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EAN : 9782370733382
461 pages
Allary Editions (27/08/2020)
3.32/5   28 notes
Résumé :
La paternité, une épopée !

« La paternité est la grande affaire de ma vie adulte. Elle a occupé une large partie de mon temps. Mon premier enfant est né quand j’avais vingt-cinq ans ; mon cinquième quand j’en avais quarante-deux. Quatre garçons, une fille. De deux mères différentes.

J’ai attendu que le cycle des naissances s’achève pour raconter cette expérience. J’en ressentais le désir depuis longtemps. Les romanciers, les intellect... >Voir plus
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Alexandre Lacroix a déjà un beau palmarès dans l'édition : des romans, des essais et même des albums jeunesse. de plus, il est rédacteur en chef de Philosophie Magazine et cofondateur de l'école d'écriture Les Mots.

Alors, quand il se lance dans La Naissance d'un père, il prend un risque puisque le père en question, c'est lui. le livre étant annoncé comme roman, je ne sais faire la part du réel et du romancé au cours de ces 460 pages. Malgré tout, je pense que la réalité l'emporte sur la fiction, un savant dosage des deux qui donne un livre agréable à lire, d'une écriture soignée, et riche en anecdotes, qu'elles soient prises dans la vie familiale ou non.
L'auteur divise son livre en trois grandes parties, aux titres un peu énigmatiques : Un, Trois et Cinq. Ces chiffres sont calqués sur le nombre de ses enfants pour la période concernée. Il m'a emmené d'abord en Avignon avec Mathilde qui lui donne Bastien, le même jeune homme qui clôturera le livre. Puis, c'est Paris où Giulia met au monde Andreano, Lucrezia et Giacomo (Trois) et enfin Pietro (Cinq).
Tout ce qui est écrit semble vécu, présenté avec de savoureuses descriptions détaillées sans concession, avec un goût un peu vachard pour croquer les personnes rencontrées. Alexandre Lacroix ose raconter ce que les hommes préfèrent écarter, ne pas évoquer : l'accouchement, les soins apportés au bébé, les couches, les nuits hachées, les soucis permanents du quotidien, la vie quoi.
J'ai lu tout cela avec parfois un sourire dubitatif aux lèvres car je suis grand-père – je préfère entendre papi – de quatre formidables petits-enfants qui nous ont été donnés par nos deux fils et leurs compagnes. Pour moi, ces bébés nés au cours des premières années du XXIe siècle, ont été une émouvante et extraordinaire révision des années vécues comme père et j'ai apprécié la lecture d'un livre qui présente finalement une grande famille intercalée entre les deux périodes que j'ai eu la chance de vivre avec des enfants en bas âge.
Alexandre Lacroix ne se prive pas de donner son avis sur quantité de sujets au passage, au fil des séquences de vie. Je sais qu'il n'apprécie ni Renaud, ni Carlos mais j'aurais aimé qu'il parle des chanteurs qu'il aime.
L'Italie est de plus en plus présente au fil des pages car Giulia est Italienne et les prénoms de ses quatre enfants l'attestent. Séquences éducatives, vacances, vie avignonnaise et parisienne, travail, Alexandre Lacroix m'a surpris en parlant, sur la fin, de l'écriture de ce livre que je tiens en mains grâce aux Explorateurs de la Rentrée littéraire 2020 de Lecteurs.com et aux éditions Allary. Il partage tout simplement ses doutes et ses espoirs, ses hésitations aussi, son travail d'écrivain. J'ai apprécié ces réflexions au final, poussant un peu plus fort le côté autobiographique du roman.

La Naissance d'un père m'a plu la majorité du temps, irrité parfois, lassé un peu par sa longueur mais c'est une oeuvre importante qu'il faut faire lire aux plus jeunes, une ode essentielle à l'amour, à la vie et au partage d'un bonheur familial pas toujours facile à trouver.


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Un, trois et cinq

Alexandre Lacroix raconte comment il est devenu père à cinq reprises avec des mères différentes. Un témoignage servi par une plume allègre qui n'omet aucun des aspects de la paternité.

