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Retour au programme de l'agrèg, avec une nouvelle fois le genre d'oeuvres dont on entendrait jamais parler sans la confection de ces programmes académiques quelques fois inspirés comme cette année... Beaucoup d'ados, fougueux contestataires, tels que je le fus, ont dû adorer ce très court essai, qui fustige la tyrannie et, comme l'indique le titre, le processus de servitude volontaire qui s'instaure.

En le découvrant maintenant, outre l'obstacle de la langue de l'époque (car je le lis en langue originale) à laquelle on finit par s'habituer mais qui conserve de temps à autre une certaine obscurité, je n'adhère pas entièrement à l'ensemble du propos et du texte, même si je dois quand même louer pour l'époque l'audace de la pensée, de l'exercice, ainsi que la dernière partie. Elle aborde en effet les tentations humaines, et La Boétie s'éloigne alors de ce qui ressemblait jusque-là à un discours de hippie post-68ard caricatural qui en fait des caisses et qui en devient ridicule. C'est l'hugolien qui écrit ça, mais oui, il y a quelques fois des complexés du messie lourdingues, dans leur mission, dans leur sacerdoce de sauveurs idéologiques de la masse, nonobstant la noblesse de leur cause.

Anyway, lorsque La Boétie arrête de vouloir secouer comme des pruniers les paysans, et réfléchit à l'exercice du vice, de la récompense, des biens sur les serviteurs faibles face à l'or ou au pouvoir, ou nous instruit d'anecdotes antiques d'autorité, on comprend mieux l'influence du texte et son passage à la postérité, même s'il demeure relativement peu connu aujourd'hui. Si vous voulez découvrir les prémices de la littérature politique, juste après L'Utopie de Thomas More, un ancêtre (lointain, hein!) de la véhémence hugolienne, une sorte de premier exercice en la chose, avec une langue en devenir, encore imprégnée du latin dans le participe présent et certaines structures, prenez l'occasion, surtout que c'est très court, 50 pages à tout casser!!
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Selon La Boétie, l'état naturel de l'homme le pousse à lutter sans cesse pour sa liberté. Cependant, l'homme se trouve constamment asservi par le pouvoir, très rarement bienveillant, et se résigne à cette condition. Il met en évidence trois points à l'origine de ce renoncement: l'habitude qui anesthésie ses besoins naturels, une tendance à se laisser bercer par les distractions pour oublier sa condition et une faiblesse individuelle qui le pousse à la compromission avec le pouvoir pour s'assurer une meilleure position. Analyse claire et fondée.
La Boétie nous propose trois réflexions pour notre monde d'aujourd'hui:
- N'ai-je pas accepté par habitude ou conformisme une situation (personnelle ou professionnelle) dans laquelle je ne me sens pas vraiment libre et épanoui?
- Que m'apportent les innombrables divertissements de notre époque?
- Suis-je complice d'un système par intérêt matériel en risquant d'en être la victime demain?
Un texte court écrit vers 1548 et d'actualité pour de nombreuses années.
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Soyez résolu de ne plus servir....et vous voilà libre .
La messe est dite.
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Etienne de la Boétie : de la servitude volontaire (traduction en français moderne et analyse par Alain Mahé, avec une traduction en arabe et en kabyle, éditions Bouchene)
Cette déclamation fameuse étonne par sa violence, une violence égale à l'encontre du tyran et de ceux qui acceptent sa tyrannie : Mais ô bon Dieu ! Que peut-être cela ? Comment dirons-nous que cela s'appelle ? Quel malheur est-ce ? Quel vice, ou plutôt quel vice malfaisant ? Voir un nombre infini de personnes, non pas obéir, mais servir, non pas être gouvernés mais tyrannisés ; n'ayant ni bien ni parents ni femme ni enfants, ni leur vie même, qui soit à eux? (p 35). le seul avantage [du tyran] c'est celui que vous lui faites pour vous détruire [...] Comment a-t-il le moindre pouvoir sur vous que par vous ? Comment oserait-il vous assaillir s'il n'était d'intelligence avec vous ? Que pourrait-il vous faire si vous n'étiez pas receleurs du voleur qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes? Vous semez vos champs afin qu'il les ravage. Vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pillages. Vous élevez vos filles afin qu'il ait de quoi assouvir sa luxure. Vous élevez vos enfants afin que, dans le meilleur des cas, il les envoie dans ses guerres et les conduise à la boucherie, qu'il les fasse les agents de ses convoitises et les exécuteurs de ses vengeances (p 41-3). Quand il est désigné, « vous » c'est le peuple: C'est le peuple qui s'asservit et qui se condamne de sa propre faute et qui, ayant le choix d'être serf ou d'être libre, repousse sa liberté et prends le joug. C'est le peuple qui consent à son mal ou plutôt le recherche (p 39). [Le peuple] sert si librement et si volontiers qu'on dirait à le voir qu'il a non pas perdu sa liberté mais gagné sa servitude (p 53).

