petit parcours scolaire, mais ce n'est clairement pas le coeur du récit de ce tome, puisque c'est surtout sa carrière qui va être mise en avant. Mais cela permet une première approche de ce personnage, et de lui porter un attachement plus fort, surtout que sa famille semble modeste. On aura même quelques informations sur son papa, et la guerre qu'il a vécu lui, et dont il est ressorti vivant, alors que leur uniforme militaire était aussi intelligent que celui des français quand on était en rouge...

Après l'avoir rencontré tout jeune, on a une approche plus récente, puisque c'est en 2015 que l'on va pouvoir le retrouver, quand il est âgé de 92 ans et que le scénariste tient à le rencontrer, mais lui n'est pas vraiment enclin à partager son expérience et son histoire... Ce qui se comprend tout à fait, on peut imaginer ce qu'il a vécu et enduré, ça a dû être horrible...
Par contre, le plus gros du tome va se concentrer sur sa formation et sur sa carrière, et bien entendu, ce qui est logique, le récit va être raconté de manière chronologique. On va pouvoir assister à l'évolution de la guerre, des décisions, des mentalités, mais aussi du matériel, et de notamment leur avions...

Comme ce passage va avoir beaucoup d'importance, on n'a pas seulement le point de vu de notre protagoniste, on a aussi l'apparition de personnages supérieurs ou camarades qui l'ont accompagné dans ces missions notamment. Ce qui nous est raconté est touchant, et difficile, certains ont dû faire face à cette décision de façon abrupte, et ces hommes, ont été courageux et ont obéi aux ordres bien malgré eux...
On assiste avec impuissance à ces décisions, des choix qui peuvent paraître anecdotiques quand c'est de la fiction, mais quand on se rappelle de la source de ce manga, les décisions sont déstabilisantes et mettent vraiment mal à l'aise...
En effet, à la base, ils formaient ces aviateurs de façon tout à fait normale, jusqu'à ce que leur capitaine apprenne cette nouvelle mission, et qu'il comprenne que tous les mouvements avec l'avion fait à l'entraînement n'avait que pour but de bien utiliser cet appareil pour faire le plus de dégâts possibles en opération kamikaze. Il va même assister à l'arrivée des nouveaux appareils pour cette mission spéciale. C'est terrible de voir une telle chose, et difficile pour un capitaine de devoir annoncer le nom et le but de cette mission...

Le personnage du capitaine est très présent et est très humain, mais je crois que c'est celui qui m'a énormément touché, parce que derrière lui, il laisse sa femme, une future veuve. Il faut le voir pour le ressentir, mais toute cette détresse, ça se ressent... Combien de ces soldats ont été dans cette situation, tout juste la vingtaine, marié ou presque, et devant tout laisser derrière eux...
Mais c'est aussi le reflet de la mentalité japonaise de l'époque, d'obéir aux ordres, d'avancer, ou de mourir... C'est cette image que l'on nous donne de ces japonais, totalement prêts à mourir pour leur patrie, mais j'ai trouvé intéressant de dévoiler une autre facette de ces jeunes japonais, finalement pas totalement prêts à laisser leur peau pour leur patrie... On a des images fortes d'eux apprenant leu but réel de leur mission, et de tenter le tout pour le tout de sauver leur vie, parce qu'ils voulaient vivre et non mourir !
C'est vraiment un manga qui va me prendre aux tripes, et qui je pense, ne me laissera pas indifférente... Déjà ici, à certaines planches c'étaient terribles de devoir les voir affronter cette fatalité...

Je rajouterai aussi, le Japon était loin d'être dans notre camp, mais lire ce titre, permet de se rappeler que bien qu'ils étaient nos ennemis, ils étaient avant tout des êtres humains. Des hommes avec une famille, une opinion, et une envie de vivre, ça leur offre une chance de s'expliquer et de s'exprimer, et que l'on ne pense pas tout le temps à mal du camp adverse...

Alors avis aux amateurs d'histoire, de seconde guerre mondiale, d'histoire du Japon, vous devriez vous arrêter sur ce titre, qui peut très facilement s'inscrire comme oeuvre historique, informatrice et être un témoignage rare et nécessaire ! Vous ne devriez pas passer à côté de cette lecture !