C'est une histoire ordinaire et pourtant toujours exceptionnelle à laquelle nous convie Alexandre Lacroix, celle de la paternité. Pour le narrateur, qui n'est autre que l'auteur, cette paternité va se répéter cinq fois, ce qui n'est – avouons-le – peu ordinaire, d'autant que ces naissances n'ont rien de planifié. En revanche, cela confère, au fil de l'arrivée de ses enfants, une réelle expertise au géniteur.
Mais si les futurs pères peuvent trouver ici quelques conseils, c'est avant dans le style adopté par l'auteur que réside l'intérêt de ce témoignage. Voilà en effet la comédie humaine du XXIe siècle.
Bastien, son premier fils, naît le 22 octobre 2000 à Avignon. Un événement auquel le jeune père a pu se préparer pendant quelque neuf mois, mais qui le prend tout de même au dépourvu. Si à la maternité tout a l'air sous contrôle, les premières nuits sont difficiles à gérer «Nous nous sentions, l'un comme l'autre, abandonnés avec une tâche trop grande, trop grave pour nous. Nous allions nous faire aspirer, dévorer entièrement par cette si petite chose, cet angelot en pâte de Sèvres qui reposait sous sa couverture laineuse, car il avait besoin de soins constants, il ignorait la différence entre le jour et la nuit, il était indifférent à notre fatigue à nous…»
Comme pour la plupart des couples, après les premières angoisses, une routine quotidienne va se mettre en place, les tâches se partager. À la mère l'allaitement et au père les promenades. Si les ressources du couple sont limitées – il est écrivain et chroniqueur peu rémunéré, elle est prof de philo vacataire – il peut consacrer du temps à cet enfant. Bastien va ainsi grandir auprès d'un père très présent, qui arpente avec lui à peu près toutes les rues de la cité des papes et joue avec lui dans les bacs à sable, sous l'oeil attendri des mères auxquelles ce rôle semble dévolu.
La vie sociale, notamment avec des voisins aussi particuliers qu'attachants, n'est pas abolie pour autant. Mais Mathilde, au bout de trois ans dans le Vaucluse, veut retourner en Bourgogne où une maison de famille leur permettra d'économiser le prix du loyer, une charge qui pèse lourd sur le budget du jeune ménage. L'auteur fait l'impasse sur la période qui a suivi et sa rupture avec Mathilde puisque le chapitre suivant s'ouvre dans un appartement de la rue de la Grange-aux-Belles, dans le Xe arrondissement de Paris, sans doute au moment où il conçoit son second fils avec Giulia, la belle italienne qui partage désormais sa vie. Elle donnera naissance à Andreano, Lucrezia et Giacomo. Autant d'expériences qui permettent à Alexandre Lacroix de creuser encore davantage le sillon de la paternité, d'approfondir les thèmes déjà abordés sur l'éducation et la place du père et d'ouvrir de nouvelles pistes comme la famille recomposée, les différences culturelles entre l'Italie et la France ou encore la famille nombreuse, aujourd'hui considérée comme une bizarrerie. le tout est servi par une plume allègre qui n'oublie ni les délicieux mots d'enfant, ni les rituels qui se mettent en place, ni les lectures ou les jeux, de Tintin aux échecs, ni les vacances, comme celles à Capriata d'Orba dans le Piémont italien, «l'endroit idéal pour parler de Dieu et de théologie».
La naissance en janvier 2017 de Pietro Stelio Lacroix servant en quelque sorte de point d'orgue à ce beau roman de la paternité dans lequel on avance «à pas lents, avec un sentiment de gratitude et d'effroi» en découvrant «les pièces l'une après l'autre, les circulations, les étages et les cours intérieures.» À conseiller aux futurs pères – pour les encourager – à ceux qui ont connu cette expérience – qui retrouveront beaucoup de leur vécu – et aux mères qui seront curieuses de découvrir comment les hommes vivent une naissance.



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J'ai souvent ri des scénettes ou des bons mots d'enfants qui jalonnent ce roman autobiographique. Pensez-vous, cinq enfants ! Enfants désirés, enfants de l'amour. Et c'est de manière toute naturelle que l'auteur a fait le choix de sa paternité comme sujet de son livre. Cela peut paraître déroutant, car très rare.
Jamais je n'ai lu, ni entendu d'ailleurs, un homme parler de ses enfants et de leur éducation avec autant de sincérité, de clairvoyance, ponctué de réflexions parfois très approfondies et dans un engagement total et inconditionnel. Je me suis dit franchement, cela aurait été malheureux qu'il n'ait pas eu d'enfants, cet homme ! Son épouse devait souvent le regarder avec des yeux admiratifs.