Selon La Boétie, la force des armes n'est pas la cause de ce vice malfaisant, de cette intelligence avec le tyran: Ce ne sont pas les bandes de cavaliers, ce ne sont pas les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent le tyran. On ne le croira pas d'emblée mais c'est pourtant vrai. Ce sont toujours quatre ou cinq qui soutiennent le tyran, quatre ou cinq qui lui tiennent tout le pays en servage (p 79). Cependant la force des armes va étendre et maintenir la tyrannie dans une construction pyramidale: Ces six ont six cents qui profitent sous eux et font de leurs six cents ce que les six font au tyran. Ces six cents en tiennent six mille sous eux. Ils les ont élevés à une dignité leur conférant ou le gouvernement des provinces ou la gestion de la fiscalité […] En somme, qu'on en arrive là par les faveurs ou les avantages, par les gains ou les regains qu'on a avec les tyrans, il y a en fin de compte presque autant de gens auxquels la tyrannie semble être profitable que de ceux auxquels la liberté serait agréable (p 79).

Les causes de la servitude sont l'ignorance, l‘habitude et la religion : Il n'est pas croyable comme le peuple, dès qu'il est assujetti, tombe si soudain dans un tel et si profond oubli de la liberté qu'il n'est pas possible qu'il se réveille pour la recouvrer (p 50). Les tyrans eux-mêmes trouvaient bien étrange que les hommes puissent supporter un homme leur faisant mal. Il tenaient beaucoup à se parer de la religion et, s'il était possible, emprunter quelque parcelle de la divinité pour soutenir leur méchante vie [...] En France, les nôtres semèrent je ne sais quoi du même genre : des crapauds, des fleurs de lys, l'Ampoule et l'oriflamme... (p 75). Mais La Boétie va plus loin puisqu'il affirme que la servitude est volontaire: Il n'y a que la liberté que les hommes ne désirent pas. Uniquement, semble-t-il, parce que s'ils la désiraient, ils l'auraient : comme s'ils refusaient de faire cette belle acquisition parce qu'elle est trop facile (p 41). Voire. Est-ce le défi d'un jeune homme (La Boétie a écrit LSV à 18 ans), une façon de mettre l'asservi face à sa responsabilité quand il peut encore résister ? Ou est-ce la dénonciation d'un vice de la nature humaine, un désir de soumission, présent chez chacun et qu'on doit reconnaître et combattre ? On ne trouve pas littéralement dans LSV le désir d'être dominé, qui va plus loin que la passivité devant la domination, sinon dans le calcul servile et intéressé de l'entourage immédiat du tyran. Pourtant cette extrapolation a été formulée et Alain Mahé discute cette « interprétation exemplaire » de Claude Lefort p 302. Une vue plus réaliste est que la tyrannie est souvent installée par la force. Elle peut l'être par la ruse dans un coup d'état, mais en cas de succès le tyran dispose bientôt de la force économique et militaire. La Boétie écrit que : Il y a trois sortes de tyrans. Les uns ont le royaume par l'élection du peuple, les autres par la force des armes, les autres par la succession de leur lignage (p 49). La première est illustrée par Napoléon III après sa période libérale, la seconde par la révolution russe, la troisième par la monarchie héréditaire de droit divin où les rois disposent non seulement de la force économique et militaire, mais aussi de la légitimité religieuse qui protège l'absolutisme et ouvre la voie à la tyrannie. Ces exemples sont bien sûr anachroniques, tout autant que les exemples antiques rapportés par La Boétie. Mais dans ces exemples et beaucoup d'autres (les fascismes, Pol Pot), il ne suffit pas de le vouloir pour être libre.

Quel remède ? La Boétie ne s'y attarde pas. Par autocensure il n'évoque ni la révolte armée ni le tyrannicide. Il donne comme moyen ou comme condition de résistance l'amitié, qui fait toujours défaut au tyran : L'amitié, c'est un nom sacré, c'est une chose sainte. Elle ne se met jamais qu'entre gens de bien et ne se cimente que par une mutuelle estime […] Il ne peut y avoir d'amitié là où il a cruauté, là où est la déloyauté, là où est l'injustice. Et entre les méchants, quand ils s'assemblent, c'est un complot, non une compagnie. Ils ne s'entr'aiment pas mais ils s'entr'craignent : ils ne sont pas amis mais ils sont complices (p 87). LSV est un monument énigmatique qui n'apporte pas de solution à l'opposition liberté-tyrannie, mais qui stimule la réflexion dans un style étincelant. Dans le monde présent de flottement politique, d'abandonnisme, de terrorisme et de contre-terrorisme, sa traduction en arabe et en kabyle l'ouvre à un autre monde culturel.
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C'est un jeune de 18 ans, né il y a presque 500 ans qui nous nous donne une leçon de vie et d'éthique. le principe est simple : pour être dominé il faut se soumettre à cette domination. Il est donc vain d'accuser les tyrans si l'on se résigne. La Boétie nous invite à nous révolter en premier lieu contre nous-même afin de nous libérer du joug des intérêts secondaires et de refuser l'aliénation que constitue la soumission à autrui. Par facilité ou par peur l'homme s'assujettit, pour vivre libre il lui faut donc placer les faveurs et les craintes au second plan. Servitude volontaire, corruption, favoritisme et leur corolaire l'absence de liberté constituent le corps de ce pamphlet. La liberté a un prix, le choix. !
Et c'est plus que toujours d'actualité comme le dit gigi55...
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"Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres." Qui ne connait pas cette fameuse citation d'Etienne de la Boétie, figure humaniste majeure du 16ème siècle ? Deux siècles plus tard, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen entérinera ces propos dans son premier article: "Les hommes naissent et demeurent égaux et libres en droit."
Encore deux siècles plus tard, La Boétie est toujours d'actualité. La liberté, la vraie, est toujours un enjeu pour les peuples, une lutte coriace et continue. le véritable citoyen se doit de la défendre et déjouer les pièges de la servitude.

