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Je n'avais jamais lu ce classique de l'histoire des idées, c'est chose faite. Ce petit livre est très marqué par son époque dans son style d'écriture, mais le propos n'a pas pris une ride. Concernant le style, Étienne de la Boétie s'adresse à son lecteur presque comme au cours d'une conversation : il multiplie les exemples, digresse, revient à un argument déjà évoqué, au point que ces détours rendent la structure de l'ouvrage difficile à appréhender. Non que cela rende la lecture déplaisante ou le propos obscur, mais on est loin d'une démonstration au sens propre du terme. Une autre marque de l'époque, propre à sa culture dominante, est le recours systématique à des exemples tirés de l'Antiquité. de nombreux commentateurs ont remarqué que cela permettait également à l'auteur de s'éviter les foudres de ceux de ses contemporains qu'il visait plus ou moins directement.

Le Discours de la serviture volontaire est un grand texte, écrit par un tout jeune homme qui y fait preuve d'une étonnante maturité. Si je peux me permettre un conseil (de lecture), il sera utilement complété par Lune noire, petit livre de John Steinbeck qui me semble illustrer parfaitement le propos de la Boétie, quelques quatre cents ans plus tard.
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La Boétie nous renvoie à la figure la responsabilité de la propagation de la tyrannie, par degrés, de la participation au premier cercle autour du tyran jusqu'à la banale servitude volontaire.
Enfin s'il n'est pas recommandé de fomenter la mort du tyran, le simple acte de désobéissance civile n'est pas sans conséquences. La longue introduction de la présente édition du Discours de la Boétie rappelle le contexte de la révolte des paysans contre la perception de la gabelle et la terrible répression qui s'en est suivie.
Mais l'idée est là, c'est la révolution non violente. Elle est déjà assez audacieuse pour que son ami Montaigne craigne et s'abstienne de publier le manuscrit à la mort de la Boétie. Heureusement d'autres s'en chargeront.
La désobéissance, dans le contexte qui nous intéresse, est une question de dignité. Un autre texte prolonge le Discours de la Boétie en soulignant ce moment particulier où quiconque ressent nécessairement l'humiliation. Mais passé ce cap, on peut s'attendre au pire de celui ou celle qui en prendra le parti.
L'actualité de tel personnage de l'extrême droite qui arrive ou approche du pouvoir, montre qu'il y a un problème de discernement. Je suis toujours frappé par cette phrase complice, à la clé de la propagation de la peste brune : « j'ai des amis qui ont des bonnes raisons pour voter pour un tel personnage ».
Alors, à ceux qui ne voient pas le rapport entre les menaces actuelles des nouvelles formes de fascisme et l'histoire récente, à quoi bon citer La Boétie avec ses histoires de tyrans sortis de l'antiquité ?
Il reste que le courage des héros des Lumières est aussi capable d'enclencher l'enthousiasme de proche en proche, pour remonter la pente et sortir des nouvelles formes de servitude volontaire.
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Le discours de la servitude volontaire est un texte court mais brillant, rédigé par un jeune homme d'environs dix-huit ans. Encore aujourd'hui il a gardé toute sa saveur subversive.
Il décrypte les mécanismes qui amènent une population à se laisser dominer par un seul homme, en appuyant sa thèse par des exemples historiques bien loin de la réalité française de son époque afin d'éviter quelques soucis.


Il affirme que c'est le peuple qui accepte de lui-même de se soumettre à un tyran, pourtant sans son consentement le tyran ne serait rien.

Il dénombre trois sortes de tyrans :

1° cas : le tyran choisi par le peuple.
Le peuple étant né sous la dictature du tyran, cela lui paraît évident puisqu'il en a toujours été ainsi depuis sa naissance. Ça lui semblera normal de vivre de cette façon avec si peu de liberté. « On ne regrette jamais ce que l'on n'a jamais eu » comme le dit la Boétie. le tyran peut aussi prétendre que son pouvoir d'accéder au trône provient de droit divin, ce qui lui confère une aura quasi sacrée. le peuple crédule alors n'osera pas le contredire. C'est pour ces deux raisons que la monarchie absolue a durée aussi longtemps en France.


2° cas : le tyran utilisant la force des armes.
Le peuple a une fâcheuse tendance à oublier assez vite la liberté qu'il avait avant le tyran, et avec elle s'en va la vaillance et le courage. Il se laisse ainsi aller aux nouvelles coutumes.
Pour encore mieux endormir et abêtir la masse, le tyran est capable de construire des bordels, des tavernes, des théâtres et toutes sortes de loisirs dans lesquels le peuple pourra oublier pour un moment sa condition. Une forme d'opium du peuple en quelque sorte.