Quel bon moment j'ai passé ! Combien de passages lus et relus tant je les ai trouvés excellents ! Tous ces petits moments de la vie qui font l'existence , mêlés au travail, aux potes, aux écarts, aux difficultés à surmonter, l'auteur les prend à bras le corps et avance. Et fait avancer sa progéniture que l'on suit tout le temps de leur enfance.

C'est non seulement très plaisant à lire mais aussi fort intéressant. Beaucoup de réflexions sur la marche à suivre dans le quotidien. L'auteur réfléchit à son rôle de père et se remet en question. C'est jouissif du fait de nombreuses scènes cocasses.
Bravo à l'auteur qui nous a ouvert les portes de son intimité avec beaucoup de naturel. ça se lit comme du petit lait (ça, il aurait bien aimé). Bref, cette lecture m'aura apporté joie et plaisir et me donne fort envie de connaître d'autres livres d'Alexandre Lacroix.
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L'originalité de ce livre, revendiquée par Alexandre Lacroix lui-même, réside dans la position de l'auteur qui cherche à comprendre et à raconter comment un homme devient père. Beaucoup de livres ont été écrits à propos des relations que des fils ou des filles ont entretenu avec leur père. Autant ont abordé le rôle du père dans le ménage, la position de la mère face à l'homme de la maison. Mais l'auteur estime être le premier à avoir abordé l'expérience du devenir père, racontée par l'expérimentateur lui-même. Sur ce point, je ne serais pas aussi confiant que lui. Robinson, par Laurent Demoulin chez Gallimard(2016) en est un exemple. Cela ne range pas, pour autant, ‘La naissance d'un père' au rayon des livres inutiles.

Ce livre, en effet est très abordable et néanmoins sérieux. Ecrit par un philosophe qui a l'expérience du terrain puisqu'il a eu cinq enfants, ce titre nous invite à nous souvenir des petits bonheurs qu'on a pu vivre en essayant d'éduquer au mieux nos enfants. Par petits flashs, séquences parfois burlesques et souvent très tendres, il veut nous démontrer comment un homme devient peu à peu père et la sagesse à laquelle les enfants nous invitent lorsqu'on observe leurs centres d'intérêt et leur faculté à s'émerveiller de tout apprentissage.

Citation:
Je comprenais que les enfants, lorsque nous passons vraiment du temps avec eux, nous rendent le monde une seconde fois. Par empathie, immergés dans leurs impressions, nous nous mettons à redécouvrir des merveilles du quotidien. Un camion poubelles en tournée ou une tractopelle creusant une tranchée vers une canalisation sont, pour un très jeune enfant, des sujets d'étonnement d'admiration.

Loin d'être un catalogue de conseils, prétendus bons par l'auteur, ou d'un fourre-tout d'injonctions paradoxales et de principes cinglants, ce livre est aussi témoin d'un regard moqueur sur la vie d'un père, et plus encore sur celle d'un père de famille nombreuse.

Citation:
Passer de trois à quatre enfants dans une même famille, c'est franchir un cap. Rien n'est plus à vos dimensions. Vous ne pouvez plus monter dans un taxi. Impossible de demander à votre tante ou votre cousin de venir vous chercher à la gare. Les voitures normales sont conçues pour cinq personnes maximum. Quand vous entrez dans une rame de métro, vous ne tenez plus sur un carré de banquettes. Au restaurant, même s'il y a de la place, le serveur doit bouger des tables pour vous installer. Et quand vous allez chez des amis, même s'ils ont une grande maison, vous êtes encombrants. Avec trois enfants, ça passe encore. Mais lorsque vous arrivez à six dans un salon, il y a intrusion, presqu'effraction.

En le lisant et se reconnaissant dans la bonne volonté parfois décalée du père à enseigner au fiston les subtilités de vocabulaire dans notre belle langue française, on se dit que Raymond Devos aurait certes pu préfacer cet ouvrage. Ce qui e veut pas dire qu'après avoir lu, nous nous sentirons plus fort pour expliquer « comment est-ce qu'on parle par devant chez nous ! »