Courant après le prestige, les mondanités, les biens matériels, les hommes se laissent assujettir. Souvent contraints par un tiers mais toujours trompés par eux mêmes. On s'habitue, on se complait dans la servitude. C'est le choix de la facilité. On arrive même à oublier le gout de la liberté. L'habitude et l'éducation tordent nos inclinations naturelles. On pense bien évidemment à cette école et ces "grands corps" qui forment, ou plutôt déforment, aujourd'hui des petits rouages destinés à alimenter la grande machine.

"La nature de l'Homme est d'être indépendant et de vouloir le rester, mais elle est aussi de prendre naturellement le pli que lui a donné l'éducation.".

L'Homme sait justifier sa servitude, s'arrange avec sa conscience mais l'Homme avide de connaissances, l'Homme qui lit, réfléchit et agit tend vers cette liberté, ne serait ce qu'en esprit et par cela même ne peut se contenter de servir. Cet Homme est un Homme révolté. D'un autre coté, si les tyrans détiennent un semblant de pouvoir, ils ne peuvent véritablement connaitre l'amitié, la joie d'épancher son coeur, se confier. Ils ont troqué leur domination contre leur humanité.

Plus qu'une lecture enrichissante, ce discours est une véritable ode à la liberté, à la joie de résister, de combattre, à l'ardeur et au courage, à l'honneur et à la vraie gloire !



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Cet essai est un vrai tour de force. En quelques pages, l'auteur résume les obstacles auxquels ont fait, font, et feront face les groupes souhaitant mettre en place, ou tout simplement vivre dans, une société libre. Les références antiques sont tout aussi édifiantes que drôles, notamment la ruse de Cyrus pour maîtriser sans violence les Lydiens. C'est un court essai mais très riche, que j'ai découvert grâce à un autre livre (Noël 2041 de Camille Romain-Smith) qui y faisait référence. Tout comme les ' pensées pour moi-même ' de Marc-Aurèle que j'avais découvert par hasard grâce à ma bibliothèque municipale qui l'avait mis en exergue, je regrette qu'un essai comme de la servitude volontaire, écrit de surcroît par un très jeune homme, n'ait pas figuré sur mes listes de lecture pour les épreuves de littérature au lycée. Je recommande absolument cet ouvrage !
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Étienne de la Boetie analyse la servitude volontaire du peuple. Pour lui, il existe 3 procédés admis par l'individu. On remarquera que 5 siècles plus tard nous en sommes toujours là. L'humain a cette capacité à laisser sa liberté aux mains des autres et à accepter d'aller dans un chemin même si celui ci va à l'encontre de ses envies et surtout de ses besoins.
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Il est des textes qui vous laissent lorsque vous les avez finis, un sentiment d'avoir appris, découvert une vérité qui était au plus profond de vous mais que vous ne saviez pas exprimer.
Le discours de la servitude volontaire (ou l'autre titre « contr'un ») est de ceux-là, écrit par un jeune homme de 16 ans Etienne de la Boétie et circulant sous le manteau en 1553 et qui vous gifle d'une vérité « on peut vouloir volontairement être assouvit à une seule personne ».
L'auteur démontre comment tout tyran, roi ou élu par un mécanisme de manipulation du pouvoir peut assouvir tout un peuple qui par habitude l'accepte.
Alors oui, il faut lire ce classique que l'on enseigne dans les grandes écoles et auprès de toutes les élites et cela n'est sûrement pas sans arrière-pensée.
La compréhension de ces mécanismes nous permet d'ouvrir les yeux sur notre propre condition et le monde qui nous entoure, car il ne faut pas s'y tromper, ce jeune homme de 16 ans a réveillé les consciences de son temps mais ce texte est encore plus d'actualité en 2022, alors ne nous privons pas de goûter le plaisir d'un beau texte qui réveillera notre conscience.
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Un texte remarquable pour une plume si jeune. À 18 ans , La Boétie avait déjà des choses à apprendre aux jeunes et aux vieux.
Un texte destiné à faire réfléchir ceux qui se trouvent asservis et sous le joug des tyrans. Si l'on refuse cet asservissement, cette servitude, alors tout le système tyrannique s'effondre et s'émiette laissant place à la liberté qui est le droit du peuple et le droit de chacun.
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