Le tyran est souvent soutenu par quelques personnes attirés par la lumière, quatre ou cinq personnes maximum, qui sont voués aux basses besognes. Ces sbires, entre eux, se craignent car il ne peut y avoir d'amitié dans la cruauté et dans les interstices du pouvoir. Ceux-ci feront tout pour plaire à leur tyran bien qu'ils en aient aussi très peur car il a droit de vie ou de mort sur eux. Mais ces quatre ou cinq personnes ont sous leurs ordres au moins six cents hommes qui contrôlent les différentes régions du territoire, et ces six cents possèdent six milles soldats. Tous ces gens-là sont uniquement appâtés par l'argent et un semblant de pouvoir. C'est un fil d'Ariane qu'on ne cesse de dérouler sans jamais parvenir à en voir le bout.

Bien sûr, le tyran, entouré d'un tas de courtisans prend bien garde de les tenir les uns par les autres pour éviter tout complot.


3° cas : le tyran par succession de famille.
Celui-ci rejoint les deux cas précédents dans la perpétuation filiale de la tyrannie.


C'est un texte fondateur et précurseur de la résistance passive, un texte que l'on peut ranger à côté de la « Désobéissance civile » de Thoreau.
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Petit essai qui décortique en quelques pages les mécanismes qui font qu'un peuple reste sous le joug d'un tyran sans se révolter. Tout d'abord, l'habitude : si le passage de la liberté à la servitude est dure à vivre, les gens qui naissent esclaves ne peuvent pas regretter ce qu'ils ne connaissent pas. Les divertissements et les quelques largesses que distribuent le tyran rendent les gens plus disposés à se soumettre, pourvu qu'on continue à les amuser. Et enfin, une structure de soumission pyramidal, qui encourage les citoyens à rentrer dans le système en espérant grappiller quelques miettes de richesse plutôt que de tout risquer pour défendre leur liberté.
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Depuis l'Antiquité et même depuis la nuit des temps, certains êtres, mégalomanes, psychorigides, pervers narcissiques, sociopathes et autres se sont institués tyrans de leurs tribus ou de leurs peuples. Comment ces derniers ont-ils accepté et même recherché cette domination ? Et pourquoi, en échange d'une sécurité illusoire sont-ils satisfaits de vivre soumis et ne craignent-ils pas de perdre leur bien le plus précieux, leur liberté ? Chez l'humain, l'instinct grégaire est si prégnant que s'il imagine qu'une majorité de ses concitoyens se comporte d'une certaine façon, il doit s'y conformer pour ne pas être rejeté par le troupeau. Ainsi nos maîtres n'ont-ils de pouvoir que celui que nous voulons bien leur accorder. Si tous les pouvoirs sont réunis dans les mains d'un seul individu, il doit cependant disposer d'une sorte de garde rapprochée, généralement composée de quelques personnes viles et corrompues, pour diffuser ses ordres. Ce premier cercle passe le relais à un second d'aussi médiocre qualité, mais qui représente quelques dizaines de personne. Et le processus se poursuit avec un troisième cercle plus étendu, puis avec un quatrième, un cinquième, etc. Sans tout ce réseau de connivence et de complicité, rien ne fonctionnerait. le tyran sait que tout le monde le déteste, mais que, tant que le peuple reste consentant, sa domination est assurée.
Ecrit en 1546 ou 1548 par un jeune étudiant en droit ami de Montaigne, « Discours de la servitude volontaire » est un essai socio-politique majeur qui étonne par son intemporalité et sa modernité. Les découvertes de Bernays et autres sur la fabrique du consentement, sur la manipulation des foules (Le Bon) et sur les techniques de propagande ne feront que confirmer ce « discours » d'une étonnante sagesse et d'une remarquable finesse d'observation. L'auteur ne fait pas référence à son époque troublée (guerres de religion), mais à l'histoire en général et à l'Antiquité romaine qu'il connait particulièrement bien. Il cite, entre autres, les cas de Néron et Jules César qui finirent plutôt mal, mais qui, paradoxalement, furent très regrettés par le peuple. À croire que ce dernier était et est toujours un peu maso ! La « traductrice », c'est-à-dire l'adaptatrice, Séverine Auffret, ayant parfaitement su transposer ce texte essentiel en français moderne, contrairement à des versions plus anciennes, le résultat obtenu permet une lecture aisée et parfaitement compréhensible que l'on ne peut que conseiller à qui veut mieux comprendre notre époque, aussi étrange que cela puisse paraître !
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Ce livre fut écrit il y a cinq siècles. Pourtant, chez tous ceux pour qui le mot Liberté a encore du sens et qui accessoirement savent lire, son actualité s'impose cruellement. Car si la domination a changé de visage, il reste que: « Toujours s'en trouvent-ils quelques-uns qui sentent le poids du joug et ne peuvent tenir de le secouer ; qui ne s'apprivoisent jamais de la sujétion et qui toujours ne se peuvent tenir d'aviser à leurs naturels privilèges ; ce sont volontiers ceux-là qui, ayant l'entendement net et l'esprit clairvoyant, ne se contentent pas de regarder ce qui est devant leurs pieds ; ce sont ceux qui, ayant la tête d'eux-mêmes bien faite, l'ont encore polie par l'étude et la connaissance.
Ceux-là, quand la liberté serait entièrement perdue et toute hors du monde, l'imaginent et la sentent en leur esprit, et encore la savourent, et la servitude ne leur est de goût, pour tant bien qu'on l'accoutre. »
Quelques-uns trouveront donc dans ce livre un précieux soutien ...
D'autres qui n'imaginent ni ne sentent plus rien n'y verront probablement qu'une relique du passé.
Avec les siècles, la servitude volontaire a donc changé de nombreuses fois de formes et de visages ainsi, bien sur, que la domination qui l’accompagne comme son ombre. Ainsi, à la Théologie, qui prétendait justifier les structures hiérarchiques du temps de La Boétie, s’est progressivement substitué l’Économie politique, comme pseudoscience, comme gestion des affaires humaines, comme nouvelle religion encore plus aliénante.
A la liberté des êtres humains, demeurant pour leur plus grande part dans l’asservissement, s’est substituée la liberté du Marché s’avançant le plus souvent masquée sous la rassurante appellation de libéralisme ou, plus drôle encore, de socialisme.
Dans notre belle modernité, loin de nous libérer de l’État, le Marché s’est intimement associé à celui-ci dans une subtile répartition des taches ; à l’État les fonctions régaliennes, police, répression, surveillance, défense des intérêts des possédants ; au Marché, la savante organisation de la dépossession du plus grand nombre au profit d’une poignée de mafieux à l’avidité sans limites. L’interpénétration entre les structures étatiques à leur sommet et les gestionnaires du capital étant désormais presque totale et quelques soient les gouvernements en place. Pour couronner le tout, c’est le plus souvent dans un système annoncé comme « démocratique » que se déploie ce « meilleur des mondes ». Seuls quelques mauvais esprits remarqueront que cette démocratie là, a littéralement été vidée de toute substance ; qu’à la place de citoyens ne demeurent que des spectateurs, ridiculement réduits à l’impuissance et que, comble d’humiliation, on culpabilisera devant leur manque d’enthousiasme à voter bleu ou rose.