Citation:
Puis il finissait par s'exclamer : « Pour toi ! »
- Oui, c'est la tartine de papa. A la confiture de fraises. Tu en veux une aussi ?
- Une pour toi.
- Attention Giacomo, quand tu parles de toi, tu dois dire « moi ». « Je veux une tartine pour moi ». Ou « Donnez-moi une tartine ». Tu comprends ?
- Non pour toi. Toi aime la confiture.
- Je sais, c'est bizarre mon lapin, disais-je en commençant à lui étaler du beurre sur une tranche de pain. Mais le « toi » devient « moi » quand c'est toi qui parles. Par exemple, si je dis « C'est pour toi, Giacomo », toi tu me réponds : « Oui papa, une tartine pour moi ». Tu es un « toi » pour moi et un « moi » pour toi ».
- « Une tartine veux ! » criait-il en se demandant si je n'étais pas en train de l'embrouiller.
- Pour simplifier, tu peux aussi dire, ajoutais-je en lui montrant le petit carré de pain qui luisait de beurre et de confiture : « Cette tartine est pour Giacomo ».
- Non, Giacomo, c'est toi !
- D'accord, t'as gagné, t'es le plus fort. Régale-toi mon champion.

Cela étant dit, de manière très anecdotique, heureusement, l'auteur ne peut s'empêcher d'égratigner ses semblables par des attaques qui, finalement n'apportent aucune valeur ajoutée au récit. Affaire d'ego ? Probablement. Il a sans doute beaucoup à apprendre des jeux innocents des enfants dont il se dit un observateur assidu. Mais, le rôle de père n'efface pas toute envie d'être aussi le coq ! Alors donc, pourquoi rappeler, qu'en son temps, Marguerite Duras, dans un article qu'elle signe le 17 juillet 1985 dans Libération, a manqué de lucidité en désignant la mère comme celle qui ne pouvait qu'être la seule coupable dans la sombre affaire du petit Gregory ? Et même si cette erreur de positionnement de Duras peut s'entendre, pourquoi souligner que c'était l'été, que donc les gosiers devaient être secs et que …

Citation:
« Duras tournait en ces temps-là à cinq ou même sept litres de vins par jour. Il lui arrivait de mettre son réveil la nuit, à trois ou quatre heure du matin, afin d'ingurgiter un demi litre supplémentaire et de ne pas subir les tremblements du manque ».

Voilà bien, Monsieur Lacroix, des flèches inutiles à décocher dans le dos d'une consoeur écrivaine ! Dommage.

Et pourquoi aussi cette coquetterie d'auteur qui joue à se poser la question de savoir si son dernier chapitre est tout à fait dans la lignée de tous les autres ? Pourquoi cet appel au jugement du lecteur pour faire passer une décision qui est celle de l'auteur et qu'aucun lecteur ne conteste par ailleurs ? L'auto-flagellation est encore aux yeux de certains le signe qu'ils sont habités par le doute, donc profondément sérieux ! Leur hésitation, leur prudence d'homme faible rencontrant des difficultés à trancher justifie le courage dont ils font preuve pour dépasser leurs angoisses et trancher de manière virile les révélant parfaitement capable de régner dans leur univers... Vieille ficelle du métier que ces faux combats intérieurs et, in fine, verbiage scriptuaire sans aucun panache!
Car, s'il avait cru flouer le lecteur, ou il ne disait rien et passait en doute, ou il retirait ces derniers paragraphes ce qui n'aurait modifier que l'aspect cosmétique de son bouquin ! Allons, un peu de simplicité s.v.p. !

Citation:
« Je n'avais jamais provoqué délibérément une expérience ou un moment de vie avec l'un ou l'autre de mes enfants, dans le but de les placer ensuite dans mon livre. Et donc provoquer une rencontre à vivre avec mon fils aîné, premier enfant introduit dans le livre qui, à son terme est devenu majeur, me posait question. A mon sens, procéder ainsi , vivre une situation en sachant qu'on va l'écrire, c'est non seulement trahir les autres mais aussi se tromper soi-même »

Enfin, hormis la double réserve annoncé ci-dessus, au terme de ce livre, somme toute assez agréable et au regard tendre sur nos enfants, nous pouvons entrevoir les difficultés à devenir père mais aussi les joies, petits et grands bonheurs à partager. On sourit, se retrouve. On apprend et on se prend même l'envie d'approfondir quelques réflexions sur les sujets évoqués. A découvrir donc.

