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EAN : 9782707185211
600 pages
La Découverte (15/01/2015)
3.75/5   4 notes
Résumé :
En 1657, Nicolas Poussin peint une Fuite en Égypte au voyageur couché. La toile disparaît ensuite pendant plusieurs siècles. Dans les années 1980, différentes versions du tableau réapparaissent, de grands experts s’opposent, des laboratoires d’analyse et des tribunaux s’en mêlent et nombreux sont ceux à vouloir authentifier et s’approprier le chef-d’œuvre.
De quoi nous parle cette histoire aux allures d’intrigue policière ? Qu’est-ce qui fait la valeur ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Gloire française de la peinture du XVIIe siècle, Nicolas Poussin acquit en 2007 une notoriété publique nouvelle lors de l'achat pour 17 millions d'euros de sa Fuite en Égypte par le musée de Lyon. Les débats sur l'authenticité de la toile, qui durèrent près de 20 ans, le battage médiatique qui permit de réunir la somme, le procès qui précéda l'acquisition : tous les ingrédients étaient réunis pour écrire un livre à sensation, couronné par une happy end. C'est pourtant une tout autre histoire que propose Bernard Lahire en exposant ces péripéties parfois rocambolesques. le sociologue analyse en effet les us et coutumes des historiens de l'art, des juristes, des marchands, des vendeurs, interrogeant à la fois la valeur accordée à l'art dans la société contemporaine et les rapports de domination exercés à travers lui. Il révèle de cette manière les jalons d'une « consécration » qui n'a souvent rien de désintéressée. Les rivalités professionnelles, les affrontements pour la possession physique des oeuvres ou pour leur possession intellectuelle par l'attribution, sont décryptés sans aucune complaisance. Mais de manière plus large, l'ouvrage souligne les paradoxes de l'histoire de l'art. La discipline ne peut en effet se nourrir seulement de théories, d'idées philosophiques et esthétiques ; elle ne peut travailler uniquement à partir de textes ou même de concepts. Car elle dépend étroitement d'objets matériels qu'elle doit identifier, dater, et parfois attribuer. Sans ce travail préliminaire, elle perd en quelque sorte son existence même : comment parler du peintre Poussin si le déroulement de sa carrière reste imprécis ? Lorsque les sources d'archives sont inexistantes ou lorsqu'une oeuvre disparue depuis des siècles, comme la Fuite en Égypte, réapparaît brutalement en trois, voire en quatre versions, en collection privée, en salle des ventes et dans les réserves ignorées d'un obscur musée, comment reconnaître l'exemplaire original ? B. Lahire met ainsi au jour toute une chaîne de rites et de cérémonials étranges, qui permettent la légitimation sociale d'un objet artistique. le livre est décapant, car il dévoile au fil des pages le regard « magique » que nous portons sur les oeuvres en général, la manière dont une société les « fabrique » et établit des croyances proches de convictions religieuses. le cas Poussin pourrait d'ailleurs être facilement transposé à la situation de l'art contemporain, dont la valeur pécuniaire peut sembler tout aussi irrationnelle, ou même à celle de la Joconde, traquée quotidiennement par des milliers d'objectifs photographiques et jamais vraiment regardée pour ce qu'elle est : un portrait De La Renaissance parmi d'autres. Mais il faut aussi souligner que ce sont là des cas extrêmes, qui ne préjugent pas du quotidien laborieux de l'histoire de l'art : sans se soucier des aléas capricieux du marché de l'art, inventorier, étudier, sauver même de pauvres objets, dont la société entière se désintéresse souvent avec une bonne conscience parfaite.

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 513, juin 2015
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Mettre à jour le canevas et les fils de couleur utilisés

Une toile, un tableau et des interrogations radicales sur les socles de nos croyances, le sacré, l'institutionnalisation de la peinture, nos connaissances, des formes de la domination…

C'est toujours avec plaisir, que je m'embarque dans un livre de Bernard Lahire. Derrière le poids apparents des pages, j'y trouve la légèreté des beaux ouvrages, des précisions consistantes, des contrées peu fréquentées, des marges peu interrogées, des plongées dans des espaces si souvent escamotés…

Ici, un peu comme dans un très bon livre noir, la présentation des contextes, la mise en place des regards, importe plus que l'histoire elle-même. Et tout cela, parce « ceci n'est pas qu'un tableau »

Dans son introduction, « D'une toile tirer le fil », Bernard Lahire parle de curiosité, d'angles d'attaque, de structure de nos sociétés, de rapports de domination, de magie sociale, d'urgence à « réaliser un travail qui tente de mettre au jour un certain nombre d'états de faits et de socles de croyances quasi invisibles et pourtant si lourds et si structurants pour nos vies », d'oubli politique et scientifique…

L'auteur propose de faire « varier l'échelle de contextualisation en fonction des questions que l'on se pose ou des problèmes que l'on cherche à résoudre », parle de cette (ces) « La Fuite en Egypte », de l'exceptionnalité des discours tenus, de prix, d'énergie sociale, d'« un objet sacralisé par l'histoire et les comportements qui s'y rattachent », de l'état des choses et des « institutions, rapports de force et coups de force cumulés du passé »…

Des tableaux sont qualifiés, classifiés, « on ne retrouvera rien de tout cela dans ce livre, mais bien au contraire la volonté de rendre raison du fabuleux, de dévoiler les croyances et de faire tomber les mythes ». Les objets culturels n'existent que saisis « par des discours, des grilles de classification, des épreuves, des procédures et des institutions », et il y a tant à dire sur cela avant d'éventuellement aborder les sensations et leurs inscriptions sociales et historiques… Comment analyser l'objet magique et l'aura qui semble émaner de lui, le réel « entre continuité matérielle et discontinuité sociale », les usages ou la valeur…

