Avec
Docteur Rat,
William Kotzwinkle signe une étrange fable politique dans laquelle le rat se fait le meilleur ami de l'homme. Et pour le pire. Car le rongeur en question,
Docteur Rat, est un cobaye de laboratoire enfermé de longue date avec des dizaines d'animaux, il a eu le temps d'observer tous les protocoles d'expérimentation animale pratiqués, tous plus invraisemblables les uns que les autres. de l'extraction des ovules d'une rate pour les greffer sur les oreilles ou l'estomac d'un mâle à l'implantation de dents en cercle jusqu'à percer le palais, le lecteur même peu sensibilisé à la cause animale est indubitablement interpellé par l'absurdité de ces travaux de recherche.
Loin de s'émouvoir,
Docteur Rat, lui, "a embrassé la cause des hommes" : "nous sommes ici pour servir l'humanité avec désintéressement et de toutes les façons possibles. Car seul l'homme possède l'étincelle divine. le reste d'entre nous vit dans les ténèbres. Sans âme". Sa psychose expérimentale lui confère la faculté de raisonner sans cesse et une obsession à aider les hommes. Avec l'aide d'une chanson drôle ou d'un discours séduisant, il encourage ses congénères à subir ces traitements sadiques aux finalités douteuses… jusqu'à l'arrivée d'un chien errant destiné à évaluer les conséquences de l'extrême coup de chaleur. Un étrange murmure, des ondes intuitives se propagent parmi les animaux, un soulèvement gagne les élevages intensifs, les abattoirs, les zoos, le laboratoire, la révolution est en marche…
Dans
Docteur Rat, on retrouve tous les ressorts de la fable :
William Kotzwinkle prend les apparences d'un prédicateur livrant ses paraboles derrière une histoire mettant en scène des animaux. Les hommes apparaissent furtivement dans de courts textes sur des pages blanches à peine noircies par une plume froide et désincarnée pour souligner leur inhumanité. Quant à la parole des animaux, incantatoire, messianique, exaltée, elle est baignée d'un feu particulier pour délivrer avec une formidable assurance et un lent crescendo le message de la primauté de la vie sous toutes ses formes.
Mais un lyrisme exacerbé et un style halluciné ont eu raison de la force puissamment évocatoire qui lie les animaux, ils l'affaiblissent au point de la rendre un peu trop artificielle à mon goût. du coup, le message perd de sa vigueur, et tout le texte devient un peu faiblard la morale de l'histoire occupant chaque paragraphe.
En revanche, le texte demeure intéressant en ce qu'il montre le zèle fanatique avec lequel
Docteur Rat se complait à honorer sa mission. Jusqu'au bout, jusqu'à l'excès, jusqu'à dépasser les hommes dans la folie.
Lecture décevante. Mais le roman a tout de même le mérite de rappeler que l'inhumain procède forcément de l'humain.