C’est à l’aune de cette réalité là qu’il faut relire La Boétie et s’interroger sur Notre servitude volontaire.
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Ce cours texte écrit par LA BOETIE à l'âge de 18 ans (alors qu'il n'était encore ni magistrat au Parlement de Bordeaux, ni ami avec Montaigne) frappe le lecteur moderne pour plusieurs raisons.
D'abord et en premier lieu pour son propos subversif et sa défense de la liberté qu'il place en tête de toutes les valeurs pour lesquelles on peut risquer sa vie.
Fortement indigné par l'instauration d'un impot sur le sel, la gabelle, qui ruine les petits producteurs, et par la répression royale face à la révolte populaire, il condamne la servitude à laquelle les hommes consentent ce qui mène les tyrans à diriger le monde.et ce brûlot laisse dans son sillage un petit goût d'anarchisme.
Mais un second degré de lecture conduit à réfléchir sur ce qui fait accepter aux hommes les contraintes extérieures liées aux autorités diverses qui les régissent et que la domination peut prendre bien des visages
Ce texte présenté dans les lycées est propre à susciter des réflexions salutaires et notamment sur le niveau des étudiants. Quel jeune de 18 ans peut se vanter de nos jours de posséder une culture gréco-latine comparable à cette du jeune LA BOETIE ?
Avant de poursuivre votre réforme contestée,Mme NAJAT VALAUD.BELKACEM refléchissez bien et surtout plongez-vous dans la littérature antique et vous verrez qu'elle structure notre socièté et que ses idées et concept sont porteurs de NOTRE AVENIR.
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Excellent petit pamphlet libertarien, j'apprécie tout particulièrement la description de ceux qui collaborent avec le régime, appelés, avec beaucoup de justesse "les Mange-Peuple". Ses analyses selon lesquelles on ne perd pas une liberté, mais on gagne une servitude à laquelle on s'habitue vite et que l'on finit par aimer, sont d'une pertinence percutante.
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Dans son célèbre discours sur la servitude volontaire, La Boétie, qui n'a alors que 18 ans, s'interroge sur les raisons qui amènent les hommes à se soumettre à un tyran, et ensuite à rester volontairement à son service.
Le désir de liberté des hommes est effectivement engourdi, par les plaisirs que la société lui offre, par les facilités qu'elle lui procure, et par la religion.