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La naissance d'un père Alexandre Lacroix Allary Editions.
Une première de couverture et un résumé intrigant je ne connaissais absolument pas Alexandre Lacroix avant d'ouvrir son dernier livre.
La paternité, une épopée !« La paternité est la grande affaire de ma vie adulte. Elle a occupé une large partie de mon temps.
Fort de ce constat , Alexandre Lacroix se lance dans ce livre qu'il appelle un roman que je qualifierai plutôt de récit, récit de ces années où les enfants ont peu à peu pris place dans son quotidien. Ses souvenirs affluent, le je est omni-présent, le père aussi bien sur .. le directeur de la revue Philosophie magazine sait beaucoup de choses, a des avis sur beaucoup de choses ... Je me suis lassée très vite de ce récit à tiroirs, bien sûr j'ai compatis aux maladies, accidents qui ont entachés sa vie de père de famille exemplaire.
J'ai persévéré bon an mal an heureusement parce que dans le dernier chapitre Alexandre Lacroix ose écrire: "Je savais que cette soirée deviendrait la dernière scène de mon livre, je ne voulais pas la rater" .. Sans commentaire!!
Merci aux éditions Allary #LaNaissancedunpère #NetGalleyFrance
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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
C’est au contact des très jeunes enfants, seulement, que l’on mesure ce que nous avons perdu avec la maturité et à quel point nous sommes devenus blasés ; mais eux ont le pouvoir de faire tomber la cataracte que l’expérience a déposée sur nos yeux et de nous faire remarquer à nouveau les avions de ligne dans le ciel – pour ne rien dire des hélicoptères, ces bourdons métalliques qui ressemblent aux émissions d’une civilisation extraterrestre ! (pages 51-52)
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Les fatigues de l’alcool n’affectent que les canalisations, les fatigues intellectuelles font vibrer les tuiles du toit, les fatigues sportives sont comme un grand soleil d’été chauffant les murs à bloc, séchant humidité et moisissures. Mais les fatigues liées à l’éducation des très jeunes enfants minent les bases mêmes. (pages 248-149)
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INCIPIT
simplement, c’est arrivé
Cinq. J’ai cinq enfants et je ne l’ai même pas fait exprès. Ces naissances ne correspondent en rien à un plan de vie, à un programme que je me serais fixé d’avance. Jeune, je ne m’imaginais pas en père de famille nombreuse, pour moi c’était un état trop conformiste, domestique, ç’aurait été comme rêver de posséder un canapé cuir ou d’avoir de la bedaine. Mais le fait est là : mon premier enfant est né quand j’avais vingt-cinq ans, j’en ai aujourd’hui quarante-deux et il y a dix-sept ans que, presque sans interruption, j’ai eu des couches à changer, entendu des pleurs la nuit, fait réchauffer des petits pots, trimballé des poussettes dans les rues – et toujours eu, qui se recroqueville spontanément autour de l’index, une main de bébé dont la petitesse et l’aspect délicat ont de quoi faire monter les larmes aux yeux. Comment ai-je employé mon temps ? Si je regarde en arrière, l’une de mes premières et plus constantes occupations aura été d’être père. Et je ne l’ai même pas voulu. Simplement, c’est arrivé.
Or, la vie est surtout l’ensemble des événements qui nous tombent dessus sans que nous les ayons choisis ni prémédités, par inadvertance. Chacun peut décider, sur un coup de tête, de traverser l’Amérique du Sud en stop ou d’aller passer six mois dans une cabane au bord d’un lac en Sibérie. Pourtant rien n’est aussi éloigné de la vraie vie que de telles aventures, qui répondent à nos rêves et connaissent le même sort qu’eux, qui nous bercent de leurs couleurs chatoyantes mais seront oubliées au réveil, car elles n’ont pas la consistance du réel. Avoir une vie, c’est se prendre le monde sur le coin de la gueule. La vraie vie à la densité de nos séparations et de nos deuils, des naissances et des désirs contre lesquels les raisonnements ne pèsent rien, des maladies qui nous guettent à notre insu, de ce sur quoi nous n’exerçons aucun contrôle. Comme nous sommes devenus trop ambitieux, ou trop imbus de nous-mêmes, nous avons perdu le goût ancien du destin. Nous n’en tenons plus compte mais il est toujours là, en coulisses, de même que le nombre d’années qui nous reste à vivre est scellé, hors d’atteinte. Au sens le plus exact du terme, mes enfants auront été ma vie d’adulte, la paternité mon destin. Je l’ai subi et je lui ai fait confiance, il m’a terrassé et il m’a agrandi.