Le jeune Sasaki Tomoji a toujours été fasciné par les avions. A 17 ans, en 1940 et après avoir échoué au concours de l'aéronautique de l'armée de Terre, il entre au centre de formation des pilotes du département de l'aéronautique du ministère des Communications. Après un an d'entraînement intensif, il obtient son diplôme et devient moniteur au centre. Mais le Japon est en guerre et très vite, les pilotes comme Sasaki passent sous le contrôle de l'armée de Terre. Sasaki est désormais un soldat au service de l'empire. A 21 ans, il est sélectionné pour intégrer l'escadrille Banda, première escadrille "d'attaques spéciales" de l'armée de Terre. Il devient un Tokkôhei, plus connu en occident sous le nom de Kamikaze...

"Pilote sacrifié" est le récit véridique de Sasaki Tomoji, un jeune pilote kamikaze qui fut envoyé neuf fois en missions suicides et qui revint vivant à chaque fois. L'auteur revient notamment sur le parcours du jeune pilote, certes heureux et fier d'être pilote, mais subissant les brimades des pilotes de l'Armée de Terre qui n'acceptaient pas dans leurs rangs ces jeunes gens issus du secteur civil. On apprend également comment ces hommes, devenus soldats, devaient tout sacrifier pour l'empire, y compris leurs vies. Que se passait-il dans leur tête lorsqu'ils découvraient que leur mission était une "attaque spéciale", c'est-à-dire purement et simplement une mission suicide ?
Ce premier volume nous présente donc Sasaki et ses compagnons de vol qui sont envoyés dans les Philippines remplir leur première mission. Après les premiers moments d'euphorie à l'idée de combattre pour son pays arrive l'horrible désillusion de la réalité. Peur, doutes... les jeunes gens ne sont qu'au début d'une épreuve dont l'issue ne semble être que la mort. Les pages en fin de volume nous présentent des extraits de l'interview de Sasaki faite par l'auteur.

Un seinen documenté et extrêmement intéressant sur ces pilotes sacrifiés de la Seconde guerre mondiale.

"Pilote sacrifié" nous emmène autant à la découverte d'un jeune homme passionné par l'aviation : Sasaki Tomoji que nous entraîne dans une période bien sombre de l'Histoire, tout en finissant par avoir une demande insensée et très difficile à accepter. C'est tiré d'une histoire vraie, ce qui lui donne encore un impact plus fort. Avec un beau dessin réaliste, percutant, de très belles planches, nous sommes accrochés du début à la fin, prêt à nous envoler, et parfois, forcément, sous le choc.
Si la majeure partie sont bien sûr prêt à se battre pour leur pays, tout en acceptant le risque de mourir, ce n'est pas tout à fait la même chose que leur demander de volontairement se sacrifier avec un avion en portant une bombe, un suicide donc, ils sont appelés kamikaze. Et sont-ils certains des dégâts qu'ils feront ?
Cette série sort chez Delcourt Tonkam, avec AZUMA Naoki aux dessins, et KÔKAMI Shôji au scénario. Elle est en cours de parution avec 3 tomes en France, bientôt le 4ème, et commence son existence numérique, et 10 tomes au Japon.
Nous verrons Sasaki à différentes périodes de sa vie : jeune quand il a tout fait pour accéder à son rêve, petit garçon quand il regardait les avions dans le ciel, et un vieux monsieur. Dès le départ, nous savons que malgré tout, lui a survécu. Et non pas une fois, mais neuf fois.
La seconde guerre mondiale et certaines demandes venant des supérieurs font mal, sont même douteuses. Tout comme les brimades subies par moment.
Il y a des moments très forts qui nous coupent le souffle, retiennent notre attention, nous font nous poser des questions, ainsi que d'autres et ce jeune homme véritable passionné qui font du bien à voir, donnent le sourire. En plus, toute personne intéressée par l'aviation, et/ou rêvant de voler sera forcément touché.
En tout cas, c'est le genre de série très prenante, très intéressante et très importante vu que L Histoire entre en jeu. Les personnages secondairement apporteront également des éléments intéressants notamment leur capitaine .
Le lecteur est totalement captivé et très bien immergé dedans. Il sera bien sûr très curieux d'en apprendre plus, et savoir comment il a réussi cet exploit, de s'en sortir de ce genre de missions, mais aussi oubliez les illusions, il faudra être prêt à faire face à de dures vérités et moments.
Ce tome finit par une interview de Sasaki Tomoji par l'auteur KÔKAMI Shôji, cela ajoute du réalisme et de l'intérêt, d'ailleurs nous croisons cette demande d'interview dans notre tome qui a d'abord été mal accueillie, c'est compréhensible pourtant sans elle nous n'aurions pas pu découvrir ainsi ce manga.