C'est encore d'actualité, plus que jamais. Au vingtième siècle, les idéologies ont remplacé largement la religion pour ce qui est de maintenir les hommes en servitude (communisme, capitalisme). Au vingt-et-unième siècle, les idéologies perdent de leur influence et sont remplacées par des formes plus subtiles de manipulation sans doute. La prolifération des phénomènes de burn-out, d'épuisement professionnel montre bien que des individus ont su s'anéantir, volontairement semble-t-il, pour se livrer corps et âme à leur travail. On leur a proposé une mission qui dépassait largement leurs seules possibilités en leur faisant miroiter que tout reposait entre leurs mains. Et la servitude devient encore plus volontaire… La part de moi qui est adulte se méfie de ce contrat qui me laisse totalement le champ libre, la part d'enfant en moi apprécie ce sauf-conduit pour la toute puissance. Et je tombe dans le panneau.
Pour justifier une charge de travail manifestement excessive, un de mes managers m'a une fois sorti cette phrase hallucinante : « dans ton précédent service, on te fouettait comme un âne mort, mais tu vois maintenant on te cravache comme un cheval de course, c'est dire si on croit en toi ». Cela résume bien la situation actuelle.


La Boétie l'avait vu aussi, les esprits les plus libres ne se laissent pas asservir par les distractions et les plaisirs mais par cupidité et désir d'honneur. Bref par le besoin de reconnaissance, ce qui reste d'actualité. D'où la question à se poser :
Est-ce que mon besoin de reconnaissance me transforme en courtisan ? de fait, le courtisan est encore moins libre que l'homme du peuple puisqu'il doit non seulement servir le tyran, mais également le côtoyer et d'autant plus penser comme lui.
Nous avons une chance énorme, dans nos sociétés démocratiques, que le pouvoir soit très peu exercé par la répression, il ne tient donc qu'à rejeter la servitude volontaire, pour ceux qui le souhaitent, à l'accepter pour ceux qui la convoitent et à choisir le juste milieu pour ceux qui se sentent capables de marcher au bord du gouffre.


Si l'on pouvait écrire chaque jour un journal de ses libérations et de ses soumissions... Il est important que la balance penche du côté de la libération, mais la route est semée d'embuches et nécessite parfois quelques compromis pourvu qu'ils ne mènent pas à passer outre son éthique.
Et quand on ne cherche pas le pouvoir mais changer le système, la soumission au système est parfois nécessaire pour changer les choses de l'intérieur. C'est trop facile de dénoncer le système, de se situer à l'extérieur, parfois d'en profiter un peu ou même beaucoup et de s'en laver les mains en le dénonçant d'un bloc.
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L'histoire des peuples est un perpétuel recommencement. Qui eut cru que de telles réflexions écrites il y a près de 500 ans allaient trouver un tel écho aujourd'hui?
Étienne de la Boétie démonte les mécanismes d'asservissement des peuples qui curieusement se livrent volontairement à la tyrannie d'un seul par lâcheté et par aveuglement. Autrement dit les hommes sont complices de la dictature dont ils sont les victimes comme dans “ Soumission “ de Houellebecq.
Cependant on pourrait répondre à La Boétie que ,même avec du courage ,il n'est pas facile d'empêcher “ un tyran” de nuire car il a construit autour de lui un système tellement verrouillé qu'un individu seul ne peut le combattre. ( cf les dictatures du XX ème siècle) . Et aujourd'hui il y a aussi d'autres formes de tyrannie tout aussi pernicieuses.
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