Récemment, un homme qui n’a jamais été père, et qui approche de la soixantaine, me demandait :
«Ça te fait combien d’enfants, maintenant?
– Cinq.»
Cet homme fin ajouta d’une très belle voix, dans un souffle qui ressemblait à une prière, sans chercher à me blesser:
«Mais… Pourquoi ?»
J’ai laissé un silence. Si je lui avais répondu que je n’en savais rien, que j’étais incapable de lui fournir un début d’explication, sa consternation aurait été totale. Ne devrions-nous pas savoir ce que nous faisons, être au moins capables de le justifier?
L’année dernière, dans un gymnase où j’accompagnais l’un de mes fils à une compétition, j’ai recroisé Gabriel. Gabriel, c’était un compagnon d’armes de mon adolescence. Je ne compte plus les bêtises que nous avons faites ensemble. Nous nous sommes introduits la nuit dans un parking où nous avons volé une voiture, juste pour rouler sur trois cents mètres, pour la beauté du geste, et nous l’avons laissée au coin de la rue – c’était le défi qui nous intéressait : casser le bloque volant, sectionner les fils, mettre le contact… Nous nous sommes battus dans un jardin public jusqu’à ce qu’une brigade de la police intervienne et braque des torches sur nous. Mais nous nous sommes relevés en nous époussetant dans leurs cercles lumineux: «C’était pour rigoler!» Gabriel, ce n’est pas quelqu’un que je peux recroiser avec indifférence. C’est pourquoi, dans ce gymnase près de la porte d’Ivry où nous nous retrouvions par hasard – son fils participait au même tournoi d’échecs que le mien – nous avons renoué la conversation interrompue comme si de rien n’était. En nous situant volontairement sur un terrain presque neutre, superficiel. Quand sa question est arrivée:
«Au fait, tu as eu d’autres enfants, depuis le temps?
– Oui, j’en ai cinq maintenant.
– Quoi !»
Gabriel connaissait mon grand, Bastien, et il avait sans doute entendu parler de la seconde naissance, celle d’Andrea, puis il n’avait plus reçu les mises à jour. Nous avons continué à discutailler de sujets anodins, ma femme Giulia était là mais non la sienne. Cependant, dès que Giulia a eu le dos tourné, qu’elle s’est éloignée de quelques pas pour aller voir où Andrea en était de ses parties, il n’a pas résisté, il m’a interrogé en chuchotant avec des yeux effarés:
«Qu’est-ce qui t’est arrivé? C’est elle?» Il montrait Giulia du doigt. «Elle t’a obligé à lui faire quatre gosses? Elle t’a forcé? Tu peux encore tout me dire, tu sais…»
Je me demandai, intérieurement, si la remarque était plus désobligeante pour Giulia – à laquelle mon vieux pote prêtait d’emblée l’instinct reproductif insatiable de la femelle – ou pour moi. Est-ce que je serais devenu si veule, si faible de caractère avec l’âge que je serais désormais le hochet d’une épouse autoritaire?
«Non, non, je t’assure. Personne ne m’a obligé à quoi que ce soit.»
Si le sens des expériences les plus profondes n’apparaît qu’après coup, c’est qu’il nous faut d’abord les vivre et qu’elles bouleversent nos préjugés, déplacent nos pensées, pour être capables de poser des mots sur elles. La paternité est une demeure où, une fois la porte franchie, on s’établit pour toujours. Et rien n’y ressemble à ce que nous anticipions tant que nous nous trouvions au-dehors. Nous n’avons d’autre possibilité que d’y avancer à pas lents, avec un sentiment de gratitude et d’effroi, et de visiter les pièces l’une après l’autre, de découvrir progressivement les circulations, les étages et les cours intérieures. Cela ne se résume pas facilement, c’est trop vaste pour être condensé en quelques formules de circonstance, et le temps manquait de toute façon, je n’allais pas devant Gabriel me lancer dans un roman.
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Le 26 avril 1335, le poète Pétrarque s’est élancé de Malaucène, bien avant d’autres, pour gravir à pied le mont Ventoux, ce qu’il raconte dans une lettre. Il s’agit, à ma connaissance, du premier témoignage qui nous soit parvenu d’une randonnée en montagne entreprise pour le plaisir, pour les joies de la contemplation. (page 123)
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Il faut des dizaines d’heures de conduite avant de se voir délivrer un permis ; il faut passer de multiples entretiens d’embauche retors pour décrocher un poste, même subalterne ; mais pour être parent, quelle qualification était requise ? Aucune, il suffisait d’une éjaculation et le tour était joué. C’était à la portée de n’importe qui et c’était la plus lourde responsabilité qui soit. Comment une aberration pareille était-elle permise ? (pages 34-35)
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