Étienne de la Boétie (1530-1563) fait partie de ces célébrités dont la brièveté de l'existence ne leur a pas empêché de marquer l'histoire.
La Boétie a vécu une vie brillante et brève comme celle d'une comète. On connaît tous ce que
Montaigne disait à propos des liens d'amitié qui le liait à
La Boétie : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ». Cette amitié intellectuelle et humaine s'est révélée très tôt,
Montaigne est impressionné par le discours de la Boétie sur la servitude volontaire rédigé vers l'âge de 18 ans. Ce texte d'une vingtaine de pages est resté célèbre à la fois pour sa critique violente du pouvoir politique, mais aussi pour l'érudition et la profondeur de pensée dont témoigne cet adolescent. Curieusement, la citation qui résume le mieux l'oeuvre de la Boétie et qui lui est attribuée à tort a été formulée par un député girondin Pierre Vergniaud en 1792 « Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». La thèse de la Boétie est la suivante : Les gouvernants conquièrent et maintiennent leur pouvoir en entretenant la peur afin de maintenir dans la suggestion le peuple qui se soumet au pouvoir en place par la force de l'habitude et de l'éducation. D'une certaine manière le peuple est responsable de son aliénation, car il n'ose pas s'insurger contre une minorité qui organise une hiérarchie à plusieurs niveaux pour assurer sa domination. On peut dire que
La Boétie a inspiré le courant philosophique de l'anarchie qui soutient que si l'homme est rationnel il n'a pas besoin de gouvernant pour gérer sa vie.
Le génie de la Boétie tient dans des idées simples, parfaitement exprimées et démontre un certain courage à une époque ou toute rébellion à l'autorité était sévèrement réprimée.
Ce texte est incontournable pour tous ceux qui s'intéressent à la politique et à la philosophie et ne représente pas un très gros effort de lecture. Toutefois je conseille de le lire dans une édition en français moderne ce qui n'est pas le cas du texte publié dans la collection Librio qui reproduit quasiment le texte du manuscrit d'origine avec les tournures de phrases et le vocabulaire du début du XVIe siècle. J'ai dû consulter souvent des dictionnaires anciens pour déchiffrer certains passages comme celui-ci : « … Lesquels pensera-l'on qui plus gaillardement iront au combat, ou ceux qui espèrent pour guerdon de leurs peines l'entretènement de leur liberté, ou ceux qui ne peuvent attendre autre loyer des coups qu'ils donnent ou qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ?... » (Page 11/12). Ce qui en français moderne pourrait être ainsi traduit : « Lesquels iront le plus courageusement au combat : ceux qui espèrent pour récompense le maintien de leur liberté, ou ceux qui n'attendent pour salaire des coups qu'ils donnent et qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ? »
Il est évident que lire le texte dans sa formulation d'origine ne présente d'intérêt que pour le lecteur qui s'intéresse à l'ancien français. Ce choix de l'éditeur est étonnant pour une collection de vulgarisation qui vise un public de lycéens ou de lecteurs qui souhaitent améliorer sa culture générale et non pas se présenter au concours d'entrée de l'école des chartes.
Le texte est complété par un discours de
Benjamin Constant sur la liberté et la démocratie comparés entre l'antiquité et nos jours prononcé en 1819 et par la fable
De La Fontaine «
Le loup et le chien », si ce dernier texte était utile pour illustrer le propos de la Boétie, le discours de
Benjamin Constant n'est là surtout que pour rajouter quelques pages à un volume très mince, mais il est vrai très bon marché (2 euros).
Si vous souhaitez lire la
Discours de la servitude volontaire, orientez-vous vers une édition en français moderne complétée par un appareil critique.
Je note 4 étoiles pour l'oeuvre de la Boétie, mais je ne mettrais que 1 ou 2 étoiles pour le travail de l'éditeur.
— «
Discours de la servitude volontaire », Étienne de la Boétie, Librio (2015), 73 pages.