Pour saisir, il faut, une fois de plus, sortir des cadres qui semblent s'imposer mais qui font aussi partie des constructions à analyser, des conceptions qui nous enferment « dans le présent immédiatement visible des situations », des résistances « à cet appauvrissement problématique de la recherche spécialisée »…

Livre 1 : Histoire domination et magie socialement

Etats de faits et socles de croyances

Domination et magie sociale

L'articulation des oppositions : dominants/dominés et sacré/profane

Livre 2 : Art, domination, sacralisation

L'extension du domaine sacré : l'émergence de l'art comme domaine autonome et séparé du profane

Authentification, attribution

Livre 3 : du Poussin et de quelques fuites d'Egypte

Sublime Poussin : maître du classicisme français

Le fabuleux destin de tableaux attribués à Nicolas Poussin

Poussin, la science le droit et le marché

Comment chacun joue son jeudi

Conclusions

En espérant que cette petite introduction et le sommaire donneront l'envi de se saisir de cet ouvrage, et aux marges des pertinentes analyses, je voudrais relever quelques points. Et d'abord, une interrogation sur le « sacré ». Si l'auteur montre les déclinaison spécifiques et historiques du sacré et de nos relations aux sacrés, je reste dubitatif sur le regroupement, sous une rubrique/notion unifiée, de ces rapports sociaux. le sacré comporte en règle générale, deux « modalités » contradictoires : sacré/domination et sacré/refus de la domination. Ces deux dimensions entrelacées sont particulièrement frappantes dans les religions monothéistes. Mais est-ce le cas, sous le capitalisme, pour le fétichisme de la marchandise et son « objectivité » ?

Un second point me semble discutable. L'auteur sous-estime, me semble-t-il, les violences continues imposées/constitutives du fonctionnement des différents rapports sociaux, les différentes dimensions de l'inégalité non réductibles à l'accès aux biens et leurs effets sociaux.

Enfin dans sa virulente et bienvenue charge contre les réductions « savantes » du monde universitaire, je ne pense pas que la « mise à distance de toutes sollicitations et injonctions perturbatrices » soit une réponse raisonnable. le monde universitaire ne souffre pas de trop d'engagements mais plutôt de manque d'engagements socio-politiques (autres choses, sont ses relations marchandes, ses facilités ou superficialités, ses carriérismes ou ses égoïsmes). Et dans sa liste limitée du paysage scientifique des sciences sociales manquent cruellement les chercheuses féministes et les chercheurs/chercheuses non occidentaux…

Quoiqu'il en soit un livre passionnant sur des « magies » sociales, leurs constructions et leurs effets, sur des objets dont « l'existence même en tant qu'objet important retiré du monde des objets ordinaires et constitué en objet digne de notre admiration » et une invitation à décrypter « les mythes savants », penser et non monumentaliser les savoirs, donner à voir « le monstre invisible », être capable « d'opérer ce fameux « bond hors du rang des meurtriers » », et élaborer les compréhensions d'un monde, faut-il le rappeler « transformable ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Cet essai (à travers l'étude de cas des tableaux attribués ou non à Nicolas Poussin, notamment La Fuite en Egypte (1657-1658)) historique (structurel, de longue durée, individuelle ou biographique), politique, sociologique, philosophique, social, anthropologie du croire et des effets de croyance … est aussi un ouvrage militant pour une sociologie à l'échelle individuelle, voir la mise en exergue de la phrase de Michel Foucault « (…) Penser autrement qu'on ne pense (…) Percevoir autrement qu'on ne voit (…) [est] indispensable pour continuer à regarder et à réfléchir (…) ».
La solution aux 2 questions posées par l'auteur, à savoir
1.Qu'Est-ce qui fait la valeur économique/esthétique d'une oeuvre d'art ?
A.D'où vient l'aura attachée aux oeuvres et/ou aux créateurs ?
2.Qu'est ce que l'art dans nos sociétés sécularisées ?
rejoint les enjeux explorés par Patrick NEU (voir l'exposition « Patrick Neu » au palais de Tokyo (Paris) jusqu'au 13/09/2015)
1.abdiquer toute volonté de puissance sur les autres
2.se concentrer sur la volonté de savoir
3.privilégier le travail sur la promotion de soi (pub / marketing)
bien qu'empreinte de bon sens, semble difficilement applicable par tous tant le monde élève la la médiocratie au rang d'art total.


Lien : https://mesmadeleines.wordpr..
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critiques presse (3)
LaViedesIdees
05 mai 2015
Bernard Lahire retrace les querelles d’attribution autour d’un tableau de Poussin. Ce faisant, il fait l’histoire des socles de croyance sur lesquels repose notre monde social.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
NonFiction
20 avril 2015
Une tentative de renouvellement de l'étude des objets culturels à parti d'un tableau de Nicolas Poussin.
Lire la critique sur le site : NonFiction
NonFiction
28 janvier 2015
Bernard Lahire propose de renouveler profondément les problématiques de la sociologie de l'art dans un ouvrage ambitieux malheureusement trop dense et indigeste.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
mettre au jour un certain nombre d’états de faits et de socles de croyances quasi invisibles et pourtant si lourds et si structurants pour nos vies
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volonté de rendre raison du fabuleux, de dévoiler les croyances et de faire tomber les mythes
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Videos de Bernard Lahire (22) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bernard Lahire
Bernard Lahire vous présente son ouvrage " Les structures fondamentales des sociétés humaines" aux éditions La Découverte. Entretien avec Jean Petaux.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2886324/bernard-lahire-les-structures-fondamentales-des-societes-humaines
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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