Extrait :
Férue d'histoire et d'aviation malgré ma peur du vide, je ne pouvais qu'être tenté par cette série. Rien qu'au résumé on sent déjà que l'histoire ne va pas être joyeuse, mais je ressens aussi de la colère. Pourquoi ? Parce qu'on a envoyé un homme neuf fois à la mort, alors qu'on aurait pu le considérer comme un héros bien avant ça. L'acharnement du gouvernement japonais à ne pas accepter la défaite aura fait tellement de morts inutiles (civiles et militaires). La plupart se sont même suicidés à la fin de la guerre, en utilisant une excuse, mais c'était surtout par lâcheté, tout comme le fait d'envoyer les autres à la mort, la solution de facilité par excellence.

Je ne connaissais pas l'histoire de Sasaki Tomoji, visiblement il s'agirait d'une histoire vraie, mais je n'ai rien trouvé sur le net… ce qui est assez étonnant vu le palmarès. J'ai réussi à trouver qu'un pilote tokkotai avait réussi à s'en sortir trois fois, mais rien de plus. Il y a une interview à la fin du tome avec lui, donc je suppose que son histoire est réelle, mais peu connue. Après tout, comme tout Etat ayant réalisé des horreurs, le Japon a aussi effacé ses traces avant l'arrivée des américains… lâche jusqu'au bout je suppose. Que dire de ses pilotes ? La plupart étaient très jeune, le plus jeune avait 17 ans. Contrairement à ce que laisse penser certains films, les pilotes n'étaient pas tous de fervent croyant envers leur empereur. Ils avaient envie de vivre, comme le montre si bien cette série. Ils n'étaient pas idiots non plus, et savaient que leur mort serait veine. Alors pourquoi ? Pourquoi ont-ils quand même franchi le cap ? Un seul mot : pression. La pression les a fait faire le saut final, saut qui coûtera la vie à des milliers de japonais, pour couler une quarantaine de navire…

Je ne sais pas ce qui est le pire, être dirigé par des incompétents trop lâche pour montrer l'exemple, mais qui n'hésite pas à te pousser jusqu'au bout. Ou savoir que tout cela sera inutile de toute manière, puisque le Japon est déjà en train de perdre. Via ce récit, les auteurs montrent que les pilotes n'étaient pas idiots. Ils savaient que Tokyo risquait d'être bombardée d'un moment à l'autre, que les attaques suicident étaient futiles. Les premiers sacrifiés furent les pilotes l'ayant dit à leurs supérieurs (qui n'y sont pas allés évidemment). Un ancien pilote, celui dont je parle plus haut, victime de sa survie et vivant dans la honte d'avoir survécu n'a pu remonter la pente qu'en retrouvant les dernières lettres de ses camarades et en créant un musée qui leur est dédié. le Japon, comme tout pays ayant fait des bêtises, ne parlent pas des kamikazes, c'est un sujet tabou. Combien de temps nous a-t-il fallut avant qu'un président reconnaisse l'existence de la collaboration en France ? Il a fallu attendre 1995 et Jacques Chirac. Même si le Japon s'ouvre un peu sur ses démons passés, il lui est impossible de retrouver des documents détruits, ou même de l'accepter totalement. Visiblement l'arrogance du pays, de ses dirigeants, et toujours là, incapables d'avoir une once de dignité et de courage, pour, juste admettre ses erreurs.

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Ce manga raconte en trois volets le parcours étrange et détonnant d'un homme qui se rêvait avion. Face à l'énergie et l'innocence, rendues parfaitement par la mise en scène et les dessins, de Sasaki, on découvre l'univers de cette armée de l'air. On observe sa fascination pour le vol, pour cette liberté et son absence de connaissance du monde terrestre. Il semble être au-dessus des autres et par son intermédiaire, nous découvrons les autres personnages, ses équipiers.
Alors que lui se jette à corps perdu, eux sont meurtris par le sort réservé. Ils sont destinés à la mort par la dernière invention de leurs supérieurs, une bombe attachée à leur avion. On ne leur laisse pas la possibilité de créer des stratégies pour détruire l'autre. Mais le sacrifice est la solution choisie et imposée. Les pilotes sont alors de la vraie chair à canons et c'est une grande désillusion pour eux. Les auteurs montrent ce rapport à la mort qui a évolué. Etre kamikaze était un sacrifice qui n'éteignait pas un espoir de survie. Finalement, ces hommes avaient encore le choix. Avec le tournant stratégique, c'est fini. Ils sont condamnées. Leur appareil devenant leur tombeau. Cette tragédie présente sur les visages inonde toute l'histoire progressivement. Les scènes de vol, symboles de liberté et de force, prennent des accents plus sombres.
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